Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 12 juillet 2011 à 14h30
Demande d'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en libye — Débat sur une déclaration du gouvernement suivi d'un vote

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Mais, puisque le Président de la République a pris la décision d’intervenir dans cette guerre civile, il est nécessaire de s’interroger sur les conséquences du soutien apporté à ces opposants regroupés au sein de la nébuleuse qu’est le Conseil national de transition.

Malgré les informations et les mises en garde préalables de nos services de renseignements et de certains de nos diplomates, le Président de la République, sur les conseils d’un philosophe éclairé, s’est précipité pour offrir une reconnaissance internationale à un mouvement dont on ne savait ni ce qu’il représentait ni précisément ce qu’il voulait.

Dans cette décision quelque peu aventuriste, on a surestimé les capacités politiques et militaires de la rébellion libyenne et sous-estimé la capacité de résilience des forces fidèles au régime.

La posture du Président de la République s’est ainsi rapidement heurtée à la réalité et à la complexité des situations sur le terrain. Avez-vous suffisamment mesuré les conséquences négatives que risque d’entraîner ce soutien mal contrôlé au Conseil national de transition ?

Pratiquement dès le début des opérations militaires, des spécialistes des relations internationales et des questions de sécurité et de défense, ainsi que des journalistes, ont été nombreux à analyser ce conflit. Tous en ont relevé la dimension provinciale et le caractère de dissidence revancharde. Ils soulignaient également que ce soulèvement armé tentait de profiter du contexte de sympathie qu’avait suscité « le printemps arabe » dans certains pays d’Europe.

Dans un récent rapport rédigé par deux instituts spécialisés dans les relations internationales et le renseignement, rapport qui a été adressé à un grand nombre de nos collègues, la composition et les objectifs du CNT sont ainsi décrits : « Le CNT se révèle n’être qu’une coalition d’éléments disparates aux intérêts divergents, dont l’unique point commun est leur opposition déterminée au régime. Les véritables démocrates n’y sont qu’une minorité et doivent cohabiter avec d’anciens proches du colonel Kadhafi, des partisans d’un retour de la monarchie et des tenants de l’instauration d’un islam radical. »

Ce dangereux cocktail de forces et de personnalités attachées à la défense d’intérêts très divers promet, vous en conviendrez, un avenir très incertain.

Votre intervention, qui, aux yeux du monde arabo-musulman, est entachée d’un label « occidental » va, en définitive, créer plus de problèmes qu’elle n’en résoudra.

Il existe une forte probabilité de déstabilisation du Maghreb, et de la région sahélienne. En outre, à l’heure où réapparaissent au grand jour en Tunisie et en Égypte des mouvements islamistes fondamentalistes, vous prenez le risque de remettre le pouvoir à des éléments de la société libyenne proches de l’islam radical, tout aussi peu démocrates que le régime actuel, et de provoquer une partition du pays. Le remède risque ainsi d’être pire que le mal que vous prétendez éliminer.

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