La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Pour votre information, mes chers collègues, je dois vous indiquer que le Premier ministre, Manuel Valls, est aujourd’hui en route pour la Nouvelle-Calédonie
Oh ! sur quelques travées du groupe Les Républicains.
Comme la dernière fois, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours des échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Les mesures annoncées le 22 avril dernier par l’État et EDF suscitent de nombreuses inquiétudes.
Comment l’État pourra-t-il assumer une recapitalisation de 3 milliards d’euros ? En privatisant de nouveaux aéroports ! Comment l’entreprise dégage-t-elle de nouvelles marges ? En privatisant Réseau de transport d’électricité ! Nous sommes bien dans une logique de privatisation globale d’un bien de la Nation, alors que le souci de rendement à court terme des investisseurs privés n’est pas compatible avec les enjeux d’approvisionnement et de sécurité énergétiques.
Autre source de préoccupation, la direction a annoncé un plan d’économies d’un milliard d’euros. Les salariés, que nous avons rencontrés, sont très inquiets des conséquences sociales de ce plan. La sécurité, notamment le grand carénage, et la transition énergétique appellent pourtant des investissements massifs.
La seule stratégie du président-directeur général d’EDF est financière et commerciale, et elle est plutôt hasardeuse puisqu’il était prêt à engager l’entreprise dans un projet de 23 milliards d’euros, alors que tous les indicateurs sont au rouge. La seule réponse des gouvernements qui se sont succédé est également financière puisqu’elle se résume à la question des dividendes.
L’ensemble de la filière énergétique, d’EDF à Areva, a besoin d’une autre stratégie industrielle, de long terme, qui préserve les savoir-faire et le développement de la recherche pour l’ensemble des énergies, tout en préparant l’avenir et la transition énergétique.
Les syndicats et nos concitoyens le disent, la priorité d’EDF est d’assurer le service public en fournissant une électricité de qualité et compétitive au bénéfice des usagers et de l’économie française, conformément à la mission définie par ses créateurs voilà soixante-dix ans. Quelles mesures le Gouvernement, actionnaire d’EDF à hauteur de 85 %, compte-t-il mettre en œuvre pour garantir ce service public ? Va-t-il enfin renoncer aux privatisations, incompatibles avec le service public ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Bravo ! et exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur Bosino, je souscris pleinement à votre désir de voir EDF comme une entreprise forte, se trouvant au cœur de notre stratégie énergétique et nucléaire. C’est bien le choix qui a présidé à toutes les décisions prises ces derniers mois par le Gouvernement, qui a d’abord refondé cette filière de manière cohérente, en rapprochant l’activité « réacteurs » d’Areva et d’EDF, alors que la filière était jusqu’alors totalement divisée, et qui a ensuite décidé de recapitaliser EDF.
En effet, quel est aujourd’hui le principal problème de l’entreprise EDF ? Il est simple : d’une part, l’ouverture de ses prix au marché, sur le fondement de décisions prises il y a dix ans et six ans au travers de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité dite « NOME », et, d’autre part, l’effondrement du marché de l’électricité, le mégawattheure étant passé de 50 euros à 26 euros.
Face à ce problème, il faut en effet avoir une stratégie d’effort partagé ; c’est celle que nous avons décidé d’engager. Cela passe d’abord par l’effort de l’entreprise, à travers un plan d’économies qui s’imposait légitimement, qui est tout à fait réalisable et qui sera mis en œuvre de manière négociée avec l’ensemble du corps social de l’entreprise, en préservant les compétences – c’est d’ailleurs cela qui a conduit à des anticipations au cours de la période 2010-2015 – et toutes les règles de sûreté.
Ensuite, cela passe par l’ouverture du capital – non la privatisation de l’entreprise – lorsque des actifs le permettent. C’est le cas, vous l’avez mentionné, de Réseau de transport d’électricité, RTE, et nous allons travailler autour d’un projet industriel.
Enfin, cela passe par un accompagnement de l’actionnaire majoritaire, c’est-à-dire l’État, actionnaire à hauteur de 85 %.
Que faisons-nous pour cela ? Je ne peux pas partager le constat que vous venez de dresser, selon lequel nous aurions une vision court-termiste ! L’État, qui a prélevé, depuis l’ouverture du capital, 20 milliards d’euros de dividendes, renonce cette année, pour la première fois, à ses dividendes au titre de 2015. Il faut tout de même le rappeler ! Par ailleurs, que venons-nous de faire ? De renoncer aux dividendes pour les deux années à venir et de décider de réinjecter au moins 3 milliards d’euros.
C’est donc bien une stratégie de long terme, responsable et consistant à réinvestir dans l’entreprise qui a été fixée, dans le cadre de ces efforts partagés. En effet, nous prenons la décision d’accompagner la stratégie industrielle d’EDF, de réinvestir dans le parc des centrales, dans son entretien et dans son développement au cours des années à venir, d’investir dans les énergies renouvelables et dans les projets à l’étranger.
M. Emmanuel Macron, ministre. Voilà notre stratégie industrielle et notre politique d’accompagnement.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Mercier applaudit également.
M. Jean-Pierre Bosino. Évidemment, je ne suis pas du tout convaincu, monsieur le ministre.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Jean-Pierre Bosino. En réalité, vous n’avez pas de stratégie industrielle ; vous n’avez qu’une stratégie financière !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
La parole est à Marie-Françoise Perol-Dumont, pour le groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
Chacun de nous, madame la ministre, imagine et partage la satisfaction des 60 000 personnes qui ont retrouvé un emploi le mois dernier.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Ces personnes sont passées dans les catégories B et C, ce n’est pas pareil !
Je remercie mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, de se réjouir avec ces personnes qui ont retrouvé un emploi.
Néanmoins, nous n’oublions pas celles et ceux qui sont encore en recherche d’un travail ou en situation précaire ; la question de l’emploi reste bien, légitimement, la toute première préoccupation de nos concitoyens.
Pour autant, force est de constater, madame la ministre, que les mesures conjoncturelles engagées par le Gouvernement commencent à porter leurs fruits.
La baisse spectaculaire du mois dernier et la tendance globale enregistrée depuis l’été 2015 ne sont pas le fruit du hasard ; elles sont bien le résultat de la politique menée depuis 2012.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
L’amélioration de la situation des jeunes se poursuit : depuis 2014, 36 000 d’entre eux, âgés de moins de vingt-cinq ans, ont trouvé un emploi. L’aide « embauche PME » accélère les effets de la reprise économique ; les déclarations d’embauche ont enregistré un net rebond, particulièrement dans les entreprises de moins de 250 salariés.
Enfin, les conventions signées avec les régions permettront de proposer 500 000 formations aux demandeurs d’emploi dans les métiers qui peinent aujourd’hui à recruter et dans les secteurs d’avenir.
Cela dit, pour que cette évolution positive se confirme, il importe maintenant que des réformes structurelles complètent ces mesures, afin de lever les freins à la reprise, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises tout en créant – ce n’est pas antinomique – de nouveaux droits pour les salariés et tout en favorisant un dialogue social de qualité – cela est essentiel. Tel est l’objectif ambitieux du projet de loi que vous portez, madame la ministre.
Toutefois, tout cela doit être à chaque instant – le brouhaha que j’entends le prouve bien – remis en perspective.
Aussi, pourriez-vous présenter de nouveau devant la Haute Assemblée, madame la ministre, la cohérence globale des mesures volontaristes défendues par ce gouvernement en faveur de l’emploi, …
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. … emploi qui contribue à structurer les êtres humains
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains pour signifier à l’orateur que son temps de parole est épuisé.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. … qui ouvre des perspectives d’avenir…
Prot estations sur les mêmes travées, couvra nt la voix de l’orateur. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice Perol-Dumont, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A, c’est-à-dire n’ayant aucune activité, a en effet diminué de 60 000 en mars dernier.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Cela a concerné toutes les classes d’âge, ce qui est aussi un élément déterminant.
Il n’y a aucun triomphalisme ni aucun excès de confiance à retirer de ces chiffres, mais juste la satisfaction profonde et sincère que, je l’espère, nous partageons tous d’avoir sorti du chômage 60 000 personnes ainsi que leurs familles.
Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains.
J’ai entendu à l’instant quelques remarques sur certaines travées. Je vais vous dire très sincèrement les choses : quand les chiffres sont mauvais, on nous traite d’incompétents ; quand ils sont bons, on affirme qu’il s’agit de manipulation. Cela porte un nom : le cynisme.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.
Cela consiste à s’accommoder d’un chômage élevé pour en tirer un argument électoral ! Soyons simplement satisfaits que 60 000 personnes et leurs familles aient pu sortir du chômage.
M. Jean-Pierre Sueur et Mme Frédérique Espagnac applaudissent. – Mme Catherine Troendlé et M. Roger Karoutchi protestent.
Madame la sénatrice, en effet une politique comportant à la fois des mesures conjoncturelles et des mesures structurelles est nécessaire.
Nous avons mis en œuvre le pacte de responsabilité et de solidarité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, qui ont permis aux entreprises de développer l’investissement, de retrouver des marges, ce qui a conduit l’an dernier, après plusieurs années de destruction d’emplois, à 100 000 créations nettes d’emplois dans le secteur concurrentiel.
Il y a aussi des mesures conjoncturelles : le plan de 500 000 actions de formation supplémentaires pour répondre aux métiers en tension, l’aide « embauche PME » ; en outre, vous l’avez dit, nous entamerons à partir du 3 mai prochain la discussion du projet de loi relatif au travail à l’Assemblée nationale. Ce texte permettra justement à la fois d’améliorer la compétitivité de notre économie, de développer de nouveaux droits et, tout simplement, de redonner de la souplesse aux entreprises pour qu’elles puissent remporter de nouveaux marchés.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC.
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Najat Vallaud-Belkacem. Elle porte sur l’enseignement des langues vivantes étrangères, dans le contexte de la réforme du collège.
J’aurais préféré, madame la ministre, vous interroger à ce sujet devant la commission de la culture. Votre agenda ne l’a pas permis et je le regrette.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Sans doute ne vous a-t-il pas non plus permis de répondre aux nombreuses questions écrites qui vous ont été adressées à ce sujet par des parlementaires.
Mêmes mouvements sur les mêmes travées.
Vous avez présenté votre stratégie en faveur des langues vivantes : vous la dites ambitieuse. Nous aimerions y croire, mais il est de notre devoir de vous alerter au sujet de l’effet dévastateur de la suppression, à la rentrée prochaine, des sections européennes et de la majorité des classes bilangues !
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Vous le savez, ces sections, injustement taxées d’élitisme, permettent de maintenir une certaine mixité dans les établissements, notamment dans le secteur de l’éducation prioritaire. Au nom de l’égalité, vous les avez supprimées. Mais l’égalité ne consiste pas à offrir moins à tous ; elle permet à chacun de trouver sa voie et son parcours de réussite.
En vérité, votre réforme, comme celle des rythmes scolaires, tend à accroître les inégalités territoriales.
Mais non ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Comprenez-vous donc que nos compatriotes soient choqués d’apprendre que toutes les classes bilangues seront maintenues à Paris, quand 95 % d’entre elles devaient disparaître dans l’académie de Caen et 75 % dans l’académie de Rennes, pour ne citer que quelques exemples ?
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Ce n’est pas en proposant l’apprentissage d’une deuxième langue vivante dès la classe de cinquième plutôt qu’en quatrième que l’on compensera la perte de la maîtrise des langues et de l’aisance dans leur usage que permettaient ces classes spécifiques. L’apprentissage des langues autres que l’anglais – allemand, espagnol, italien, arabe – est condamné à être fragilisé et la diversité linguistique, menacée.
Madame la ministre, il est encore temps de faire machine arrière ! Ne serait-il pas plus sage de renoncer à détruire ce qui a fait ses preuves ? En tout état de cause, que ferez-vous pour résorber les inégalités que votre réforme va créer ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Morin-Desailly, honnêtement, quand je vous écoute, je me demande si nous vivions bien dans le même pays ces dernières années.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations et huées sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Je me pose cette question, car, à vous entendre, jusqu’à présent, pour ce qui concerne l’apprentissage des langues vivantes étrangères par nos jeunes collégiens, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes ! C’est que vous venez de nous démontrer ! Et les réformes que nous conduisons risqueraient de mettre à mal ce meilleur des mondes.
Protestations sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Eh bien, je vous invite à vous adresser aux parents : ils vous diront s’ils estiment, eux, que tout allait pour le mieux, s’ils trouvent, eux, que le fait que les jeunes Français soient parmi les pires collégiens de tous les pays qui nous entourent en langues vivantes étrangères était une bonne chose. Et pourquoi une telle situation ? Parce que l’apprentissage n’était pas bon, parce qu’il n’était pas suffisamment précoce, sauf pour les 15 % des élèves qui étaient en effet dans les classes bilangues. C’est cela que vous regrettez de toute votre force aujourd’hui, sans prendre le temps de considérer cette réforme, qui offre à 100 % des collégiens l’avantage de commencer plus tôt l’apprentissage des langues vivantes étrangères.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mais je l’assume totalement ; je le répète pour la énième fois devant la Haute Assemblée, j’assume d’avoir voulu donner à tous les élèves français les mêmes chances de réussite
Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.
plutôt que de réserver celles-ci à quelques-uns.
Bravo ! et applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
Maintenant, parlons des classes bilangues. Vous affirmez que nous creusons les inégalités territoriales. Je vous dis de nouveau que la réforme du collège a conduit à mettre fin à des dispositifs dits « de contournement » – les classes bilangues non justifiées, pour une minorité d’élèves à partir de la classe de sixième –, mais à préserver voire à développer les dispositifs dits « de continuité », c’est-à-dire la possibilité pour des élèves qui ont commencé l’apprentissage d’une autre langue vivante que l’anglais à l’école primaire…
… de poursuivre avec celui d’une deuxième langue vivante dès la classe de sixième. Je le sais, cela paraît un peu compliqué, mais il faut se pencher sur le détail des dispositifs quand on veut les juger ou les critiquer.
Dans ce contexte, sachez que nous avons veillé à développer, sur tout le territoire français, les dispositifs de continuité…
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … et que cela profitera à tous les élèves, à Rouen comme à Paris, à Amiens, à Marseille ou à Strasbourg.
Bravo ! et applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.
M. Pierre Charon. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur, qui a raison d’être absent…
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Voilà plusieurs semaines que, à Paris et à Nantes, les Français assistent à des scènes surréalistes de violences urbaines.
À Nantes, le centre-ville est ainsi devenu un rendez-vous hebdomadaire pour les casseurs, avides d’y trouver des boutiques à piller, et je sais que M. Bruno Retailleau est exaspéré par cette situation récurrente.
Marques d’assentiment sur les mêmes travées.
À Paris, depuis le 31 mars dernier, la place de la République est envahie par des individus, mouvement s’intitulant « Nuit debout », mais qu’il faudrait plutôt appeler « Au lit le jour »… Tags, arrachages des dalles pour faire pousser de l’herbe sur une place récemment rénovée à prix d’or, installation de tentes sauvages et de baraquements, saccage de commerces, musique à tue-tête jusqu’à l’aube, incendie de voitures de police… La place de la République est devenue une véritable jungle.
Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.
Des occupations de bâtiments publics ont lieu – le théâtre de l’Odéon, la Comédie française –, le lycée Jean-Jaurès a été pris d’assaut par 150 migrants, attaque organisée par l’extrême gauche.
Vous mobilisez de nombreuses forces de police, qui ont reçu l’ordre de ne surtout pas intervenir.
Pourtant, il y a trois ans, le prédécesseur de M. Cazeneuve était beaucoup plus prompt à donner des ordres contre certaines manifestations pacifiques réunissant un million de personnes sans aucune dégradation. Le mouvement Nuit debout bénéficie de plus de clémence que les Veilleurs, dont la seule arme était une bougie.
M. Jean-Louis Carrère mime la bénédiction ironique de l’orateur par des signes de croix répétés.
En voulant éviter à tout prix l’injustice, le ministre de l’intérieur organise la désorganisation.
