Intervention de Patrick Abate

Réunion du 28 avril 2016 à 10h30
République numérique — Article additionnel après l'article 19

Photo de Patrick AbatePatrick Abate :

Le domaine public est aujourd’hui important à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, il est un pendant essentiel du droit d’auteur et des droits voisins ; il permet de borner ces derniers et de légitimer leur emprise.

La question du domaine public pose le débat de ces biens sans maître qui, exemptés des droits patrimoniaux, appartiennent au final à tout le monde. C’est ici une conception noble des arts, créés par l’humanité pour l’humanité.

Par ailleurs, le domaine public permet aussi d’enrichir la création puisque les artistes contemporains n’hésitent pas à s’appuyer sur des œuvres tombées dans le domaine public pour produire de nouvelles créations.

Malheureusement, le domaine public souffre aujourd’hui d’une tare : son absence du code de la propriété intellectuelle. De fait, la seule définition du domaine public est une définition négative, conçue par la doctrine et la jurisprudence, forcément mouvantes et sujettes à des revirements.

Internet et le numérique ont conduit à un intérêt renforcé du domaine public puisqu’ils permettent une diffusion des plus larges d’œuvres historiques. Cette diffusion est d’autant plus facilitée que l’œuvre est modifiable. Je pense notamment chaque année à la liste des nouveaux films entrant dans le domaine public qui peuvent faire l’objet de processus de sous-titrages par des passionnés, ce qui permet une diffusion plus large.

Pour ne donner qu’un exemple, le site archive.org permet de télécharger, gratuitement et légalement, plus de 5 000 films.

Cela étant, le maintien du domaine public dans une définition négative – « ce qui n’est pas protégé par le droit d’auteur » – le fragilise trop souvent. On peut d’ailleurs le considérer, à l’instar de l’universitaire et juriste Michael Birnhack, comme « la tombe des œuvres protégées par le droit d’auteur ».

Actuellement, le risque majeur, qui dépend totalement de l’unique négativité de la définition du domaine public, est la tendance à un rallongement de la durée du droit d’auteur. Ainsi, en limitant le domaine public au néant suivant la protection d’auteur, on entraîne une dépendance du premier vis-à-vis du second.

Cette question, qu’on pourrait qualifier de technocratique, a pourtant des incidences fortes. Ainsi, une véritable bataille politique s’est jouée contre le Copyright Term Extension Act aux États-Unis en 1998, puisque ce dernier a fait retourner dans le giron du droit d’auteur des œuvres entrées dans le domaine public, comme celles de George Gershwin, pour ne citer que lui…

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