Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon rappel au règlement porte sur l’actuel statut d’un homme. J’ai eu quelque appréhension à l’aborder au moment où va s’ouvrir un débat concernant des millions d’hommes et de femmes. Mais cet homme-là pose un problème qui intéresse tous et chacun : la liberté.
Son nom : le général Jovan Divjak, arrêté en Autriche il y a quatre mois sur une demande d’extradition de la République de Serbie, reprenant une initiative de Milosevic. Celui-ci osait considérer le général Divjak comme criminel de guerre pour sa présence à Sarajevo au moment du départ négocié d’un régiment de l’armée fédérale le 3 mai 1992, lors de l’agression de la capitale bosnienne par la Serbie. Les documents disponibles, dont un reportage audiovisuel de la BBC, infirment totalement cette forfaiture assimilant Jovan Divjak, soldat de la paix, au boucher Mladic, assassin de 8 000 hommes à Srebrenica, horrible tragédie commémorée hier.
Qui connaît Jovan Divjak sait que sa vie est à l’horloge exacte de la conscience. Ses pensées, ses actes ont toujours été des souffleurs de liberté, de pluralité et de paix.
La France l’a reconnu en le décorant de la Légion d’honneur en 2001 « pour son idéal d’un pays uni, qui cherche à se bâtir sur la richesse de ses différentes cultures », disait Bernard Bajolet, ambassadeur de France en Bosnie-Herzégovine à l’époque.
Le 4 juillet dernier, soixante-deux signatures adressées aux parlementaires européens témoignent pareillement : des artistes, écrivains, universitaires, diplomates, juristes, ainsi que des députés européens et anciens ministres de différents pays, deux anciens présidents du Parlement de Bruxelles, Nicole Fontaine et José-Maria Gil-Roblès, des sénateurs de diverses sensibilités de notre assemblée et trois généraux, Jean Cot et Bertrand de La Presle, anciens commandants en chef de la FORPRONU, et Hugues de Courtivron, expert au Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées, qui ont adressé à Jovan Divjak leur estime et leur soutien.
Son assignation au territoire autrichien devient insupportable.
D’ailleurs la cause a déjà été entendue. En juillet 2010, la justice anglaise rejetait la demande d’extradition d’Ejup Ganic, accusé comme le général Divjak. Fin 2010, les autorités allemandes relâchaient immédiatement Jovan Divjak retenu à l’aéroport de Francfort. En mars 2011, à la suite de l’arrestation du général, le ministre autrichien des affaires étrangères affirmait : « D’après nos experts en droit international, une extradition de Jovan Divjak vers la Serbie est impensable ». Depuis juillet 2003, le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a invalidé la demande d’extradition de la Serbie. Depuis 2005, les autorités judiciaires de la République de Serbie ne sont plus autorisées à délivrer de tels mandats d’arrêt. Depuis juin 2009, Interpol a suivi le tribunal.
Pourtant, depuis le 3 mars, rien. Tout se passe sur le dos de cette grande figure, véritable aubaine humaine. C’est comme si on lui avait passé des menottes au cœur : ôtons-les ! Ne restons pas des passants, ne perdons pas notre fidélité. Exigeons sa libération immédiate.
Alain Juppé, ministre des affaires étrangères, a répondu le 12 avril à un courrier de quinze sénateurs membres du groupe interparlementaire France-Balkans occidentaux : « Je connais les choix courageux qu’a faits le général Divjak, ancien officier serbe de l’armée de l’ex-Yougoslavie qui, en pleine guerre de Bosnie, est resté à Sarajevo pour défendre la ville [...] attaquée par les forces serbes, et qui s’est consacré par la suite à venir en aide aux jeunes orphelins. Ces choix lui ont valu d’être une personnalité éminemment respectée à Sarajevo, symbole d’une Bosnie-Herzégovine multiethnique. [...] La France continuera d’insister auprès des autorités autrichiennes pour que M. Divjak puisse recouvrer dès que possible une liberté totale. »
L’arrestation de Jovan Divjak est un retard d’avenir pour la Bosnie-Herzégovine, sa libération bourdonne d’essentiel. Intervenons avec énergie auprès du Parlement européen et de la République de Serbie pour que les 5 000 manifestants sortis dans les rues de Sarajevo sitôt après son arrestation et la population serbe retrouvent Jovan Divjak.
Monsieur le ministre d’État, ministre des affaires étrangères, vous avez écrit avec l’un de nos signataires, Michel Rocard, un livre intitulé La politique telle qu’elle meurt de ne pas être. Nous ne voulons pas que ce titre caractérise la situation du général Divjak
C’est pourquoi, vendredi 8 juillet, nous avons tenu à Vienne une conférence de presse fort suivie en présence des ambassades de France et de Bosnie-Herzégovine, du ministère autrichien des affaires étrangères et du cabinet de l’avocat du général. Nous voulons que la politique de liberté pour Jovan Divjak « vive d’être » ! Et nous voulons compter sur vous.