Comment se fait-il que l’on recule devant les casseurs, alors que des terroristes ont été rapidement neutralisés et que la Haute Assemblée a salué M. Cazeneuve à cet égard ? Quand le Gouvernement compte-t-il enfin donner des ordres à la police pour qu’elle puisse accomplir sereinement sa mission : le maintien de l’ordre public ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur Pierre Charon, permettez-moi de vous donner un certain nombre d’informations ; je m’étonne d’ailleurs que, en tant que sénateur de Paris, vous ne les connaissiez pas.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Depuis le début du mouvement Nuit debout, vous le savez, soixante-treize personnes ont été interpellées et placées en garde à vue.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Pour ce qui concerne les événements particuliers que vous évoquez, à savoir ceux qui se sont déroulés la nuit de vendredi à samedi derniers, plus de treize personnes ont été interpellées
Exclamations sur les mêmes travées, couvra nt la voix de l’orateur.
Sourires sur les mêmes travées.
Cela étant, un certain nombre d’élus, dont vous faites, je crois, partie, demandent la suspension du mouvement Nuit debout, au nom des mesures permises par l’état d’urgence.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, l’état d’urgence ne nous permet pas – nous ne le souhaitons d’ailleurs pas – de nous abstraire de l’État de droit.
Applaudissementssur quelques travées du groupe socialiste et républicain.
En outre, vous savez bien évidemment que, le 19 février dernier, le Conseil constitutionnel a rendu un certain nombre de décisions à la suite de questions prioritaires de constitutionnalité et a rappelé que les mesures d’urgence doivent concilier, d’une part, « la prévention des atteintes à l’ordre public » et, d’autre part, le respect des droits et des libertés, dont « le droit d’expression collective des idées et des opinions ».
Le Conseil a en outre rappelé que le juge administratif était chargé de s’assurer que chacune de ces mesures serait « adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité » poursuivie.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Voilà, monsieur le sénateur, ce qui explique pourquoi l’État, appliquant strictement le droit, n’a pas l’intention de se mettre dans une situation où il pourrait être condamné, car, dès lors, c’est lui qui serait affaibli.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Pierre Charon. Monsieur le secrétaire d’État, à l’instar de tous vos collègues du Gouvernement, vous êtes comme les fraises d’hiver : vous êtes hors sol !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Alain Bertrand. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet.
Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le ministre, je souhaite faire une proposition au Gouvernement pour soutenir la ruralité et l’hyper-ruralité.
Les villes, la ruralité souffrent depuis la crise de 2008. Le Gouvernement a déjà pris des dispositions : augmentation sensible de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, création d’un fonds spécial d’investissement et soixante-sept autres mesures. Toutefois, dans le même temps, la révision générale des politiques publiques, la RGPP, puis la modernisation de l’action publique, la MAP, sont passées et ont frappé, en proportion, bien davantage les petits départements et les petites villes que les grands. La baisse des dotations a sur-pénalisé les plus petites communes parce qu’elles ne connaissent pas, elles, d’accroissement annuel de leur richesse économique et fiscale.
La RGPP et la MAP ont donc fait disparaître des emplois et des salaires, le rabot des dotations a fait disparaître des investissements. À tout cela s’ajoute la crise agricole, dont nous convenons tous.
La situation est si difficile, si tendue, si dure qu’il est urgent de prendre les mesures possibles, surtout celles qui ne coûtent pas cher.
La première que je vous propose, monsieur le ministre, est très simple et peut être immédiatement mise en œuvre ; elle enverrait un signal fort aux petites centralités – préfectures, sous-préfectures et bourgs-centres – qui irriguent toute l’hyper-ruralité, tout notre territoire. Il s’agit simplement de démétropoliser et de délocaliser quelques secteurs ciblés, de décider que l’on n’entasse pas tout dans les grandes villes. L’hyper-ruralité a des avantages : coûts de structure inférieurs, main d’œuvre de qualité, enseignement de qualité pour les familles, loisirs peu coûteux, sécurité importante.
Par exemple, les centres d’appel, que nous connaissons tous, seraient prioritairement orientés vers l’hyper-ruralité. D’après l’annuaire du service public, il existe en tout 248 centres d’appel ou de contact – assurance maladie, Allô service public, Pôle emploi –, sans compter les centres d’appel privés, comme les numéros 118, que nous pourrions inciter à s’installer dans la ruralité – à Gap, à Digne, à Aurillac, à Ajaccio à Cahors ou ailleurs – plutôt qu’à l’étranger, par quelques mesures très simples.
Vous poursuivriez ensuite utilement, monsieur le ministre – et je sais votre attachement à la ruralité
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
… ainsi que par l’attribution de travaux déportés de nos administrations.
Démétropolisez, délocalisez, c’est une clef pour la ruralité !
M. Alain Bertrand. Faites-le, monsieur le ministre, c’est sans aucun préjudice pour les grandes villes ! Allez-y ! Quand commençons-nous ?
M. Jean-Louis Carrère applaudit.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Alain Bertrand, je connais votre passion pour la ruralité et même pour l’hyper-ruralité ; nous la partageons. Je sais que vous avez rédigé un rapport de grande qualité sur le sujet.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Néanmoins, je ne pense pas qu’il soit utile d’opposer ruralité et métropoles périurbaines ; tout cela contribue à l’aménagement du territoire. Essayons de le construire de manière harmonieuse.
C’est ce que fait le Gouvernement, puisque nous avons organisé en 2015 deux comités interministériels et adopté soixante-sept mesures, qui sont en cours d’application – j’y reviendrai –, et que nous allons organiser le 20 mai prochain un nouveau comité interministériel à la ruralité. C’est dire si la ruralité, mesdames, messieurs les sénateurs, est une priorité de l’action gouvernementale !
D’ailleurs, nous pouvons déjà en voir les premières réussites sur le terrain avec, par exemple, les maisons de services au public – vous le savez, des engagements avaient été pris pour ramener le service public dans des zones et des secteurs où il avait malheureusement disparu. C’est une véritable réussite ; nous atteindrons l’objectif de 1 000 maisons de services au public en fin d’année, dont 500 réalisées en partenariat avec La Poste, qui non seulement prend en charge leur financement, mais encore garantit la présence postale dans ces territoires, ce qui est très important.
Marisol Touraine et moi-même avons aussi lancé une politique d’ouverture de maisons de santé, pour développer l’offre de santé de proximité ; là encore, 1 000 maisons de santé seront une réalité à la fin de l’année.
Par ailleurs, Emmanuel Macron
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
… et moi-même menons une politique de déploiement pour résorber les zones blanches et grises en matière de téléphonie mobile. Nous développons aussi, y compris en zone rurale, le numérique, indispensable à la vie d’aujourd’hui.
J’ai bien entendu, monsieur le sénateur, vos propositions pour essayer d’amener davantage d’entreprises dans le secteur rural. Pour ma part, je suis bien sûr tout à fait prêt à y travailler avec vous, puisque les territoires ruraux peuvent parfaitement accueillir des fonctions d’excellence, des unités de recherche et d’enseignement et des centres d’appel. Toutefois, soyez conscient et certain que le Gouvernement œuvre déjà fort et vrai pour la ruralité.
Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.
Je prends acte de la décision de la Haute Assemblée de transmettre le dossier du professeur Michel Aubier à la justice et je salue la décision courageuse et exemplaire prise par le bureau du Sénat et son président, Gérard Larcher. Mes chers collègues, la lutte contre les faux témoignages et, par extension, contre les conflits d’intérêts, n’est pas une lubie d’écologiste ; il s’agit au contraire d’un enjeu démocratique et d’intérêt général.
Les politiques publiques ne peuvent être fondées sur des mensonges. Mentir devant la représentation nationale est inacceptable, et je suis scandalisée par la cupidité de certains, de surcroît sur un sujet aussi grave et qui nous concerne tous : la pollution de l’air.
En mentant devant la commission d’enquête, dont Jean-François Husson était le président et dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur, le professeur Aubier a tenté d’influencer, au service d’intérêts économiques privés, des politiques publiques et a ainsi volontairement minimisé un enjeu majeur de santé publique.
Plus grave encore, en mentant devant les parlementaires, le professeur Aubier a menti aux Français.
Encore une fois, chers collègues, une société démocratique ne peut pas reposer sur le mensonge. Cela fait longtemps que nous dénonçons ces pratiques, qui sont une menace et une atteinte directe au bon fonctionnement de notre société, ce d’autant plus dans le contexte social et économique difficile que nous traversons.
Mais faute de preuve et de volonté, de telles pratiques ne sont malheureusement que trop peu révélées et condamnées, alors que, manifestement, nous le savons tous, elles ne sont que trop nombreuses.
En ce sens, nous saluons l’effort consenti par le directeur général de l’AP-HP, Martin Hirsch, qui a proposé un plan de prévention des conflits d’intérêts.
Ma question est simple, madame la ministre : que comptez-vous faire pour mettre fin aux conflits d’intérêts ?
Applaudissements sur de nombreuses travées.
Madame la sénatrice Leila Aïchi, comme vous et comme beaucoup de Français, j’ai été très profondément choquée par la façon dont s’est comporté le professeur Aubier. Qu’un médecin renommé – mais son renom ne change rien à l’affaire –, alors qu’il est auditionné sous serment, oublie de mentionner qu’il est rémunéré par un acteur directement concerné est purement et simplement inadmissible.
La décision, rare, qu’a prise le bureau du Sénat est à la hauteur de la gravité des faits.
De son côté, l’AP-HP étudie la situation individuelle de M. Aubier…
… et examine les conditions d’une éventuelle procédure.
Au-delà du cas personnel de M. Aubier, la communauté médicale de l’AP-HP qui a été profondément atteinte par ces faits a élaboré un guide, afin de définir plus précisément la façon dont les médecins doivent se comporter face aux conflits d’intérêts.
Pour ma part, j’ai fait de la lutte contre de tels conflits une priorité. J’ai mis en place une base, pouvant être exploitée par qui le souhaite, qui permet de repérer les rémunérations en provenance de l’industrie pharmaceutique dont bénéficient les médecins.
À l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, nous avons renforcé, grâce notamment aux apports extrêmement utiles et intéressants du Sénat, le cadre législatif, afin de lutter contre les conflits d’intérêts.
Madame la sénatrice, je souhaite que ces règles puissent être appliquées, y compris pour d’autres secteurs que l’industrie pharmaceutique, car certains médecins peuvent travailler ailleurs que dans ce secteur. C’était le cas notamment du professeur Aubier.
Telle est ma position. Il ne doit en tout cas y avoir aucune tolérance, aucune acceptation de comportement susceptible de jeter le discrédit sur la déontologie médicale et l’excellence des médecins dans notre pays.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.
Madame la ministre, je prends acte de la volonté du Gouvernement de lutter contre les conflits d’intérêts. Nous resterons vigilants sur les futures mesures que vous proposerez.
À l’instant où je vous parle, je ne peux pas m’empêcher d’avoir une pensée toute particulière pour ces personnes, parfois dénommées « lanceurs d’alerte », qui sacrifient leur vie pour l’intérêt général, mais qui bien souvent, trop souvent, restent dans l’ombre, alors que d’autres, avides d’argent, sont prêtes, sans scrupule aucun, à mettre en péril jusqu’à la santé et la vie de nos concitoyens pour quelques euros. Il est de notre devoir de protéger et de reconnaître les unes tout en combattant et en condamnant les autres.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour le groupe socialiste et républicain.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Madame la ministre, la nuit dernière, les partenaires sociaux du secteur du spectacle vivant sont parvenus à un accord sur le régime d’assurance chômage spécifique aux intermittents.
Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Je me félicite de cet accord historique, le premier accord positif depuis trente ans qui prouve que la méthode voulue par le Président de la République, à savoir donner la primeur au dialogue social partout où cela est possible, fonctionne et porte ses fruits !
Et je salue le travail constructif des parties prenantes qui ont su, chacune, faire un pas pour finalement aboutir à un accord satisfaisant pour tous.
Rappelons que le Gouvernement avait décidé en 2014 que, pour la première fois, les acteurs du secteur culturel seraient invités à définir, entre eux, leurs règles en matière d’assurance chômage et d’indemnisation. Ils en étaient exclus jusqu’alors.
Au-delà de la méthode, le contenu de cet accord nous réjouit tout autant : ouverture des droits à indemnisation à partir de 507 heures travaillées sur douze mois, retour à la « date anniversaire » pour le calcul des droits, mesure que j’avais fortement défendue dans mon rapport sur l’intermittence en 2013 §en remplacement de la date « glissante », qui est moins satisfaisante et qui avait été instaurée en 2003, année qui est encore dans nos mémoires !
Je me félicite également de la neutralisation des baisses d’indemnisation après un congé de maternité, étant depuis longtemps sensibilisée à cette question des femmes intermittentes du spectacle qui font face à de très nombreuses difficultés.
Mme Maryvonne Blondin. Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer comment le Gouvernement compte soutenir cet accord essentiel pour la vitalité et la richesse culturelle de notre pays ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, vous l’avez dit, c’est un accord historique qui a été trouvé.
Exclamations ironiques sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Il n’y a pas de création sans créateurs, il n’y a pas de création sans artistes ni techniciens du spectacle. Le modèle d’assurance chômage de ces artistes et techniciens repose, vous le savez, sur la solidarité interprofessionnelle. Il était donc normal que ce régime contribue à la réforme générale du système de solidarité chômage.
L’accord qui a été trouvé, vous l’avez dit, est le fruit aussi d’une méthode. Nous avons fait confiance, pour la première fois, aux partenaires sociaux du spectacle en leur réservant, dans la loi du 17 août 2015, la conduite des négociations. Ils ont su être à la hauteur de cette confiance. Ils ont trouvé un accord qui prouve la capacité et la détermination de la profession à faire des propositions responsables, dans le sens de l’intérêt général.
Cet accord devrait permettre de consolider le régime spécifique de l’assurance chômage sur le plan financier. Il représente un effort, qui reste à quantifier précisément, de l’ordre de 80 millions à 110 millions d'euros d’économies qu’il faut saluer.
C’est aussi une réponse claire aux inquiétudes exprimées par les professionnels du spectacle et que vous aviez soulignées et analysées dans votre rapport de 2013.
Les revendications ont été entendues, vous l’avez dit, qu’il s’agisse du retour à la date anniversaire, de la neutralisation des baisses d’indemnisation pour les retours de congés de maternité, et aussi d’une meilleure prise en compte des heures relevant d’un enseignement artistique ou technique, en cohérence avec nos politiques d’éducation artistique et culturelle.
Cet accord prévoit également une majoration de la contribution des employeurs du secteur, ce qui est un signe de responsabilité de leur part.
Par ailleurs, dans le cadre d’une politique plus globale de soutien à l’emploi, une dotation de l’État de 90 millions d'euros…
… permettra de consolider l’emploi permanent dans le secteur. En outre, un plan d’action, que Myriam El Khomri et moi-même allons signer, va être organisé.
Mme Audrey Azoulay, ministre. En conclusion, il faut le dire clairement aussi, maintenant que cet accord est trouvé, les théâtres doivent être rendus à leur public. Ce n’est plus l’heure ni le lieu de cette mobilisation. D’ailleurs, les occupants de la Comédie française ont quitté la place, et je souhaite que les spectacles puissent reprendre partout ailleurs.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
« Êtes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des Landes ? » : c’est la question qui sera posée le 26 juin aux électeurs de Loire-Atlantique.
Pour la première fois dans l’histoire de notre République, l’État impose à des élus locaux d’organiser une consultation relative à un équipement à vocation régionale à propos duquel toutes les procédures et les recours sont purgés.
C’est un précédent qui nous amène à nous interroger. Désormais, quelle que soit son avancée, tout projet peut être remis en cause par une simple question, posée au mauvais moment, sur un périmètre contestable.
Cette décision est d’autant plus invraisemblable que quatre arrêtés préfectoraux d’autorisation de démarrage des travaux ont été signés. Cela conduit à s’interroger sur la valeur de la signature de l’État.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Le Gouvernement remet en question les conclusions favorables de l’enquête publique de 2006 et de la commission du dialogue créée en 2012 par Jean-Marc Ayrault.
