Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 28 avril 2016 à 15h00
République numérique — Article 43, amendement 614

Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique :

Il s’agit là d’un exemple de dialogue de qualité mené avec les parlementaires, en particulier les sénateurs, et la société civile. On n’entend guère ceux dont nous allons parler, mais, sans eux, il n’y a pas de République numérique.

J’aimerais dès à présent remercier Valérie Létard et le rapporteur Christophe-André Frassa de leur implication personnelle dans ce dossier, qui nous a permis de bien avancer.

J’ai souhaité dès le départ – et j’en suis fière – que dans ce projet de loi pour une République numérique figurent des dispositions relatives au handicap, au sein des articles 43, 44 et, désormais, 44 bis, un volet étant entièrement consacré à l’accessibilité.

On s’en doute, cela n’avait au départ rien d’évident, s’agissant d’un texte à dominante économique, émanant avant tout du ministère de l’économie et des finances. C’est la raison pour laquelle ces articles ont été élaborés en étroite collaboration avec Ségolène Neuville, qui nous rejoindra tout à l’heure pour présenter le dispositif nouveau de la carte « mobilité inclusion ».

Aujourd’hui, l’accessibilité numérique est le pendant indispensable de l’accessibilité physique. Sur ce sujet aussi, nous passons du matériel à l’immatériel. Là encore, le numérique peut être un obstacle à l’inclusion, au vivre ensemble, mais si nous embrassons tout son potentiel d’innovation et d’intégration sociale, il sera une formidable chance à saisir pour favoriser l’émancipation, l’ouverture.

Sur ce sujet, les attentes des associations sont grandes, j’en ai bien conscience, et elles sont légitimes. Il faut regarder les choses en face : notre pays n’est pas en avance dans ce domaine ; d’autres ont beaucoup à nous apprendre. J’ai observé les politiques publiques menées au Canada ou dans les pays nordiques, dont nous devons nous inspirer.

Je souhaite que notre pays joue, à l’avenir, un rôle d’éclaireur, qu’il soit exemplaire, qu’il soit d’une exigence sans concessions.

J’ajoute qu’il me semble important de rappeler que nous parlons ici d’accessibilité au sens général : il ne s’agit pas d’une préoccupation concernant uniquement les personnes en situation de handicap. L’article 43 ne vise pas exclusivement les 5 millions de Françaises et de Français sourds ou malentendants ; il vise en réalité les 66 millions de Français, nous tous qui voulons communiquer avec les personnes sourdes ou malentendantes.

L’article 44 ne vise pas uniquement les personnes déficientes visuelles ou aveugles ; il concerne, lui aussi, les 66 millions de Françaises et de Français qui veulent pouvoir communiquer avec elles et accéder à des sites internet ergonomiques, simples, lisibles, adaptés à toutes et à tous, aux plus vieux et aux plus jeunes. Nous sommes en présence d’un enjeu de « littératie » numérique.

La lutte contre les discriminations est quotidienne. Elle avance progressivement, par à-coups, à force de discussions et de débats. Ce fut très précisément le cas pour l’élaboration de cet article 43. Je considère que, dans sa nouvelle version issue des travaux de la commission des lois du Sénat, son dispositif est désormais abouti et cohérent avec celui initialement envisagé par le Gouvernement, qui, certes, devait être amélioré et a largement évolué pour répondre aux attentes de toutes les parties prenantes.

Le mécanisme global, dans son esprit, reste néanmoins le même : il s’agit de répondre à des besoins très concrets des personnes en situation de handicap dans toutes les situations rencontrées dans leur quotidien, c’est-à-dire dans leurs relations avec les services publics et avec les services clients et consommateurs des entreprises, ainsi que dans leurs relations interpersonnelles.

Dans sa nouvelle rédaction, cet article répond aux attentes des associations en élargissant, par la mention des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques, le public visé concernant l’offre d’accès aux services téléphoniques des services publics et des grandes entreprises au moyen d’un centre relais téléphonique qui assurera l’interprétariat en langue des signes française – il faut ici rappeler que cette langue est une langue de la République, au même titre que le français –, le codage en langage parlé complété et la transcription écrite, ces trois modes de communication répondant à des besoins variés et distincts.

L’amendement n° 614 rectifié prévoit en outre que cette offre sera proposée sans surcoût pour les utilisateurs. En effet, il n’y a pas de raison de faire supporter le coût du dispositif par ses principaux bénéficiaires : celui-ci doit être mutualisé. Cette absence de surcoût concerne les services téléphoniques publics, ceux des grandes entreprises et les offres des opérateurs.

Concernant les moyens mis en œuvre, nous avons déjà insisté, à l’Assemblée nationale, sur la nécessité d’imposer aux services publics, aux entreprises et aux opérateurs des obligations de résultat, mais aussi d’inciter au développement, dans notre pays, d’une filière économique et industrielle à même de fournir des solutions technologiques adaptées.

Il me semble important de rester dans cette logique, mais, à la suite de l’adoption de l’amendement de Valérie Létard, j’ai compris qu’il fallait préciser la méthode. Nous avons repris l’idée de mettre en place un groupement interprofessionnel. Néanmoins, il ne nous paraît ni logique ni vraiment juste de faire peser le coût et l’organisation des communications interpersonnelles sur les seuls opérateurs de télécommunications : ceux-ci fournissent l’outil, mais il incombe à l’ensemble des parties prenantes de supporter les coûts. J’ajoute que cette solution aurait été très fragile sur le plan juridique, car elle aurait entraîné une rupture d’égalité devant les charges publiques. Par cet amendement, nous proposons que le groupement interprofessionnel mutualise les coûts entre l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les services publics, les entreprises et les opérateurs, et ce sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande à tous d’adopter cet amendement. Afin d’éviter que se répètent les erreurs du passé, que les grandes ambitions affichées en restent au stade des promesses, il faut que tous ensemble vous exprimiez votre soutien à cette mesure politique forte. C’est ensemble que l’on peut vaincre !

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