Intervention de François Fillon

Réunion du 12 juillet 2011 à 14h30
Demande d'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en libye — Débat sur une déclaration du gouvernement suivi d'un vote

François Fillon, Premier ministre :

L’action de l’OTAN vise des cibles d’intérêt militaire, et en aucun cas des individus.

Au début du mois de juin, nous avons livré des armes légères dans le Djebel Nefoussa. Je sais que ces livraisons ont suscité des interrogations. Nous y avons répondu. Les livraisons respectent la résolution 1973 du Conseil de sécurité, qui autorise les États membres des Nations unies à prendre toutes les mesures nécessaires, malgré l’embargo sur les armes, pour protéger les populations civiles menacées. Cette décision a été prise de manière ponctuelle, et dans un contexte très particulier, en raison des menaces graves et imminentes que courait alors la population du Djebel Nefoussa.

Dès lors que toute intervention au sol est exclue pour aider la résistance, qu’aurait-il fallu faire lorsque ces populations civiles ont été bombardées à leur tour à l’arme lourde ? Fallait-il laisser les massacres se poursuivre ? Telle n’était pas notre conception.

Le respect du droit international est l’un des fondements de notre intervention, et il doit le rester. Mais nous avons en face de nous un homme qui est accusé par le procureur de la Cour pénale internationale de crimes contre l’humanité.

L’usage de la force n’est pas une fin en soi. Nous en conviendrons tous, une solution politique en Libye est plus que jamais indispensable. Elle commence à prendre forme.

Les conditions de la suspension des opérations militaires sont connues : un cessez-le-feu authentique et vérifiable, ce qui suppose notamment un retour des forces de Kadhafi dans leurs casernes, la fin des exactions contre les populations civiles, le libre accès de l’aide humanitaire et, enfin, le retrait du colonel Kadhafi du pouvoir.

Sur l’initiative du Président de la République, La France a été le premier pays à reconnaître le Conseil national de transition. Certains ont cru bon de critiquer cette initiative française alors que, en réalité, elle a ouvert la voie. Trois mois plus tard, plus d’une trentaine de pays, sur tous les continents, considèrent le CNT comme leur interlocuteur politique privilégié, sinon unique, en Libye.

Pourquoi ? Parce que le CNT est la seule autorité légitime sur place, qui regroupe des représentants de l’ensemble du pays. Et parce que le CNT manifeste une réelle volonté de mettre en place un État de droit, dans le respect de l’unité de la Lybie et de l’intégrité de son territoire, avec Tripoli comme capitale.

Naturellement, l’avenir de la Libye sera difficile. Mais faut-il pour autant ne voir que les risques et jamais les chances offertes par le changement ? Car, enfin, de quoi parle-t-on ? De quarante-deux ans de dictature en Libye ! De quarante-deux ans d’une société entièrement verrouillée !

Il appartient aux Libyens d’écrire leur histoire, car il s’agit de leur révolution, pas de la nôtre ! Mais la France est prête à y apporter sa contribution avec ses partenaires.

C’est l’enjeu du groupe de contact, qui est chargé du pilotage politique et de la coordination de l’action internationale en faveur de la Libye et qui ne cesse de s’élargir depuis sa création, en particulier à des États africains ou arabes.

Dans ce contexte, les efforts de médiation se multiplient pour trouver une issue politique à la crise. Je veux évoquer ceux qui sont menés par la Russie ou par l’Union africaine, dont la France appuie l’engagement croissant.

M. le ministre d’État était, voilà quelques heures encore, avec les dirigeants de l’Union africaine. Nous voyons que les positions respectives des différents acteurs sur la modalité de la transition se rapprochent de plus en plus. Il aura l’occasion de vous le préciser tout à l’heure, en répondant à vos questions.

L’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies doit jouer dans ces circonstances un rôle central pour coordonner les différentes initiatives de médiation.

Indépendamment des opérations militaires, la communauté internationale a décidé de mettre en place un mécanisme financier pour assurer les dépenses d’urgence humanitaire de la Libye libre. L’Italie, le Koweït, le Qatar, l’Espagne, la Turquie et les États-Unis ont annoncé qu’ils y contribueraient. La France, quant à elle, a d’ores et déjà annoncé le dégel de 290 millions de dollars d’avoirs libyens qui étaient jusqu’à présent sous sanction.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi agir en Libye et pas dans d’autres États où sévissent meurtres et massacres d’innocents ? C’est une interrogation aussi ancienne que les relations internationales, et je ne la balaye pas d’un revers de main.

Nous ne voulons pas de « deux poids, deux mesures », car nous soutenons toutes les aspirations des peuples à la liberté et à la dignité.

Mais c’est ainsi : il y a des lieux, il y a des moments, il y a des circonstances qui font que ce qu’il est possible de faire pour un peuple, il n’est malheureusement pas possible de le faire ailleurs parce qu’il n’y a pas de consensus international.

Ceux qui nous disent : « Pourquoi la Libye et pourquoi pas partout ailleurs ? » ne sont pas seulement candides ; ils sont en vérité pour l’inaction. Ce n’est pas parce que l’on ne peut ou que l’on ne veut intervenir partout que l’on ne doit intervenir nulle part !

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