Il désavoue le travail considérable de la justice qui s’est prononcée 154 fois favorablement.
Enfin, cette consultation nie l’engagement des élus de terrain qui s’évertuent depuis des années à mener des procédures de concertation, de plus en plus lourdes et chronophages.
En bref, le Gouvernement piétine cinquante années de décisions prises par tous les gouvernements et l’ensemble des collectivités territoriales, les villes, les départements et les régions.
Monsieur le secrétaire d'État, quels seront les documents accessibles aux électeurs ?
Dans le cas d’un vote négatif, comptez-vous abroger la déclaration d’utilité publique de 2008 ?
Si le oui l’emporte, prenez-vous une nouvelle fois l’engagement de faire évacuer la zone, afin que les travaux puissent démarrer ?
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur Guerriau, comme vous le savez, le processus que vous avez décrit est issu d’une ordonnance qui a été publiée vendredi dernier, conformément à la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. C’est en effet dans le cadre de cette loi qu’a été instauré ce type de consultation qui a été validé par l’important travail réalisé par la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique, que préside le sénateur Alain Richard.
Telle est la base juridique de ce travail, qui est une innovation démocratique, qui crée un nouveau dispositif de consultation locale des électeurs pour des projets que l’État peut décider ou non d’autoriser.
Cette ordonnance trouvera une première application à travers la consultation organisée sur le projet de transfert de l’aéroport dit « de Notre-Dame-des-Landes ». Cela a été annoncé par le Président de la République le 11 février dernier.
Le décret de convocation des électeurs qui a été publié précise d'ailleurs que cette consultation aura lieu le 26 juin, qu’elle concernera les électeurs du département de Loire-Atlantique qui correspond aux territoires couverts par l’enquête publique dont le projet a fait l’objet. Les électeurs seront appelés à se prononcer, ce qui ne remet aucunement en question les enquêtes publiques qui ont eu lieu précédemment.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
Comme le prévoit l’ordonnance, un dossier d’information sur le projet sera établi par la Commission nationale du débat public. Il s’agit là d’un gage important d’impartialité de la qualité de l’information qui sera mise à la disposition des électeurs.
Ce dossier présentera de façon claire et objective le projet, ses motifs, ses caractéristiques, l’état d’avancement des procédures, ses incidences sur l’environnement et les autres effets qui sont attendus.
Le Gouvernement invite l’ensemble des forces démocratiques du pays à se mobiliser pour que la consultation du 26 juin soit un succès.
À chaque fois que nous avons avancé dans les procédures démocratiques de construction de ces grandes infrastructures, il y a toujours eu des gens pour protester contre l’élargissement de la consultation démocratique.
Nous sommes donc tristes de constater…
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … que, en dépit du fait que cette procédure est parfaitement conforme au droit, à la loi et à la vie démocratique, vous y trouviez à redire.
Protestations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Monsieur le secrétaire d'État, la loi Macron du 6 août 2015 autorise l’État à organiser une procédure de consultation locale seulement pour les projets à venir et non pour des projets autorisés.
Vous êtes en train de créer une situation absolument infernale, puisque plus aucun projet d’infrastructures ou d’équipement qui serait conforme aux règles en vigueur ne peut être sécurisé par le droit. À chaque fois, on se retrouvera dans une situation compliquée.
Vous organisez le désordre, voilà ce que vous faites !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Je rappellerai la position du Premier ministre, qui a dit, dans cet hémicycle, …
M. Joël Guerriau. … que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes se ferait. Que vaut la parole du Premier ministre ?
Vifs applaudissements sur les mêmes travées. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, très récemment, un magazine national très connu a mis en ligne sur internet une vidéo intitulée Les enfants à l’école de l’Islam, tournée dans une salle municipale d’Avignon. Apparemment, cette salle municipale a été mise à disposition par la mairie d’Avignon dans le cadre du dispositif des enseignements de langues et cultures d’origine, dit « ELCO ».
Ce dispositif prend appui sur une directive européenne du Conseil du 25 juillet 1977 visant à la scolarisation des enfants des travailleurs migrants. Il a été mis en œuvre sur la base d’accords bilatéraux conclus entre la France et plusieurs États de l’Union européenne, du Maghreb et du Moyen-Orient.
Dispensés à partir du cours élémentaire par des enseignants recrutés, formés et rémunérés par leur gouvernement respectif, les enseignements en cause viennent en complément de l’enseignement normal, notamment sur un créneau dévolu théoriquement aux temps d’activités périscolaires.
Au départ, la finalité de ce dispositif était de favoriser le retour au pays des enfants d’immigrés.
Cependant, cet enseignement tel qu’il est pratiqué aujourd'hui détourne l’esprit de la loi, dès lors qu’il s’adresse à des enfants de deuxième ou de troisième génération qui n’ont pas pour objectif de retourner dans leur pays d’origine.
Force est de le constater, avec l’appui de cette vidéo qui a été largement diffusée, aujourd'hui, ce dispositif n’offre pas les garanties suffisantes pour ce qui concerne ses contenus pédagogiques et favorise le communautarisme.
Dès lors, dans la période que nous traversons actuellement, il conviendrait plus que jamais de promouvoir et de garantir l’intégration de ces enfants.
Madame la ministre, à l’heure où nous devons en effet être vigilants et affirmer notre attachement au principe de laïcité afin de préserver l’ordre républicain, quelles mesures comptez-vous prendre pour réviser ou supprimer au plus tôt ce dispositif, qui, de toute évidence, se détourne de sa fonction initiale ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur Dufaut, je vous remercie de votre question, qui complète bien celle qu’a posée Mme Morin-Desailly et qui me permet de préciser la réponse que je lui ai apportée tout à l’heure.
Notre politique en matière de langues vivantes est de favoriser leur apprentissage précoce, de manière que les élèves les assimilent mieux.
Nous voulons également assurer une plus grande diversité des langues vivantes apprises à l’école, notamment à l’école primaire. J’ai annoncé, voilà quelques mois, que, à la rentrée prochaine, 1 200 écoles primaires supplémentaires dans notre pays offriraient une autre langue que l’anglais au titre de l’apprentissage de la LV1, la première langue vivante apprise à l’école. C’est un beau progrès qui est engagé et que nous allons poursuivre.
J’en viens aux ELCO, qui, bien sûr, ont partie liée avec ce qui précède.
Vous l’avez rappelé, des conventions bilatérales ont été passées dans les années soixante-dix entre la France et un certain nombre de pays étrangers, afin de permettre à des professeurs originaires de ces pays d’enseigner leur langue d’origine à des élèves venus s’installer en France.
Ces conventions, c’est vrai, ont fait long feu et elles méritent d’être transformées. C’est ce sur quoi je travaille depuis plus d’un an maintenant, car cela nécessite une négociation bilatérale pays par pays que j’ai commencé à mener avec plusieurs pays. Il s’agit de revoir ces conventions de manière que, désormais, l’apprentissage de langues, telles que l’arabe, le portugais, l’italien, le turc, se fasse dans un cadre plus banal, comme on apprend l’anglais, l’allemand, ou l’espagnol, et que ce soit, dans les prochaines années, une réalité dans notre pays.
À cette fin, il faut donc réviser les conventions une à une. J’arriverai, pour la rentrée 2016, à revoir celles qui ont été conclues avec le Maroc et le Portugal, ce qui permettra déjà une belle expérimentation. Il s’agit de faire en sorte que les professeurs qui enseigneront les langues en question fassent partie intégrante de l’équipe pédagogique des établissements scolaires, que le programme de leurs cours soit contrôlé, qu’ils fassent même l’objet d’inspections, et que les élèves obtiennent une évaluation, une certification de leurs compétences dans ces langues qui leur permette de les approfondir au collège.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Voilà ce que nous commencerons à réaliser à la rentrée prochaine avec ces deux pays qui ont accepté de faire le premier pas. Nous nous donnons jusqu’à 2018 pour faire de même avec tous les pays concernés par les ELCO, de manière à changer enfin de système.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour le groupe socialiste et républicain.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a lancé un nouveau dispositif, inscrit dans la loi de finances pour 2016, qui est destiné à soutenir l’investissement public local. Cette enveloppe supplémentaire, d’un montant de 1 milliard d’euros, est constituée de 200 millions d’euros d’abondement de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, de 300 millions d’euros de dotation aux centres-bourgs et de 500 millions d’euros pour un fonds de soutien à l’investissement local.
Le 15 janvier 2016, le Premier ministre a adressé un courrier aux préfets pour les informer de la création de ce nouveau dispositif. Cette circulaire était accompagnée d’une annexe présentant les modalités d’instruction et d’attribution de la dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements.
La circulaire concernant l’instruction des demandes précise que « la loi n’interdit pas le cumul d’une subvention au titre de l’une des enveloppes de la dotation de soutien à l’investissement avec toute autre subvention, qu’il s’agisse d’une subvention au titre de la DETR ou de l’autre enveloppe du fonds ».
Monsieur le ministre, ma question consiste à savoir si les préfets ont le pouvoir d’interpréter le texte de cette circulaire pour interdire le cumul du fonds de soutien à l’investissement local avec la DETR, comme c’est actuellement le cas, par exemple, en région Auvergne-Rhône-Alpes. En effet, le préfet de notre région a décidé de réserver ce fonds aux communes qui ne bénéficient pas de la DETR. Cette position me semble contraire au texte, qui traduit la volonté d’accompagner toutes les collectivités du bloc communal.
De nombreux maires m’ont d'ailleurs fait part de leur incompréhension et certains d’entre eux envisagent même de renoncer, ce qui est grave, à réaliser l’investissement qu’ils ont prévu, faute d’obtenir ce fonds de soutien.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de nous confirmer la possibilité de cumuler ce fonds de soutien à l’investissement local avec la dotation d’équipement des territoires ruraux, comme le prévoit le courrier de M. le Premier ministre adressé aux préfets.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur Magner, tout d’abord, permettez-moi de vous dire qu’il est réconfortant pour un ministre et pour un gouvernement de constater qu’une politique nouvelle mise en place est appréciée et rencontre le succès.
C’est le cas, mesdames, messieurs les sénateurs, du fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL, qui est destiné en priorité aux zones rurales, et qui, effectivement, déconcentré auprès des préfets pour être plus efficace, plus réactif et plus rapide, rencontre un véritable succès.
Ce fonds, tout de même doté de 1 milliard d’euros, vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, est constitué de 500 millions d'euros pour l’investissement en direction de grandes priorités – investissement déterminé entre les communes et l’État –, de 300 millions d'euros pour la revitalisation des centres-bourgs et de 200 millions d'euros de DETR supplémentaire qui s’ajoutent à la DETR ordinaire.
Il est vrai que la réussite est au rendez-vous et nous ne pouvons, les uns et les autres, quelle que soit notre sensibilité politique, que nous en féliciter.
Je le disais à l’instant, pour être un outil pertinent et efficace, ce fonds a été déconcentré, et il appartient donc aux préfets de le répartir.
Monsieur le sénateur, pour répondre clairement à votre question sur le cumul entre le FSIL et la DETR, je vous indique qu’il n’y a aucune interdiction à cumuler ce fonds avec cette dotation. J’ai d'ailleurs récemment rappelé cette orientation aux préfets. Je sais qu’il y a eu dans votre région quelques difficultés.
Elles sont désormais aplanies.
Encore bravo, et merci de votre implication personnelle pour la réussite de la France !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le garde des sceaux, plus de 68 000 : c’est le nombre de personnes détenues actuellement dans les prisons françaises ; 58 500 : c’est le nombre de places. La surpopulation carcérale est évaluée à près de 10 000 détenus. La densité peut atteindre 120 % dans quatre-vingt-treize établissements. Le nombre de matelas au sol a augmenté de 50 % en un an.
Vétustes et surpeuplées, nos prisons sont régulièrement dénoncées par les instances européennes parmi les pires d’Europe.
Les violences augmentent en leur sein. Le taux de suicide est deux fois plus élevé que celui de la moyenne européenne.
Tout cela ne fait que contribuer à l’aggravation du mal-être bien connu des personnels pénitentiaires.
Sitôt entré en fonction, le Gouvernement auquel vous appartenez a pourtant annulé la programmation, adoptée en mars 2012, de 24 000 places de prison à l’horizon 2017, le financement étant voté année après année en crédits de paiement. J’apporte cette précision, parce que vous allez me rétorquer que cette mesure n’était pas financée.
Trop ambitieux ? Peut-être… Mais à examiner les chiffres du ministère de la justice, on constate que le nombre de places est passé de quelque 57 200 en janvier 2012 à 58 500 aujourd’hui. En réalité, vous n’avez créé que 1 325 places supplémentaires.
Et pendant ce temps, les conditions de vie, déjà indignes, se sont aggravées tant pour le personnel pénitentiaire, qui est à bout de force, que pour les détenus.
Je rappelle aussi que votre prédécesseur a fermé des maisons d’arrêt, comme celle de Lure, en Haute-Saône, parfaitement aux normes, pour un motif fallacieux et contestable.
Monsieur le garde des sceaux, allez-vous enfin relancer un plan de construction plus ambitieux de places de prison, non pas nouvelles, mais bien supplémentaires ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Ma réponse tient en trois lettres, monsieur le sénateur : oui. Oui, il faut construire des prisons.
Bravo ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Combien faut-il en construire ? Je propose que nous en reparlions au mois de septembre. Je pourrais bien sûr annoncer n’importe quels chiffres. Beaucoup, comme je l’ai lu, avancent les nombres de 10 000, 20 000, 30 000… Depuis que je suis garde des sceaux, j’ai reçu vingt-cinq courriers de parlementaires me demandant de créer des établissements pénitentiaires.
Le président Retailleau m’a parlé de la situation des maisons d’arrêt de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte, dans son département de Vendée. M. Béchu a évoqué la future prison de Trélazé, dont la construction est aussi urgente qu’indispensable, tout comme celle de Lamentin en Guadeloupe. J’ai discuté avec François Baroin cette semaine du projet de prison à Lavau, la fermeture de la centrale de Clairvaux ayant été décidée. Partout, on me demande des prisons.
Vous voulez la réponse : oui, nous en construirons en solde. Nous en fermerons aussi, car la vétusté de certains établissements le justifie.
J’étais hier à Agen, à l’École nationale de l’administration pénitentiaire, pour saluer la plus grande promotion de personnels pénitentiaires depuis 1958. Ils étaient 788. L’année prochaine, monsieur le sénateur, nous recruterons 2 500 personnels de surveillance.
Donc, nous supprimons des établissements quand ils sont vétustes, c’est le cas de Clairvaux. Nous traiterons avec toute l’attention qu’ils méritent les personnels qui servent dans cette prison. Nous ouvrirons à Lavau 520 places. Nous ouvrirons une prison dans votre département. Je ne peux d'ailleurs pas vous indiquer quelle sera la capacité de cet établissement, puisqu’il ne faut pas toucher aux prisons existantes, telle celle de Vesoul, à laquelle je sais que vous êtes attaché. Mais, je le répète : oui, nous construirons des prisons.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Michel Raison. Vous nous avez donné, monsieur le garde des sceaux, un certain nombre de chiffres concernant ce qu’il fallait faire, mais cela n’excuse pas ce que vous n’avez pas fait !
Exclamations sur les mêmes travées.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
La France va mieux ! Et pourtant, 85 % des Français ne sont pas satisfaits de la politique proposée par le Président de la République. À titre d’exemple, sur 100 spectateurs qui vous regardent en cet instant, monsieur le secrétaire d'État, 85 ne vont pas se satisfaire d’une réponse sur le thème du « tout va mieux ». Ils sont dans la vraie vie, faite de difficultés, et attendent des résultats accessibles.
Oui, nous nous réjouissons de la baisse de 60 000 chômeurs de catégorie A. Mais ces 60 000 chômeurs en moins sont venus nourrir les rangs des emplois précaires et des entrées en stage ou ont fait l’objet de radiations massives. Où est le cynisme ?
Que disons-nous aux 3 531 000 chômeurs de catégorie A qui sont sans emploi ? On en relève 645 000 de plus depuis votre arrivée ! Est-ce que cela va mieux pour eux ?
Puis-je ajouter que la situation économique s’est fortement dégradée, que la dette continue à s’envoler et représente un risque majeur, que les économies annoncées ne sont pas au rendez-vous et que nous nous faisons distancer par les grandes nations européennes ?
Dans cette période où il faut faire des économies, le Président de la République annonce, à chacune de ses interventions, des dépenses nouvelles. À titre d’exemple, le point d’indice de la fonction publique, le plan de formation, la généralisation du service civique, la prime à l’embauche, le RSA, etc.
En quelques mois, ce sont près de 11 milliards d’euros de dépenses nouvelles, qui ne sont pas financées et dont une partie significative sera reportée après 2017.
Monsieur le secrétaire d’État, n’est-il pas temps de rompre avec cette politique de promesses intenables, reportées et qui s’apparentent, en cette dernière année de quinquennat, à des promesses électorales ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur, votre question appelle deux angles de vue.
Tout d’abord, vous avez cité une liste de ce que vous appelez les dépenses nouvelles. Je vous invite à nous dire lesquelles sont superfétatoires, inutiles…
Fallait-il renoncer à un plan de formation pour les chômeurs, dont vous soulignez le nombre trop important ?
Fallait-il renoncer à 900 millions d’euros d’allégement de cotisations pour les professions agricoles, qui en ont tellement besoin ?
Fallait-il renoncer à ce que les bas salaires dans la fonction publique soient dignement reconnus par une augmentation – trop légère, diront certains – du point d’indice ?
Pourquoi stigmatiser et additionner – vous excuserez ma franchise habituelle – des dépenses de 2016, 2017 et 2018 pour arriver à une somme – 11 milliards d’euros – qui représente une addition de carottes et de navets, pour utiliser une expression populaire ?
À la suite des annonces du Président de la République, 4 milliards d’euros supplémentaires seront nécessaires pour le budget 2016. Je les ai passés en revue hier, dans cet hémicycle, à l’occasion du débat sur le projet de programme de stabilité.
Second angle de vue de votre question : comment seront financées ces dépenses ? Comme l’année dernière ! Il y a un an, à la même époque, vous aviez les mêmes discours… Vous disiez que nous ne saurions pas financer ce que nous avions décidé de consacrer à la sécurité des Français, à la défense, notamment extérieure, de notre pays. Or, à la fin de l’année dernière, le déficit s’est élevé à 3, 5 %, au lieu de 3, 8 %, soit 6 milliards d’euros de moins que prévu.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ayez confiance ! Travaillons ensemble pour que des économies supplémentaires puissent financer des dépenses nouvelles, dont vous devez reconnaître, avec nous, qu’elles sont nécessaires !
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je m’attendais, monsieur le secrétaire d’État, à la qualité de votre réponse. Je sais que je parle à un poids lourd du Gouvernement.
Très sincèrement, vous savez que vous reportez la plupart des dépenses au-delà de 2017. Vous savez aussi que les économies ne sont pas faites. Vous avez beau me montrer les papiers que vous avez à la main, mais nous vous disons que ce n’est pas possible.
Pour terminer et à titre amical, vous pourrez dire au Président de la République qu’il ne cherche pas M. Macron le 8 mai. Il sera à Orléans, pour les fêtes de Jeanne d’Arc !
La parole est à M. David Rachline, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.
Lundi dernier, le Président des États-Unis venait rencontrer les dirigeants européens et leur a, une nouvelle fois, fait la leçon. Sans grande surprise, il a trouvé, en Mme Merkel, une alliée de poids pour défendre les négociations du fameux traité transatlantique, dit « TAFTA ».
À la suite de celles du Front national, des voix commencent à se faire entendre – j’ai notamment noté celle de M. Cambadélis – pour dénoncer ce traité tant sur le fond, traité imprégné d’idéologie mondialiste déracinée, que sur la forme, opacité totale des négociations.
À l’heure où la notion de transparence est sur toutes les lèvres des responsables publics, il est pour le moins étonnant d’avoir accepté les conditions dictées par les États-Unis. On est bien loin de la démocratie participative si chère à l’une de vos collègues…
Je me réjouis que le Front national ait été un des lanceurs d’alerte sur les risques majeurs associés à ce traité
Protestations sur les travées du groupe CRC.
Même si, d’une part, le Gouvernement français n’est pas partie prenante dans cette négociation, mais est malheureusement un simple observateur des agissements de la Commission européenne, et que, d’autre part, ce traité est le fruit de la déconstruction idéologique des nations prônée par les instances européennes et soutenue, depuis toujours, aussi bien par la gauche que par la droite, ma question est finalement assez simple et intéresse au plus haut point tous les Français.
Quand le Gouvernement va-t-il annoncer que la France demande à l’Union européenne de mettre fin à cette négociation ? À défaut, quelles sont les lignes rouges que le gouvernement de la France s’est fixées dans ces négociations, lignes qui, si elles étaient franchies, entraîneraient un rejet par la France de ce traité, avant même toute forme de ratification ?
Monsieur le sénateur, la France n’est pas l’ennemie du libre-échange. Nos entreprises en ont besoin. Vous êtes d’ailleurs bien content, lorsqu’elles enregistrent des succès en termes d’investissements extérieurs, car ceux-ci sont créateurs d’emplois dans les pays concernés, mais aussi dans le nôtre. Donc, ne soyez pas dogmatique !
En revanche, il faut être exigeant, et c’est le rôle de la France de mettre cela en avant, en particulier dans les instances communautaires, car c’est l’Union européenne qui négocie, en relation étroite – bien évidemment – avec les États membres.
Je voudrais citer un bon accord, celui que l’Union européenne a paraphé avec le Canada. On y retrouve l’accès aux marchés publics, y compris à l’échelon des provinces, le respect des indications géographiques, si importantes pour nos terroirs, un règlement des différends respectueux du rôle des États, ou encore un équilibre dans l’ouverture des marchés au bénéfice, notamment, de nos agriculteurs.
Mais avec les États-Unis et à ce stade – disons-le clairement –, le compte n’y est pas ! Le bénéfice mutuel n’est pas assuré. Les garanties indispensables à la défense de nos intérêts et de nos choix collectifs, qu’il s’agisse de la qualité des produits comme des normes sociales ou environnementales, ne sont pas réunies. Les objectifs offensifs de l’Europe, notamment en matière d’accès aux marchés publics, ne sont pas atteints.
La France ne veut pas d’un accord au rabais. Elle ne l’acceptera pas et veut une négociation en toute transparence qui permette de satisfaire nos véritables ambitions pour le développement de nos échanges avec les États-Unis, dans le respect de nos intérêts, de nos traditions et de nos valeurs.
Tel est l’objectif du Gouvernement. Vous dites que nous ne pesons pas et que nous ne décidons pas. Vous avez tort ! Sachez que, au final et quoi qu’il arrive – il est vrai que nous en sommes encore très loin –, c’est le Parlement qui se prononcera !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je me réjouis de ces paroles, monsieur le ministre, mais j’ose espérer qu’elles ne sont pas seulement destinées à gagner du temps face à la fronde qui se propage devant ce TAFTA.
Je crois qu’il serait temps que le Gouvernement et le Président de la République posent un acte fort de souveraineté et que, comme en 1998 lors des négociations de l’accord multilatéral sur l’investissement, la France dise haut et fort son opposition à la poursuite des négociations.
L’histoire nous a appris qu’on ne pouvait pas faire confiance à la Commission européenne. C’est pourquoi, dans le cas où les négociations déboucheraient sur un traité, je demande que la ratification soit soumise à la seule souveraineté absolue, c’est-à-dire à l’expression de la volonté du peuple français, et fasse donc l’objet d’un référendum et que, contrairement à celui de 2005, le Gouvernement ne bafoue pas l’expression démocratique.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 3 mai et seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.
TITRE II (SUITE)
LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE
Chapitre Ier (Suite)
Environnement ouvert
Section 3
Loyauté des plateformes et information des consommateurs
Dans la discussion du texte de la commission, nous examinons par priorité, au sein de la section 3 du chapitre Ier du titre II, les amendements n° 602 et 603 rectifié tendant à insérer des articles additionnels après l’article 23 ter.
L’amendement n° 602, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 23 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 420-2-1, il est inséré un article L. 420-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 420 -2 -2. – Sont prohibés les accords, les pratiques concertées et les pratiques unilatérales ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de limiter substantiellement la possibilité pour une entreprise admise à exécuter des prestations de transport public particulier de personnes, ou des services occasionnels de transport collectif de personnes exécutés avec des véhicules légers, de recourir simultanément à plusieurs intermédiaires ou autres acteurs de mise en relation avec des clients pour la réservation du véhicule en vue de la réalisation de ces prestations. » ;
2° À l’article L. 420-3, les références : «, L. 420-2 et L. 420-2-1 » sont remplacées par les références : «, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-2-2 » ;
3° Le III de l’article L. 420-4 est ainsi modifié :
a) Les références : « de l’article L. 420-2-1 » sont remplacées par les références : « des articles L. 420-2-1 et L. 420-2-2 » ;
b) Le mot : « concertées » est supprimé ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Certaines catégories d’accords ou de pratiques ou certains accords ou pratiques, notamment lorsqu'ils ont pour objet de favoriser l’émergence de nouveaux services, peuvent être reconnus comme satisfaisant à ces conditions par arrêté du ministre chargé de l’économie, pris après avis conforme de l’Autorité de la concurrence. » ;
4° À l’article L. 450-5, à l’article L. 462-3, aux I, II et IV de l’article L. 462-5, à l’article L. 462-6, à la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article L. 464-2 et au premier alinéa de l’article L. 464-9, les références : «, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-5 » sont remplacées par la référence : « à L. 420-2-2 ».
II. – Le I entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la présente loi. Il est applicable aux contrats conclus avant cette date.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement a pour objet de garantir la possibilité, pour tous les taxis et véhicules de tourisme avec chauffeur – les VTC –, d’adhérer à la plateforme de leur choix.
Vous le savez, et cette expérience est partagée par toutes les majorités, la question des taxis et de l’évolution du marché du transport de personnes est majeure, en particulier du fait de l’arrivée de nouveaux modèles économiques, notamment les VTC.
Chacun a en mémoire les événements récents, à la suite desquels le Premier ministre a nommé un parlementaire en mission. Celui-ci a réalisé un travail de médiation qui a permis d’élaborer une feuille de route autour de quatre objectifs : le contrôle du secteur ; la formation ; le fonds de garantie qui ouvre la possibilité de racheter des licences de taxi ; la régulation et la gouvernance.
L’amendement n° 602 vise à mettre en place l’une des mesures de cette feuille de route en matière de régulation économique : la fin des clauses d’exclusivité imposées par certaines plateformes de mise en relation.
L’enjeu est considérable. En ce qui concerne les taxis, la situation actuelle, qui découle de l’histoire et de la pratique, est celle d’un système de centrales quasi oligopolistique : ainsi, la presque totalité des taxis parisiens est affiliée à seulement deux plateformes.
Cette situation s’explique principalement par le fait que les contrats empêchent ces taxis d’adhérer à une autre plateforme. D’ailleurs, rien ne l’interdit et tout est régulier de ce point de vue.
Cela pose évidemment des difficultés sur le plan pratique. Les VTC et les taxis ont, pour partie, une activité en commun, concurrente : les taxis ont un monopole, celui de la maraude, mais pour le reste, notamment ce qui est lié aux plateformes, ils ont la même activité que les VTC.
Or, aujourd’hui, les plateformes de VTC sont plus réactives, notamment avec le développement d’algorithmes qui permettent de répondre plus rapidement ou avec la possibilité de faire appel à plusieurs d’entre elles pour rentabiliser l’activité. A contrario, les taxis sont, d’un certain point de vue, enfermés dans une relation avec leurs plateformes ; cette relation a sa logique, mais elle obéit aussi aux règles d’un autre âge, celui où il n’y avait pas, dans ce secteur, d’autres acteurs et concurrents.
En tout état de cause, il nous faut apporter des réponses à la crise actuelle des taxis.
J’ai donné un certain nombre de pistes, par exemple l’indemnisation, mais en ce qui concerne l’exclusivité, il est nécessaire d’apporter rapidement une réponse. Cela correspond d’ailleurs aux avis donnés par l’Autorité de la concurrence, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, pour lesquels il n’existe pas d’obstacle juridique à ce qu’un taxi puisse avoir recours à plusieurs plateformes. Il s’agit non pas de créer une obligation, mais d’ouvrir une possibilité, afin de rétablir une forme d’égalité sur un marché qui obéit, aujourd’hui, à des règles nouvelles.
Au fond, cet amendement tend à prendre acte de la situation actuelle et à rétablir les conditions de la concurrence, sans rien enlever au modèle nouveau que constituent les VTC. Il vise à donner aux taxis une faculté et ne devrait, je pense, heurter personne sur le plan politique.
Il nous faut ensemble – le Gouvernement s’y emploie, dans un contexte, il est vrai, difficile – conjuguer l’ancien et le nouveau modèle, en garantissant les droits de chacun et sans léser personne.
Cette réponse, qui s’inscrit dans un ensemble plus vaste et dans une vision de moyen et long terme, est indispensable pour que les taxis, qui ont, en quelque sorte, subi l’arrivée d’un nouveau modèle, puissent retrouver un équilibre.
Si nous ne permettons pas à tous les acteurs du marché, aussi bien les taxis que les VTC, d’adhérer à la plateforme de leur choix ou d’avoir affaire à plusieurs plateformes, alors toutes les autres réformes n’auront aucun sens. Nous aurions en effet organisé une simple coexistence entre mondes ancien et nouveau, alors que nous voulons, plutôt, les rapprocher et permettre à chacun d’exercer son activité dans des conditions de libre concurrence.
Les événements que j’ai mentionnés sont récents. Il a ensuite fallu élaborer la feuille de route et je sais que, du point de vue des parlementaires, tout cela est un peu tardif.
J’accepte bien volontiers cette critique et je vous prie de nous excuser, mais la situation est telle que vous la connaissez.
Les gens qui protestent ne doivent pas nécessairement imposer le rythme de travail, mais aucun autre texte législatif – or la mesure que je vous propose relève de ce niveau – ne peut être adopté dans le temps espéré par les taxis.
Après les événements, qui datent de quelques semaines seulement, il a fallu recevoir les acteurs concernés, établir la feuille de route, mettre en place de nombreux groupes de travail et faire les vérifications juridiques nécessaires. Dans le même temps, le Gouvernement continue d’avancer sur le plan réglementaire.
Face à la difficulté de la situation, nous devons choisir entre plusieurs inconvénients et je vous renouvelle nos excuses pour cette initiative tardive. Nous devons faire face à nos responsabilités politiques et la mesure d’apaisement que nous vous proposons est absolument indispensable.
Voilà pourquoi nous débattons aujourd’hui, et je ne pense pas qu’il soit possible d’expliquer à ceux qui attendent le résultat de ce débat que nous n’adoptons pas cette réponse. Si tel était le cas, nous pourrions, demain, être de nouveau confrontés à des difficultés, en particulier en termes de sécurité publique.
On peut toujours aller plus vite, mais très honnêtement, ce qui est aujourd’hui indispensable, c’est d’être au rendez-vous de l’avenir du transport de personnes et d’adopter cette mesure d’apaisement, afin de conjuguer l’ancien et le moderne.
Les amendements n° 602 et 603 rectifié illustrent la situation délicate dans laquelle le Gouvernement peut parfois nous placer. Nous avons reçu ces amendements lundi. Il m’est par conséquent difficile de donner un avis sur le fond, puisque je n’ai pas pu procéder à l’audition des représentants des fédérations syndicales des chauffeurs de taxi ni de ceux des opérateurs de VTC.
Depuis, si j’en crois ce que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux, les sites internet et dans différents médias, il semble que ces dispositions provoquent quelques grincements de dents, pour ne pas dire plus. On entend dire tout et son contraire ; ce texte ne satisfait personne et mécontente tout le monde.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable, plus sur la forme que sur le fond, puisqu’elle n’a pas pu procéder à des auditions. Par ailleurs, je rappelle qu’elle n’est pas la commission compétente pour traiter de ces questions.
J’ajoute que ces amendements devaient être examinés plus tard et que des membres de la commission idoine avaient prévu d’être présents dans l’hémicycle, mais le Gouvernement a demandé ce matin l’examen de ces amendements en priorité.
Comme je l’ai dit, je me trouve dans une situation délicate – encore que je n’aie jamais trouvé la moindre situation délicate ! –, mais mon devoir de rapporteur est de maintenir cet avis défavorable, parce que je suis dans l’incapacité de trouver des arguments autres que défavorables.
Vous ne m’en voudrez pas, madame la présidente, si j’étends mon propos à l’amendement n° 603 rectifié…
Si je comprends bien, monsieur le rapporteur, votre avis vaut également pour l’amendement n° 603 rectifié ?
Oui, madame la présidente, parce que les deux amendements sont intimement liés, même si M. le secrétaire d’État n’a présenté que l’amendement n° 602.
En présentant votre feuille de route, monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué quatre groupes de travail, le premier portant sur le contrôle du secteur, le deuxième sur la formation aux métiers du secteur, le troisième sur le fonds de garantie pour les taxis et le quatrième sur la régulation et la gouvernance du secteur. Bien que ne connaissant que peu de choses concernant ce secteur, même si j’ai suivi l’actualité comme chaque citoyen français, il me semblerait judicieux d’attendre les résultats de ces groupes de travail avant de légiférer, bien que je comprenne l’urgence de la situation et la nécessité de trouver une solution.
En tout état de cause, la commission des lois ayant été saisie très tardivement, au point qu’elle n’a pu émettre un avis fondé sur la moindre expertise, je ne peux que donner un avis défavorable sur la forme.
Madame la présidente, Alain Fouché avait prévu d’intervenir, mais il a dû repartir dans son département. Toutefois, je reprends volontiers à mon compte ce qu’il avait l’intention de dire.
Comme M. le rapporteur, nous sommes surpris par la méthode employée par le Gouvernement. Ces amendements nous sont parvenus tellement tard que nous n’avons pas pu les étudier en profondeur. Or ces dispositions peuvent avoir des conséquences importantes. Nous avons l’impression qu’il n’y a pas eu de concertation avec les entreprises du secteur ni avec leurs représentants. En tout état de cause, le Gouvernement n’a procédé à aucune étude d’impact.
Monsieur le secrétaire d’État, je comprends et je partage la volonté du Gouvernement de protéger les taxis et d’essayer d’apaiser les débats. Je crains cependant que, en définitive, ces amendements ne satisfassent personne.
D’après la lecture rapide que j’en ai faite, ils semblent transformer en profondeur le régime juridique applicable aux plateformes de mise en relation, aussi bien celles qui mettent les particuliers en contact avec des chauffeurs professionnels que celles qui réalisent du covoiturage, comme BlaBlaCar. On transforme ces plateformes en organisateurs de déplacements et de transport. J’avoue avoir du mal à vous suivre…
Par ailleurs, vous supprimez, si j’ai bien compris, l’article L. 3124-13 du code des transports et vous menacez directement l’activité de dizaines de milliers de transporteurs professionnels qui exercent dans le cadre d’un statut défini par la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI – rien qu’en Île-de-France, 15 000 chauffeurs sont concernés. Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, j’ai étendu mon explication de vote à l’amendement n° 603 rectifié, parce qu’il est indissociable de l’amendement n° 602.
De surcroît, permettez-moi de vous dire que nous nous interrogeons sur la validité juridique d’une telle insertion dans la loi. Elle semble en effet porter atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques et au principe d’égalité devant la loi, dans la mesure où l’intensité de ses obligations varie en fonction de la taille ou du volume d’activité d’une centrale. Or, de fait, la différence de traitement instituée doit être en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
Nous sommes dans le noir absolu, monsieur le secrétaire d’État, et nous aurions eu besoin de davantage d’éclaircissements. Dans ces conditions, je voterai contre ces amendements.
M. le rapporteur et le précédent orateur l’ont rappelé, outre la modification de l’ordre d’examen des amendements en séance, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, que nous nous interrogions sur la discussion de dispositions portant sur les transports dans le cadre de l’examen d’un texte relatif au numérique.
La lecture de l’objet de ces amendements révèle qu’ils traitent d’un sujet extrêmement sensible qui nécessite que chacun puisse étudier à fond ces deux amendements, même si vous nous avez présenté le premier d’entre eux de manière argumentée, et vous ne manquerez sans doute pas de faire de même pour le second. Comprenez que, sans avoir eu la possibilité de consulter les représentants des taxis et des VTC, puisque l’objet de ce texte est le numérique et que ces amendements n’étaient pas prévus, nous ne sommes pas en mesure de prendre la décision la plus objective possible, respectueuse des droits des uns et des autres.
Vous avez évoqué un certain nombre d’éléments, mais nous pouvons nous aussi nous interroger, avec la volonté de comprendre les ressorts sous-jacents aux mesures que vous proposez et de vérifier qu’elles protégeront les intérêts de chacun. Nous voulons nous assurer que cette décision soit équilibrée et qu’elle ne risque pas de susciter, par la suite, d’autres interrogations ni de provoquer d’autres levées de boucliers parce qu’elle aura été adoptée dans l’urgence et sans les concertations préalables nécessaires.
Bref, monsieur le secrétaire d’État, plus que sur le fond, notre opposition porte sur la forme, M. le rapporteur l’a dit. Ce sujet, lié aux nouveaux usages et aux évolutions, est beaucoup trop important : il faut que le Parlement puisse prendre sa décision en toute objectivité, éclairé par l’avis de toutes les parties concernées. C’est pourquoi nous vous demandons de retirer ces amendements, sinon nous les rejetterons, non pas parce que nous sommes en désaccord, mais parce que nous n’avons pas eu le loisir de comprendre les conséquences des décisions que vous nous demandez de prendre.
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Il est vrai que ces amendements nous bousculent un peu, puisque nous les avons reçus tardivement. Pour ma part, j’en ai pris connaissance hier soir.
Pour avoir eu le plaisir d’être rapporteur de la proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur en 2014 et pour suivre comme vous tous, mes chers collègues, sur le théâtre parisien, les événements qui ont émaillé les rapports entre taxis et VTC, je considère que ces amendements visent à apporter une réponse convenable dans la situation actuelle, marquée par l’urgence.
Il faut aussi que nous fassions confiance au Gouvernement. Je lui accorde ma confiance, pour ma part, parce que je sais qu’il a fait son travail en présentant ces dispositions pour résoudre une crise profonde. Si ces deux amendements sont adoptés, comme je l’espère, nous ouvrirons aux taxis, grâce à de nouvelles plateformes, des horizons nouveaux pour atteindre de nouvelles clientèles.
Pour cela, il faut prolonger la loi du 1er octobre 2014. À titre personnel, ces amendements me conviennent, car nous en avions besoin dans cette période.
Face à ces deux amendements, on peut effectivement avoir l’impression d’être en plein brouillard. Quand on lit leur objet, on constate que ces amendements portent sur des sujets extrêmement sensibles. Or nous savons que tout texte a toujours des implications et une incidence, quelle qu’elle soit. C’est particulièrement vrai dans le cas présent, car tous les chauffeurs de taxi se plaignent de la concurrence déloyale à laquelle ils sont confrontés : c’est d’ailleurs l’une de leurs réclamations récurrentes. On ne s’improvise pas chauffeur de taxi, même si c’est vrai pour tous les métiers ; il faut assumer des charges et accepter des contraintes, ce qui n’est pas simple !
Ces amendements tendent à insérer des dispositions dans le présent projet de loi pour une République numérique, ce qui peut nous étonner, même si, bien sûr, les plateformes de réservation ont leur place dans ce texte, mais ils ont des implications très complexes.
Sur des sujets aussi sensibles que ceux des VTC ou de la concurrence déloyale – je rappelle que les chauffeurs de taxi doivent acheter des licences qui coûtent largement plus de 200 000 euros –, on ne peut pas faire n’importe quoi. J’approuve donc la position du rapporteur de la commission des lois, d’autant plus que d’autres commissions pourraient intervenir sur ces questions, et je comprends à la fois son étonnement et sa prudence. Je suivrai son avis, car nous devons être particulièrement prudents sur un tel sujet.
Comme mes collègues, je déplore la méthode suivie : ces deux amendements ont été présentés tardivement et nous n’avons pas eu le temps de travailler très sérieusement. Plus fondamentalement, l’examen de ce projet de loi pour une République numérique a donné lieu à des débats très intéressants et, d’un seul coup, la question des taxis tombe du ciel. On se demande bien pourquoi…
Notre analyse est la suivante : avec la libéralisation des transports telle qu’elle a été organisée par la loi de M. Macron, on a créé un immense bazar, c’est bien le mot. Aujourd’hui, on essaie de régler les problèmes qui en résultent en tentant de faire adopter des amendements lors de la discussion d’un projet de loi qui n’a rien à voir avec ces questions.
Or ces amendements visent tout simplement à organiser la concurrence entre les plateformes. Leur éventuelle adoption ne va donc rien régler sur le fond ; au contraire, elle continuera de mécontenter tout le monde, les chauffeurs de taxi et ceux de VTC. La question de la libéralisation des transports mériterait qu’un projet de loi lui soit consacré pour corriger ce qui a pu être fait avec la loi Macron.
En tout cas, ces dispositions n’ont rien à faire dans ce projet de loi pour une République numérique, dont l’examen a donné lieu à des débats très intéressants jusqu’à maintenant.
Effectivement, la commission que j’ai l’honneur de présider est quelque peu concernée par ce sujet dont on n’a pas daigné la saisir.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez une fois de plus essayé d’excuser le dépôt tardif de ces amendements. J’allais dire que vous avez fait pire puisque, la dernière fois que nous nous sommes retrouvés ensemble dans cet hémicycle, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue, c’est pendant les débats que nous avons pu prendre connaissance des amendements du Gouvernement concernant les dispositifs les plus importants du texte ! Malheureusement, le Gouvernement a pris l’habitude d’attendre le dernier moment pour soumettre ses amendements aux parlementaires.
Je signale à mes collègues que la question est suffisamment importante pour qu’elle ait été évoquée avant-hier par la conférence des présidents. Lorsque ce projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, il comportait une quarantaine d’articles ; à l’issue de son examen par les députés, il en comptait près de cent. Devant le Sénat, quelque six cents amendements ont été déposés pour l’examen en séance publique. Je veux bien que le Président de la République trouve le débat parlementaire beaucoup trop long et qu’il réfléchisse à la manière permettant que les textes soient adoptés plus vite par le Parlement, mais ce n’est pas en se comportant ainsi que l’on y parviendra !
S’agissant des présents amendements, ce ne sont malheureusement pas les seuls que le Gouvernement souhaite introduire au dernier moment dans ce texte. En effet, lors de la réunion de la conférence des présidents a été évoqué le fait que le Gouvernement avait l’intention de déposer des amendements sur des sujets très importants touchant à la justice et au droit, afin de profiter de ce véhicule législatif.
Il faut arrêter de travailler ainsi. De manière assez extraordinaire, le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, lors de la conférence des présidents, a dit que le Gouvernement n’était pas responsable de cette situation et que c’était la faute de l’administration ! Dans un pays qui fonctionne, il me semble que les ministres sont responsables de leur administration. Si le Gouvernement n’est plus maître de son administration, la situation est encore plus problématique que nous ne pouvions l’imaginer.
Monsieur le secrétaire d’État, je m’en prends à vous, parce que c’est vous qui êtes présent au banc des ministres : cessez de maltraiter ainsi le Parlement, cessez de lui soumettre à la dernière minute des amendements dont personne ne mesure la portée, pas même les ministres présents en séance, et la démocratie parlementaire fonctionnera beaucoup mieux !
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais rappeler quelques principes très simples, afin que les choses soient claires pour tout le monde.
Premièrement, le titre II du présent projet de loi comporte une section consacrée à la régulation des plateformes. Les deux amendements que je vous présente ont trait au fonctionnement des plateformes. Par conséquent, tous les arguments selon lesquels ces amendements seraient étrangers à l’objet de ce texte sont irrecevables. Il s’agit bien d’une problématique numérique, appliquée à un secteur particulier.
Deuxièmement, vous avez eu raison de le dire, il s’agit de mettre fin à un système qui permet d’interdire juridiquement à des chauffeurs de taxi de recourir à plusieurs plateformes et les rend donc prisonniers d’un oligopole. Je veux bien croire qu’il y ait des conversions subites, mais il me semble qu’elles reposent sur une incompréhension complète !
Les chauffeurs de taxi revendiquent la liberté que nous vous proposons d’établir aujourd’hui. Il s’agit simplement d’accorder aux taxis la même liberté qu’aux VTC. Or chacun mesure ici que ce qui s’est passé dans la rue est le résultat d’un conflit entre les taxis et les VTC et qu’il existe des raisons à ce conflit.
Parmi ces raisons, il y a cette interdiction applicable aux taxis. Ce n’est pas la seule, bien sûr, car je ne prétends pas proposer une solution qui va tout régler. Cependant, cette raison est essentielle et elle ne peut trouver de solution qu’avec un vote du Parlement.
Nous avons assisté à l’occupation de la voie publique, entraînant des difficultés pour les usagers. Le Gouvernement a mené des discussions qui ont duré des heures, à l’issue desquelles une feuille de route a été élaborée. Ensuite, nous avons discuté avec les organisations professionnelles et, il y a quelques jours, nous avons obtenu l’accord de celles que nous avons rencontrées sur les dispositions que je vous soumets et qui sont attendues.
J’entends les arguments avancés, mais ceux qui ont gouverné hier et ceux qui gouverneront peut-être demain le savent parfaitement, le Gouvernement n’a pas choisi la date des événements qui se sont produits dans la rue. Nos concitoyens attendent du Parlement un peu de réactivité, même si c’est parfois choquant pour les parlementaires.
Le sujet est très simple : il s’agit de mettre fin à un archaïsme – à ce sujet, la position défendue par M. Bosino m’étonne au plus haut point ! – et d’interdire que des clauses portant atteinte à la liberté d’exercice d’une profession puissent perdurer au détriment de cette dernière. Si une plateforme prévoit aujourd’hui des clauses qui empêchent un chauffeur de taxi de s’adresser à plusieurs plateformes, c’est légal. Nous vous proposons, avec ces amendements, de faire en sorte que ces clauses puissent être soumises à l’Autorité de la concurrence pour qu’elle prononce éventuellement des sanctions. Qui peut être contre cette proposition ?
Cette mesure est attendue : elle donnera davantage de liberté, et pas seulement aux taxis. Ainsi, la quasi-totalité des chauffeurs de taxi parisiens n’ont le choix qu’entre deux sociétés, mais cette situation de dépendance commence aussi à gangrener le secteur des VTC, et nous avons assisté à une manifestation de chauffeurs de VTC contre les plateformes. En effet, l’une d’entre elles avait modifié unilatéralement la part du prix qui leur revenait, ce qu’ils n’ont pas compris, parce qu’ils pensaient travailler dans un cadre de libre concurrence.
Avec ces amendements, nous répondons à ces évolutions. Il me semble donc que chacun d’entre vous, quels que soient ses engagements, pourrait comprendre que l’honneur du Parlement et du fonctionnement de notre économie de marché consiste à sortir des gens qui sont placés dans un lien de subordination de ce carcan et à leur redonner la possibilité d’exercer leur métier en toute liberté. Tel est l’enjeu de ces dispositions.
Sachez que, si ces mesures n’étaient pas adoptées, quel que soit le bien-fondé des différents arguments, personne ne comprendrait que la représentation du peuple n’apporte pas la réponse attendue. Franchement, ce n’est pas le Gouvernement qui a organisé cette manifestation ! J’attends donc cette réponse avec confiance.
Il est rare que mon groupe se fasse le défenseur de l’automobile comme mode de déplacement, néanmoins il s’agit d’un vrai sujet. Face à la distorsion de concurrence qui existe entre les taxis qui remboursent des sommes colossales et d’autres professionnels, on ne peut pas rester sans rien faire.
J’ai bien entendu les objections de mes collègues : ces amendements n’étaient pas attendus, ils n’ont pas leur place dans ce texte. Mais j’observe que nos débats ont déjà été élargis à des sujets différents, comme les jeux vidéo ou la recherche.
Vous me pardonnerez, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si je suis un peu terre à terre. Jusqu’à présent, je prenais très peu le taxi, mais j’ai dû le faire ces dernières semaines pour des raisons de santé. À plusieurs reprises, j’ai rencontré des chauffeurs de taxi au bord des larmes qui m’ont expliqué leurs conditions de vie. J’ai aussi rencontré un jeune chauffeur de VTC qui vit difficilement de cette activité. Je ne sais pas s’il est trop tard ou si ce n’est pas le lieu pour le faire, mais si nous n’essayons pas de nous saisir du sujet, on va encore nous demander à quoi nous servons. Je suis désolée si mon discours n’est pas très politicien !
Je suis souvent en désaccord avec le Gouvernement, mais si l’adoption de ces amendements peut éviter que des gens se battent, parce que leur survie au quotidien est en jeu, même si je suis isolée, j’estime qu’il est de notre responsabilité d’agir. Si nous ne le faisons pas, nous ne serons pas compris ! N’oubliez pas que des milliers d’internautes, notamment des jeunes, des lycéens, des collégiens, nous regardent parce qu’ils s’intéressent au numérique. Je ne voudrais pas que nous leur donnions une image négative en disant que ce n’est pas le moment et que cela ne nous intéresse pas.
Je souhaite que le débat soit au moins posé. On peut dire que ce n’est pas le bon moment, que le véhicule n’est pas adapté, mais on ne peut pas prétendre que les arguments avancés par M. le secrétaire d’État sont sans fondement. C’est un vrai sujet !
Vous ne l’avez pas dit, mais, quand nous discutons entre nous, nous sommes dans l’implicite. Or un public très nombreux et différent nous regarde et je ne voudrais pas que notre débat soit mal compris. C’est la raison pour laquelle je souhaitais apporter ces précisions.
Le Gouvernement nous demande de lui faire confiance et nous a expliqué les raisons pour lesquelles il a exprimé une préoccupation qui va dans le sens des attentes des taxis.
Je respecte tout à fait les intentions du Gouvernement et je peux les comprendre. En même temps, nos collègues, notamment M. le président de la commission de l’aménagement du territoire, sont intervenus pour nous expliquer que l’expertise technique de ces amendements n’avait pas pu avoir lieu.
M. le secrétaire d’État nous a indiqué l’intérêt des chauffeurs de taxi pour ces amendements. Je souhaiterais simplement savoir s’il a organisé une concertation avec les différents syndicats de taxis, puisqu’il y en a plusieurs, et, dans l’affirmative, connaître le résultat de cette concertation. Hier soir, les syndicats des taxis nous ont fait part de leurs points de vue assez variés, notamment en ce qui concerne l’un d’entre eux.
M. le rapporteur a rappelé, et c’est son rôle, qu’il est primordial de respecter le Parlement, ses délais d’examen, etc. En même temps, vous le savez, mes chers collègues, nous sommes très souvent critiqués pour notre lenteur, parce que le monde va vite et que certains sujets sont brûlants, prennent à la gorge nos concitoyens. On juge que le Parlement légifère trop longuement et qu’il apporte très tardivement ses réponses, qui sont parfois déjà obsolètes lors de ses délibérations.
Rapprocher les citoyens de la politique suppose que nous essayions, tout en respectant le temps parlementaire, d’être utiles concrètement, au moment où il faut l’être.
Tous les pouvoirs se livrent parfois à des manœuvres de diversion pour placer le Parlement devant le fait accompli, mais parfois, c’est la force des choses qui l’exige, et nous sommes en mesure de l’apprécier.
Dans le cas présent, M. le secrétaire d’État nous a expliqué que l’adoption de ces amendements était la condition de l’exécution concrète d’un accord qui a été conclu tardivement par rapport à l’élaboration de ce projet de loi et à sa discussion.
En tout état de cause, nous pouvons nous dire que, si des doutes subsistent quant à l’expertise et si des précisions doivent encore être apportées, il faut que ce débat puisse avoir lieu lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Nous pouvons donc voter ces amendements et continuer, d’ici là, à obtenir des réponses et à apporter des précisions.
Sur le fond, il n’y a pas matière à opposition entre gauche et droite. Si vous allez dans un autre pays, les taxis ont accès à plusieurs plateformes et il y a nettement moins de tensions entre les VTC et les taxis. Si nous pouvons faire baisser la tension et soulager les taxis, je ne pense pas qu’il y ait de divergences de fond entre nous.
Je vois bien que la commission se retranche derrière des arguments formels. J’ai dit que nous étions en mesure d’apprécier, sur la forme, les différentes façons dont le pouvoir pouvait nous mettre devant le fait accompli. Dans le cas présent, je pense que son attitude est justifiée et que, si nous suivons le Gouvernement, cette décision honorera le Parlement !
Nous sommes là devant une grosse difficulté. Il importe d’essayer d’apporter la meilleure réponse.
Je donne acte à M. le secrétaire d’État qu’il n’a pas pour habitude d’avancer masqué et qu’il nous donne en général des explications sérieuses et argumentées. En l’espèce, je n’ai donc pas, a priori, de raison de douter de ce qu’il vient de nous dire.
Cela étant, comme M. Hervé Maurey l’a rappelé, cette question a été traitée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Même s’il s’agit ici du numérique, nous ne pouvons ignorer tout le travail que nous avons déjà accompli sur ce sujet.
Pourquoi avoir appelé en priorité ces deux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 23 ter ? Il aurait suffi de nous avertir de leur dépôt : la commission aurait alors pu se réunir, fût-ce de manière informelle, pour en débattre.
Marques d’approbation sur les travées de l’UDI-UC.
Nous aurions ainsi été en mesure, lors de l’appel en discussion de l’article 23 ter, de répondre à la demande du Gouvernement, peut-être positivement.
Mme Évelyne Didier. Je ne comprends pas cet appel en priorité. Vous l’aurez compris, il s’agit d’une question non pas de fond, mais de forme. Personne ne peut reprocher à un parlementaire de refuser de voter s’il estime qu’il ne peut se prononcer en connaissance de cause. J’ai pour habitude de m’abstenir ou de voter contre chaque fois que je ne comprends pas de quoi il s’agit.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et de l'UDI -UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.
Je puis témoigner que M. Vidalies, qui a lui-même été parlementaire durant de nombreuses années, s’est toujours montré respectueux du Sénat.
Cela étant, je suis tout à fait conscient que nous ne sommes pas toujours traités comme nous devrions l’être. Je ne balaie donc pas d’un revers de main les arguments qui viennent d’être développés. Ayant été président de commission, je défends bec et ongles les prérogatives des commissions compétentes pour l’examen d’un texte.
Néanmoins, compte tenu de l’urgence et de la gravité du problème, si l’on apporte une réponse satisfaisante à la question de M. Bonnecarrère, j’accepterai peut-être, dans un souci d’efficacité, que la procédure passe au second plan, dans un domaine requérant de notre part sérieux et hardiesse politique.
M. Daniel Raoul applaudit.
Avec ce débat, on touche au problème de fond : il n’y aura qu’une lecture de ce projet de loi dans chaque chambre et la procédure accélérée montre toutes ses limites.
En effet, nos collègues députés ne découvriront qu’en CMP les dispositions que nous aurons introduites ; ils s’en accommoderont, ou pas…
Eu égard au débat que nous avons depuis bientôt quarante-cinq minutes, on ne peut nier que la procédure suivie suscite une vaste controverse, sans même parler du fond, dont nous n’avons pas encore parlé.
La commission des lois a l’habitude de légiférer en urgence, comme le montre le bilan de l’activité du Sénat pour l’année 2015 : elle a été saisie de 50 % ou de 60 % de l’ensemble des textes législatifs que le Sénat a été amené à examiner.
Pour autant, nous ne légiférons jamais sans connaître. Or c’est bien là le problème posé par ces deux amendements : on nous demande de légiférer sans avoir pu conduire d’expertise technique, comme l’a rappelé Hervé Maurey.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne me permettrais pas de remettre en cause le bien-fondé de ces amendements, mais le fait est que nous n’avons pas pu procéder à l’audition de professionnels, ni vous entendre en commission. Nous devons nous contenter de ce que vous venez de nous dire. Je ne m’appesantirai pas davantage sur ce point, mais là est le fond du problème.
Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes un parlementaire chevronné. Vous êtes même orfèvre en matière de relations avec le Parlement, compte tenu des fonctions que vous avez récemment exercées ; je dois dire que le Sénat a eu plaisir à entretenir avec vous un dialogue toujours fructueux lorsque vous étiez secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
De ce fait, vous êtes particulièrement à même de pouvoir anticiper les réactions d’une assemblée parlementaire lorsqu’elle a le sentiment que le Gouvernement, toutes affaires cessantes, cède à la tentation de « forcer le passage », fût-ce avec les meilleures intentions.
Vous le savez – nous avons connu quelques précédents, d’ailleurs sanctionnés par le Conseil constitutionnel –, l’introduction devant la deuxième assemblée saisie dans le cadre de la procédure accélérée de dispositions d’une assez grande portée, sans que la commission et son rapporteur aient eu le temps de procéder aux auditions nécessaires pour comprendre le fond du sujet, heurte de plein fouet les droits du Parlement.
Imaginons que, dans n’importe quel domaine, des ministres, s’appuyant sur de très bons arguments, viennent nous demander de voter des amendements de trois pages, en invoquant des enjeux essentiels et une urgence impérieuse : devrions-nous alors obtempérer, presque les yeux fermés ? Nous serions portés à le faire vous concernant, car nous avons confiance en vous, mais, tout de même, n’y avait-il pas, pour le Gouvernement, d’autre voie que d’annoncer aux signataires de l’accord conclu de haute lutte que le premier texte législatif venu serait utilisé ?
Le Gouvernement, qui maîtrise l’ordre du jour prioritaire du Parlement, a bien d’autres moyens de faire débattre d’une disposition urgente que celui auquel vous êtes en train de recourir.
Je me mets à la place de mes collègues de l’Assemblée nationale, qui verraient arriver en commission mixte paritaire des dispositions dont eux-mêmes n’auraient pas pu débattre comme nous le faisons ici, même si c’est de la manière la plus superficielle…
Je crois que les signataires de l’accord ne peuvent que comprendre et accepter que nous souhaitions pouvoir nous entretenir de cette question avec eux avant d’adopter les dispositions que vous nous présentez. C’est tout de même la moindre des choses ! Qui, en France, pourrait contester le droit du Parlement d’être éclairé par des discussions approfondies avant de se prononcer ?
Monsieur le secrétaire d’État, soyez assuré que j’ai de la sympathie pour les préoccupations que vous relayez et que je souhaiterais pouvoir vous aider à trouver un débouché législatif à l’accord que vous nous avez décrit, mais je ne peux décidément pas proposer à notre assemblée de le faire dans de telles conditions.
Je demanderai aux différentes parties prenantes de comprendre qu’il vaut mieux se donner un mois pour élaborer un texte législatif de qualité, plutôt que d’agir dans la précipitation en mettant en cause les droits fondamentaux du Parlement et la qualité du dialogue que nous pouvons avoir avec les représentants de ces entreprises.
C’est la raison pour laquelle je suis obligé de réaffirmer la position prise par notre commission.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI -UC.
Monsieur le président Bas, je vous remercie de vos propos apaisants.
J’ai été très longtemps parlementaire, y compris dans l’opposition. Très honnêtement, on pourrait inverser les rôles…
Ce débat est un peu convenu. Je comprends évidemment votre position, je tiendrais probablement les mêmes propos si j’étais à votre place, mais il se trouve que l’exécutif est soumis à la pression des événements.
Le sujet dont nous traitons ne recouvre pas d’enjeu politique : personne n’est partisan de ne rien faire. Vous dites ne pas savoir ce qu’il y a dans cet amendement, mais, avec votre expertise juridique, monsieur le président Bas, il vous suffit de quelques minutes pour comprendre de quoi il s’agit et pour déceler une éventuelle difficulté ! En l’occurrence, il n’y en a aucune. Le dispositif s’inspire directement du travail fait avec l’Autorité de la concurrence à la suite d’un certain nombre de décisions émanant, notamment, du Conseil constitutionnel.
Je comprends parfaitement vos arguments : pour avoir été secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, j’y suis très attentif. Il s’agit d’une question essentielle, mais de portée limitée, compréhensible rapidement. Il aurait peut-être été préférable de vous en saisir quelques jours plus tôt, mais le temps des négociations a fait que cela n’a pas été possible.
Quoi qu’il en soit, je pense que le rejet de cet amendement susciterait un sentiment d’incompréhension à l’extérieur de cette enceinte. Certains, de plus en plus nombreux, pensent que nos institutions ne servent à rien, qu’elles sont déconnectées de la vie réelle, qu’elles ne sont pas attentives aux problèmes rencontrés par nos concitoyens. Certes, les arguments qui ont été avancés sont recevables à l’intérieur de notre monde institutionnel, mais prenons garde à ne pas nourrir la bête !
C’est une vraie question. J’espère me tromper sur ce point, mais vous savez d’expérience que c’est ce qui risque de se passer : tout le monde sera mis dans le même sac, nous serons accusés de ne servir à rien, et certains en appelleront à d’autres méthodes…
Ce débat a le mérite d’avoir lieu. Vous aurez également le temps de travailler d’ici à la CMP. À mon sens, ce moment est très important : si nous n’agissons pas, il sera ensuite difficile d’expliquer pourquoi.
MM. Jean-Louis Carrère et Daniel Raoul applaudissent.
Je suis très sensible aux différents arguments qui viennent d’être développés.
Mme Didier a déclaré qu’il eût été intéressant de réunir la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Par ailleurs, le président Bas a indiqué qu’il n’avait pas d’opposition de principe à ces amendements, mais qu’il fallait les examiner précisément pour émettre un avis fondé : cela me paraît d’autant plus nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, que vous dramatisez l’enjeu.
N’ayant pas votre expérience parlementaire – il s’agit de mon premier et dernier mandat –, je voudrais faire une proposition pragmatique : n’y aurait-il pas moyen de réunir, d’ici à demain soir, la commission des lois ou la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour auditionner les deux seules parties prenantes à l’accord ? Cela permettrait à chacun de fonder son point de vue sur la question. Je reçois en ce moment même des tweets et des messages de jeunes qui ne comprennent pas pourquoi on n’aboutit pas alors que tout le monde semble d’accord sur le fond, même si la méthode du Gouvernement est un peu cavalière.
Nos discussions sur ce texte sont très suivies : je ne voudrais pas que nous donnions ce soir le sentiment que le Sénat se fiche du problème soulevé.
Madame Bouchoux, demandez-vous, comme vous en avez tout à fait le droit, la réserve des amendements n° 602 et 603 rectifié jusqu’à la fin de la discussion des articles ?
Oui, mais j’en appelle avant tout à l’intelligence collective, pour que le Sénat sorte par le haut de cette situation.
Le Gouvernement est d’accord pour remettre ce débat à lundi : avis favorable.
Je consulte le Sénat sur cette demande de réserve.
Il n’y a pas d’opposition ?…
La réserve est ordonnée.
TITRE III
L’accès au numérique
Chapitre III
priorité
priorité
I. – Après l’article L. 35-6 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 35-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 35-7. – I. – Un centre relais téléphonique est créé pour permettre l’accès au service téléphonique au public des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication sur l’ensemble du territoire métropolitain et des collectivités d’outre-mer.
« Le centre relais téléphonique assure, en mode simultané et à la demande de l’utilisateur, l’interprétariat français - langue des signes française, la transcription écrite, le codage en langage parlé complété, ou la communication multimodale adaptée aux personnes aphasiques, des appels passés et reçus, hors services d’urgence, par les personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication.
« Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique, le centre relais téléphonique fournit le service d’accès au service téléphonique au public dans les conditions définies par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et des personnes handicapées.
« Dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique, le centre relais téléphonique fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l’année.
« Les obligations inhérentes à la mise en place d’un service d’accessibilité au service téléphonique sont définies par décret. Les diplômes et qualifications requis pour les professionnels intervenant sur l’accessibilité simultanée des appels pris en charge par le centre relais téléphonique sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et des personnes handicapées.
« II. – Il est créé un groupement interprofessionnel des opérateurs de communication électronique dont l’objet est d’assurer le développement de l’accessibilité téléphonique. Ce groupement assure la création et le fonctionnement du centre relais défini au I. »
II. – Le III de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° La mise en place et le fonctionnement du centre relais téléphonique mentionné à l’article L.35-7, conjointement avec le ministre chargé des personnes handicapées. »
III. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous allons dans un instant examiner l’amendement n° 614 rectifié du Gouvernement et le sous-amendement n° 657 rectifié bis du rapporteur, qui ont pour objet de modifier la rédaction de l’article 43 adoptée le 6 avril en commission des lois et de revenir sur la question sensible de l’accès des personnes handicapées aux communications téléphoniques. C’est un sujet qui me tient à cœur puisque, dans le cadre de responsabilités antérieures, j’avais déjà porté ce dossier, sans qu’il ait pu malheureusement aboutir à l’époque.
J’ai déposé l’amendement n° 346, adopté par la commission des lois le 6 avril dernier. Cet amendement prend acte de la création d’un centre relais téléphonique généraliste mettant réellement en œuvre l’obligation d’accessibilité de l’ensemble des services téléphoniques pour toutes les personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication. Sa mise en place et son fonctionnement étaient confiés à un groupement interprofessionnel des opérateurs de communications électroniques.
Permettez-moi de remercier les services de la commission des finances, qui m’ont permis d’aboutir à une proposition de rédaction ayant pu échapper au couperet de l’article 40.
Je souhaite remercier également le président et le rapporteur de la commission des lois de leur soutien à ma démarche.
Nous avons donc débouché sur une réécriture complète du texte adopté par l’Assemblée nationale, et je suis particulièrement fière d’avoir été à l’origine de cette initiative.
J’ai bien entendu les réactions de toutes les parties opposées à cette solution et je n’ignorais pas le risque de « détricotage » du texte à l’occasion de la navette parlementaire. C’est pourquoi j’ai accepté que des modifications puissent être apportées à mon amendement, dans la mesure où elles ne revenaient pas sur l’essentiel, à savoir la mise en place d’un dispositif couvrant tous les appels, entrants et sortants, concernant les personnes aphasiques et sourdaveugles, sans surcoût, organisé sous le contrôle de l’ARCEP et conservant le principe de la mutualisation par l’intermédiaire d’un groupement interprofessionnel.
Madame la secrétaire d’État, je comprends que le Gouvernement ait souhaité conserver le principe d’une répartition de la charge financière entre les grandes entreprises, au travers de leurs services clients, les services publics et les opérateurs.
Le rapporteur, à la suite de nos échanges, a quant à lui complété utilement l’amendement n° 614 par deux dispositions importantes adoptées en commission des lois.
La première vise à inscrire dans la loi le fonctionnement du centre relais vingt-quatre heures sur vingt-quatre, au terme d’une montée en charge progressive sur dix ans.
La seconde a pour objet la mise en place d’un plan des métiers, indispensable pour former les professionnels à même de faire fonctionner ce service.
Ainsi complété, je crois que ce dispositif a trouvé un point d’équilibre à même de satisfaire les demandes des associations et d’assurer la prise en compte des contraintes des opérateurs.
Un sujet de vigilance demeure néanmoins, tenant à la mention que cette offre se fera « dans la limite d’un usage raisonnable dont les conditions seront définies par décret ». Je demande solennellement, madame la secrétaire d’État, que le Parlement puisse être associé à la rédaction de ce décret.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, les personnes sourdes, avides de contacts et de lien, ont toujours été friandes de techniques facilitatrices de communication. La langue des signes française ou le langage parlé complété en sont des illustrations probantes. Après un long temps d’utilisation du minitel, l’arrivée du téléphone portable, la possibilité de géolocalisation et de messagerie instantanée, la transmission d’images à distance ont transformé leurs vies. Elles sont très habiles à manier ces outils, qui rendent leur communication autonome.
Il n’en est pas de même pour toutes les personnes avec handicap sensoriel – les aveugles et malvoyants – ou avec handicap cognitif, ni pour les personnes qui vieillissent et ne maîtrisent pas ces technologies. Toutes ces personnes sont demandeuses d’un accès facilité, libre et supportable financièrement à toutes les technologies qui construisent la « République numérique ». Elles anticipent à juste titre la liberté que pourra leur procurer leur usage.
Des entreprises, des opérateurs convaincus de l’intérêt sociétal et économique de cette avancée ont développé des applications numériques adaptées, progressives, qui stimulent et optimisent les liens, ainsi que les connexions. Elles suscitent des convoitises et de grands espoirs.
La loi « handicap » de 2005 prescrit l’accessibilité sans obstacle, qui, aujourd’hui, ne peut se concevoir uniquement pour le bâti et le béton.
La revendication forte d’une conception universelle de l’accessibilité s’exprime. C’est un souhait légitime que de vouloir accéder à un service de communication digitale d’intérêt public, un service de communication avec médiation, qui garantisse l’accès et la compréhension pour tous, quels que soient les aptitudes, les handicaps ou les désavantages des personnes concernées, de sorte que la communication soit réellement fluide entre personnes avec handicap, ainsi qu’entre ces dernières et les personnes sans handicap.
La réponse à ces attentes se concrétise au travers de l’article 43, qui a connu de nombreuses rédactions et qui fait l’objet de nombreux amendements identiques ou très proches.
Nous avons été pris de vitesse par Valérie Létard, qui a accompli un travail formidable avec la commission des lois et la commission des finances. Qu’elle en soit remerciée !
Sa confiance dans le caractère opérationnel d’un centre relais téléphonique a permis de faire avancer considérablement le dossier et d’aboutir au dépôt de cet amendement gouvernemental qui sécurise le dispositif en reprenant toutes les suggestions formulées.
Ainsi, après une séquence d’hésitation des opérateurs et des pouvoirs publics, la force de conviction de personnes innovantes et ingénieuses devrait avoir raison des résistances.
Les bénéficiaires potentiels de ce dispositif sont nombreux à suivre nos débats devant leur écran ou à l’écoute d’une application vocale. Il y aura un avant et un après la loi pour une République numérique !
Mmes Corinne Bouchoux et Valérie Létard applaudissent.
Nous soutenons nous aussi la rédaction issue des travaux de la commission des lois sur la base de l’amendement de Mme Létard.
En effet, la rédaction initiale, si elle pouvait apparaître comme une avancée, comportait nombre de limites, tenant certainement à un manque de concertation avec les associations représentant les personnes en situation de handicap.
D’abord, cette rédaction donnait une définition restrictive des personnes sourdes et malentendantes, oubliant les personnes aphasiques ou celles éprouvant des difficultés à s’exprimer.
Ensuite, elle prévoyait la création d’une véritable « usine à gaz », avec des services différents selon que l’on veuille joindre une administration publique, une entreprise ou des proches.
Le nouveau dispositif est plus clair : un seul centre relais ayant vocation, dans dix ans au maximum – j’attire l’attention sur ce délai –, à fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, à l’image de ce qui existe aux États-Unis.
Il est à noter que, dans ce pays, ce dispositif, en place depuis 2006, permet à des millions de personnes sourdes ou malentendantes d’accéder à un service essentiel dans des conditions normales, sans subir de surcoût.
En France, une étude de l’ARCEP estime le coût de ce service à 84 millions d’euros, soit 5 centimes par mois et par utilisateur du téléphone.
La mise en place de ce centre relais, qui répondra à l’ensemble des besoins en appels téléphoniques des personnes en situation de handicap, est une belle avancée. Pour qu’elle soit effective, il faut cependant que ce centre soit financé. Nous y veillerons, notamment à l’occasion de l’examen des lois de finances.
Nous serons également attentifs à la formation des professionnels intervenant en matière d’interprétariat, de retranscription ou de codage.
Je suis saisie de quatre amendements et d’un sous-amendement faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 614 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après le o du I de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un p ainsi rédigé :
« p) Un accès des utilisateurs finals sourds, malentendants, sourdaveugles et aphasiques à une offre de services de communications électroniques, incluant pour les appels passés et reçus, la fourniture, d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle tel que défini au IV de l’article 43 de la loi n° … du … pour une République numérique.
« Cette offre est proposée sans surcoût aux utilisateurs finals, dans la limite d’un usage raisonnable dont les conditions sont définies par décret et dans le respect de conditions de qualité définies par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
« Elle garantit les conditions de neutralité et de confidentialité mentionnées au b ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; ».
II. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes et malentendantes » ;
b) Les mots : « écrite simultanée ou visuelle » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite et visuelle » ;
2° Après le même alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle tel que défini au IV de l’article 43 de la loi n° … du … pour une République numérique, sans surcoût pour les utilisateurs finals et à la charge des services publics concernés.
« Les services d’accueil téléphonique sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service de traduction ou le dispositif de communication adapté mentionnés aux trois premiers alinéas garantissent le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »
III. – La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, est complétée par une sous-section ainsi rédigée :
« Sous-section …
« Service téléphonique d’accueil et d’assistance
« Art. L. 224 -58 - … – Les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil défini par décret rendent ce numéro accessible aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle tel que défini au IV de l’article 43 de la loi n° … du … pour une République numérique, sans surcoût pour les utilisateurs finals et à la charge des entreprises concernées.
« Les services d’accueil téléphonique concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’entreprise, soit confiée par elle, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. »
IV – La mise en œuvre des I à III s’appuie notamment sur la création d’un groupement interprofessionnel comportant notamment des opérateurs de communications électroniques dont l’objet est d’assurer l’organisation, le fonctionnement et la gestion de services d’accessibilité téléphonique grâce à une mutualisation des coûts selon des modalités définies dans le décret mentionné au VI et sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Les services de traduction mentionnés aux I à III assurent, en mode simultané et à la demande de l’utilisateur, l’interprétariat entre le français et la langue des signes française, la transcription écrite et le codage en langage parlé complété.
L’accessibilité des services d’accueil mentionnés aux II et III peut être réalisée directement par des téléconseillers professionnels maîtrisant la langue des signes française, la transcription écrite ou le codage en langage parlé complété et dont les diplômes et qualifications sont précisés dans le décret visé au VI.
V. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné aux mêmes I à III qu’à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d’offrir les mêmes conditions de traduction aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques.
VI. – Le I et le 2° du II entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard cinq ans après la promulgation de la présente loi. Le III entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi. Le décret précise également les modalités de suivi de l’application du présent article et les diplômes et qualifications requis pour les professionnels intervenant sur l’accessibilité simultanée des appels.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Il s’agit là d’un exemple de dialogue de qualité mené avec les parlementaires, en particulier les sénateurs, et la société civile. On n’entend guère ceux dont nous allons parler, mais, sans eux, il n’y a pas de République numérique.
J’aimerais dès à présent remercier Valérie Létard et le rapporteur Christophe-André Frassa de leur implication personnelle dans ce dossier, qui nous a permis de bien avancer.
J’ai souhaité dès le départ – et j’en suis fière – que dans ce projet de loi pour une République numérique figurent des dispositions relatives au handicap, au sein des articles 43, 44 et, désormais, 44 bis, un volet étant entièrement consacré à l’accessibilité.
On s’en doute, cela n’avait au départ rien d’évident, s’agissant d’un texte à dominante économique, émanant avant tout du ministère de l’économie et des finances. C’est la raison pour laquelle ces articles ont été élaborés en étroite collaboration avec Ségolène Neuville, qui nous rejoindra tout à l’heure pour présenter le dispositif nouveau de la carte « mobilité inclusion ».
Aujourd’hui, l’accessibilité numérique est le pendant indispensable de l’accessibilité physique. Sur ce sujet aussi, nous passons du matériel à l’immatériel. Là encore, le numérique peut être un obstacle à l’inclusion, au vivre ensemble, mais si nous embrassons tout son potentiel d’innovation et d’intégration sociale, il sera une formidable chance à saisir pour favoriser l’émancipation, l’ouverture.
Sur ce sujet, les attentes des associations sont grandes, j’en ai bien conscience, et elles sont légitimes. Il faut regarder les choses en face : notre pays n’est pas en avance dans ce domaine ; d’autres ont beaucoup à nous apprendre. J’ai observé les politiques publiques menées au Canada ou dans les pays nordiques, dont nous devons nous inspirer.
Je souhaite que notre pays joue, à l’avenir, un rôle d’éclaireur, qu’il soit exemplaire, qu’il soit d’une exigence sans concessions.
J’ajoute qu’il me semble important de rappeler que nous parlons ici d’accessibilité au sens général : il ne s’agit pas d’une préoccupation concernant uniquement les personnes en situation de handicap. L’article 43 ne vise pas exclusivement les 5 millions de Françaises et de Français sourds ou malentendants ; il vise en réalité les 66 millions de Français, nous tous qui voulons communiquer avec les personnes sourdes ou malentendantes.
L’article 44 ne vise pas uniquement les personnes déficientes visuelles ou aveugles ; il concerne, lui aussi, les 66 millions de Françaises et de Français qui veulent pouvoir communiquer avec elles et accéder à des sites internet ergonomiques, simples, lisibles, adaptés à toutes et à tous, aux plus vieux et aux plus jeunes. Nous sommes en présence d’un enjeu de « littératie » numérique.
La lutte contre les discriminations est quotidienne. Elle avance progressivement, par à-coups, à force de discussions et de débats. Ce fut très précisément le cas pour l’élaboration de cet article 43. Je considère que, dans sa nouvelle version issue des travaux de la commission des lois du Sénat, son dispositif est désormais abouti et cohérent avec celui initialement envisagé par le Gouvernement, qui, certes, devait être amélioré et a largement évolué pour répondre aux attentes de toutes les parties prenantes.
Le mécanisme global, dans son esprit, reste néanmoins le même : il s’agit de répondre à des besoins très concrets des personnes en situation de handicap dans toutes les situations rencontrées dans leur quotidien, c’est-à-dire dans leurs relations avec les services publics et avec les services clients et consommateurs des entreprises, ainsi que dans leurs relations interpersonnelles.
Dans sa nouvelle rédaction, cet article répond aux attentes des associations en élargissant, par la mention des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques, le public visé concernant l’offre d’accès aux services téléphoniques des services publics et des grandes entreprises au moyen d’un centre relais téléphonique qui assurera l’interprétariat en langue des signes française – il faut ici rappeler que cette langue est une langue de la République, au même titre que le français –, le codage en langage parlé complété et la transcription écrite, ces trois modes de communication répondant à des besoins variés et distincts.
L’amendement n° 614 rectifié prévoit en outre que cette offre sera proposée sans surcoût pour les utilisateurs. En effet, il n’y a pas de raison de faire supporter le coût du dispositif par ses principaux bénéficiaires : celui-ci doit être mutualisé. Cette absence de surcoût concerne les services téléphoniques publics, ceux des grandes entreprises et les offres des opérateurs.
Concernant les moyens mis en œuvre, nous avons déjà insisté, à l’Assemblée nationale, sur la nécessité d’imposer aux services publics, aux entreprises et aux opérateurs des obligations de résultat, mais aussi d’inciter au développement, dans notre pays, d’une filière économique et industrielle à même de fournir des solutions technologiques adaptées.
Il me semble important de rester dans cette logique, mais, à la suite de l’adoption de l’amendement de Valérie Létard, j’ai compris qu’il fallait préciser la méthode. Nous avons repris l’idée de mettre en place un groupement interprofessionnel. Néanmoins, il ne nous paraît ni logique ni vraiment juste de faire peser le coût et l’organisation des communications interpersonnelles sur les seuls opérateurs de télécommunications : ceux-ci fournissent l’outil, mais il incombe à l’ensemble des parties prenantes de supporter les coûts. J’ajoute que cette solution aurait été très fragile sur le plan juridique, car elle aurait entraîné une rupture d’égalité devant les charges publiques. Par cet amendement, nous proposons que le groupement interprofessionnel mutualise les coûts entre l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les services publics, les entreprises et les opérateurs, et ce sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande à tous d’adopter cet amendement. Afin d’éviter que se répètent les erreurs du passé, que les grandes ambitions affichées en restent au stade des promesses, il faut que tous ensemble vous exprimiez votre soutien à cette mesure politique forte. C’est ensemble que l’on peut vaincre !
Mme Valérie Létard applaudit.
Le sous-amendement n° 657 rectifié bis, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 614
I. – Après l'alinéa 22, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la présente loi, et selon des modalités définies par le décret prévu au VI, le service de traduction mentionné à l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant du I du présent article, fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l'année, le service de traduction mentionné à l'article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dans sa rédaction résultant du II du présent article, fonctionne aux horaires d'ouverture des services d'accueil téléphonique, et le service de traduction mentionné à l'article L. 224-58-… du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du III du présent article, fonctionne aux horaires d'ouverture des services clients.
II. – Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article.
La parole est à M. le rapporteur.
Si vous m’y autorisez, madame la présidente, je défendrai ce sous-amendement lorsque j’exprimerai l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune.
Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
L'amendement n° 52 rectifié, présenté par M. de Nicolaÿ, Mme Cayeux, M. Pellevat, Mme Lamure et MM. Bignon, Vasselle, Husson, D. Laurent et Chasseing, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes et malentendantes » ;
b) Les mots : « écrite simultanée » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite » ;
2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes et malentendantes par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Les numéros de téléphones concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service de traduction ou le dispositif de communication adapté mentionnés aux trois premiers alinéas garantissent le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »
II. – L’article L. 113-5 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les entreprises, dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil défini par décret, qui vendent, offrent ou proposent directement aux consommateurs ou aux bénéficiaires des biens et des services rendent accessibles leurs services d’accueil téléphonique aux personnes sourdes et malentendantes par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Les numéros de téléphone concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’acteur économique, soit confiée par l’acteur économique, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. Un décret précise les modalités d’application dans le temps du présent alinéa sachant qu’il ne peut prévoir la mise en place de ce dispositif au-delà de cinq années après la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique. »
III. – Après le o du I de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un p ainsi rédigé :
« p) Un accès des utilisateurs finals sourds et malentendants à une offre de services de communications électroniques, incluant la fourniture, à un prix abordable au sens de l’article L. 35-1 et dans le respect de conditions de qualité définies par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Ce service garantit les conditions de neutralité et de confidentialité mentionnées au b du présent I ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; ».
IV. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété.
V. – Le 2° du I et le III entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard cinq ans après la promulgation de la présente loi. Le II entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi. Le décret précise également les modalités de suivi de l’application du présent article.
La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, l’article 43 permettait de responsabiliser l’ensemble des acteurs économiques en prévoyant l’obligation de rendre accessibles les services clients des entreprises et les services téléphoniques des services publics. S’ajoutait l’obligation, pour les opérateurs de communications électroniques, de proposer une offre de services incluant une prestation de traduction simultanée pour assurer l’accessibilité du reste des communications.
L’amendement adopté par la commission des lois du Sénat a supprimé les obligations à la charge des entreprises et des services publics pour placer sous la responsabilité unique des opérateurs l’accessibilité de l’ensemble des appels émanant de personnes malentendantes. Cela oblige les opérateurs à mettre en place et à financer un centre relais téléphonique national qui prendrait en charge ensemble de ces appels.
Outre que cette mesure semble déséquilibrée et susceptible de porter une atteinte manifeste au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques, un tel centre relais a déjà été expérimenté il y a un peu plus d’un an. Cette expérimentation a été très peu concluante, puisqu’un quart des membres du panel, tous volontaires, n’a passé aucun appel et que la moitié n’a utilisé qu’occasionnellement ce service.
A contrario, un marché de prestations de traduction adaptées animé par des acteurs spécialisés dans les solutions techniques innovantes alternatives a émergé.
Le présent amendement vise à réintroduire l’accessibilité des services téléphoniques des services publics, celle des services clients des entreprises, ainsi que l’obligation, pour les opérateurs, de fournir une offre adaptée, tout en préservant l’encouragement au développement d’applications innovantes.
L'amendement n° 56 rectifié ter, présenté par Mmes Deroche et Procaccia, MM. Bouchet et Béchu, Mmes Cayeux et Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, M. Gournac, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lamure, MM. de Legge, Laufoaulu et Lefèvre, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller, Pellevat, Pierre, Pillet, Revet, Vasselle, Delattre, Laménie, César, Chasseing et Husson, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication » ;
b) Les mots : « écrite simultanée » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite » ;
2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Les numéros de téléphones concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service de traduction ou le dispositif de communication mentionnés aux deux premiers alinéas garantissent le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »
II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Service téléphonique d’accueil et d’assistance
« Art. L. 224 -58 - … – Les acteurs économiques du secteur privé qui vendent, offrent ou proposent directement aux consommateurs ou aux bénéficiaires des biens et des services rendent accessibles leurs services d’accueil téléphonique aux personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Ce service comprend une transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété. Les numéros de téléphone concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite ou visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’acteur économique, soit confiée par l’acteur économique, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. Il garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites.
« Les « professionnels » définis à l’article L. 151-1 du code de la consommation sont des acteurs économiques au sens du présent article. »
III. – Le titre IV de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est complété par un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre … : Téléphone et télécommunications électroniques
« Art. 54 - … – Un accès des utilisateurs finals sourds et malentendants à une offre de services de traduction simultanée écrite et visuelle à un prix n’excédant pas le tiers du montant mensuel de la prestation de compensation du handicap est proposé par les prestataires de la filière professionnelle de la transcription et de la traduction simultanée qui délivrent les services mentionnés à l’article 78 de la présente loi et à l’article L. 224-58-… du code de la consommation. Cette offre de services garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »
IV. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article. »
V. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné aux mêmes I à III qu’à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d’offrir les mêmes conditions de traduction à toutes les personnes sourdes et malentendantes.
VI. – Le 2° du I et le II entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard, deux ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics de l’État et les acteurs économiques du secteur privé, trois ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics gérés par les collectivités territoriales. Le III entre en vigueur à une date et selon des modalités fixées par décret, et au plus tard trois ans après la promulgation de la présente loi. Le décret précise également les modalités de suivi de l’application du présent article.
La parole est à Mme Catherine Deroche.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps cet amendement et l’amendement n° 57 rectifié ter.
L’article 43 a pour objet de développer et de généraliser l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques, ce dont on ne peut que se féliciter.
Sa rédaction initiale prévoyait une répartition de la charge de l’accessibilité entre trois types d’acteurs : les services publics, les entreprises et les opérateurs de télécommunications. À la suite de ses travaux, l’Assemblée nationale avait étendu le champ de cette obligation d’accessibilité à l’ensemble des acteurs économiques du secteur privé en abandonnant toute considération relative au chiffre d’affaires ou à la taille de l’acteur économique concerné.
Il apparaît en effet que les entreprises de petite taille peuvent trouver à s’abonner annuellement à des services de traduction ou de transcription simultanée de la parole pour des sommes relativement modiques, de l’ordre de 70 euros par an.
Le texte issu des travaux de la commission des lois du Sénat refond le dispositif voté par l’Assemblée nationale en instaurant une réponse unique en matière d’accès aux services téléphoniques, par la création d’un centre relais téléphonique universel national.
À nos yeux, une telle solution pourrait contrevenir au principe de libre concurrence garanti par les traités de l’Union européenne, alors qu’un secteur économique innovant se développe et permet déjà d’offrir aux professionnels une accessibilité à un coût réduit. Par ailleurs, la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne interdit le financement par des opérateurs de communications électroniques d’activités qui ne relèvent pas de la stricte mise en œuvre des autorisations générales.
Il est vrai que, par son amendement n° 614 rectifié, qui fait l’objet d’un sous-amendement de la commission, le Gouvernement propose d’en revenir à la rédaction initiale du projet de loi et à répartir la charge de l’accessibilité. Néanmoins, cet amendement du Gouvernement, même ainsi sous-amendé, présente un certain nombre de faiblesses : il revient tout d’abord sur la généralisation de l’obligation d’accessibilité à l’ensemble des acteurs économiques en réintroduisant un critère de chiffre d’affaires et en limitant l’obligation professionnelle des entreprises disposant déjà d’un numéro de service clients ; il enserre encore l’accessibilité des personnes sourdes pour leurs besoins interpersonnels dans un cadre contraint, puisqu’il est fait mention d’un « usage raisonnable », ce qui heurte le principe même de non-discrimination ; enfin, il institue un groupement interprofessionnel dont la composition comme les missions exactes restent encore imprécises.
C’est la raison pour laquelle nous présentons ces deux amendements, dont le dispositif permet, sans création de charges nouvelles, de respecter l’esprit de la loi de 2005, de réaffirmer l’obligation intransférable d’accessibilité dont la charge doit être équitablement partagée entre État, collectivités, entreprises ou associations relevant des secteurs public et privé et acteurs de la filière professionnelle de transcription et de traduction simultanée de la parole, qui sont, dans nos amendements, substitués aux opérateurs de communications électroniques, de soutenir le développement d’une offre concurrentielle garante de la qualité de service par la filière existante tout en sécurisant un secteur économique innovant, de sécuriser un secteur économique français en plein développement et de permettre, ce faisant, le développement harmonieux d’une accessibilité complète pour les publics concernés, tant pour la prise de rendez-vous par téléphone que lors d’un rendez-vous, et d’adapter les délais d’entrée en vigueur des dispositions.
Les différences entre l’amendement n° 56 rectifié ter et l’amendement n° 57 rectifié ter portent sur le seul III de l’article 43 : le premier prévoit de charger la seule filière des professionnels de la transcription et de la traduction simultanée de la parole d’offrir aux personnes sourdes un accès direct pour leurs besoins interpersonnels pour un prix n’excédant pas le tiers du montant mensuel de la prestation de compensation du handicap ; le second, quant à lui, prévoit la création par le groupement interprofessionnel d’un centre relais téléphonique pour permettre aux publics concernés l’accès au service téléphonique, également pour leurs besoins interpersonnels.
Dans un cas comme dans l’autre, l’accès au service pour les besoins interpersonnels de la personne handicapée n’est pas limité, contrairement à ce que prévoit l’amendement du Gouvernement, même sous-amendé.
L'amendement n° 57 rectifié ter, présenté par Mmes Deroche et Procaccia, MM. Bouchet et Béchu, Mmes Cayeux et Deromedi, M. Doligé, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, M. Gournac, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre et de Legge, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller, Pellevat, Pierre, Pillet, Revet, Vasselle, Delattre, Laménie, César, Chasseing et Husson, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication » ;
b) Les mots : « écrite simultanée » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite » ;
2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle. Les numéros de téléphones concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le service garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »
II. – Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Service téléphonique d’accueil et d’assistance
« Art. L. 224 -58 - … – Les acteurs économiques du secteur privé qui vendent, offrent ou proposent directement aux consommateurs ou aux bénéficiaires des biens et des services rendent accessibles leurs services d’accueil téléphonique aux personnes sourdes malentendantes ou handicapées de la communication par la mise à disposition d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle. Ce service comprend une transcription écrite ou l’intervention d’un interprète en langue des signes française ou d’un codeur en langage parlé complété. Les numéros de téléphone concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite ou visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’acteur économique, soit confiée par l’acteur économique, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. Il garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ».
« Les « professionnels » définis à l’article L. 151-1 sont des acteurs économiques au sens du présent article. »
III. – Le titre IV de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est complété par un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre … : Télécommunications électroniques
« Art. 54 - … – I. – Il est créé un groupement interprofessionnel des prestataires de la filière professionnelle de la transcription et de la traduction simultanée qui délivrent les services mentionnés à l’article 78 de la présente loi et à l’article L. 224-58-… du code de la consommation, dont l’objet est d’assurer le développement de l’accessibilité téléphonique pour les besoins interpersonnels. À ce titre, le groupement assure notamment la création et le fonctionnement du centre relais défini au II.
« II. – Un centre relais téléphonique est créé par le groupement interprofessionnel mentionné au I pour permettre l’accès au service téléphonique au public des personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication pour leurs besoins interpersonnels sur l’ensemble du territoire métropolitain et des collectivités d’outre-mer.
« Le centre relais téléphonique assure, en mode simultané et à la demande de l’utilisateur, l’interprétariat français en langue des signes française, la transcription simultanée écrite, le codage en langage parlé complété, ou une communication multimodale adaptée, des appels passés et reçus par les personnes sourdes, malentendantes, ou handicapées de la communication.
« Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique, le centre relais téléphonique fournit le service d’accès au service téléphonique au public.
« Dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique, le centre relais téléphonique fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l’année.
« III. – La mise en place et le fonctionnement du centre relais téléphonique mentionné sont déterminés conjointement avec le ministre chargé des personnes handicapées. Le centre relais téléphonique garantit le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. »
IV. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article.
V. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné aux mêmes I à III qu’à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d’offrir les mêmes conditions de traduction à toutes les personnes sourdes, malentendantes ou handicapées de la communication.
VI. – Le 2° du I et le II entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard, deux ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics de l’État et les acteurs économiques du secteur privé, trois ans après la promulgation de la présente loi pour les services publics gérés par les collectivités territoriales.
Cet amendement a été précédemment défendu.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune et pour présenter le sous-amendement n° 657 rectifié bis.
Tous ces amendements ont pour objet de répondre à une demande très forte des associations, que nous avons toutes reçues lors d’une grande table ronde organisée dans le cadre de nos travaux. Je n’en citerai que quelques-unes, en espérant que les autres ne m’en voudront pas de ne pas les mentionner : Aditus, BrailleNet, la Fédération nationale des sourds de France.
L’amendement du Gouvernement vise à concilier, en matière d’accessibilité du service téléphonique pour les handicapés, le dispositif du projet de loi, modifié sur certains points par l’Assemblée nationale, et les avancées en faveur des personnes handicapées introduites par la commission des lois du Sénat.
Le dispositif relatif à l’accessibilité des services téléphoniques tel qu’issu des débats à l’Assemblée nationale n’était pas satisfaisant sur plusieurs aspects importants, aux yeux tant de la commission des lois du Sénat que de l’ensemble des acteurs associatifs que nous avons reçus. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a adopté l’amendement extrêmement astucieux de Mme Létard – nous butions sur l’écueil de l’article 40 –, prévoyant la mise en place d’un centre relais téléphonique universel, qui améliorait grandement le dispositif d’accessibilité sur plusieurs points.
L’amendement du Gouvernement reprend ce dispositif du projet de loi qui repose sur les opérateurs, les services publics et les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil, tous soumis à l’obligation d’accessibilité.
Il reprend aussi des propositions importantes de la commission des lois, au premier rang desquelles la création d’un groupement interprofessionnel destiné à assurer la mutualisation des coûts, l’extension de l’accessibilité au sourdaveugles et aux aphasiques, et non plus seulement aux sourds et malentendants, ce qui répond à une revendication forte des associations que nous avons reçues, l’absence de surcoût pour les utilisateurs finaux, autre demande forte.
C’est un compromis que nous avons estimé parfaitement acceptable – les associations de personnes sourdes et malentendantes que nous avons auditionnées l’ont aussi jugé comme tel –, en vue de concilier les positions des différentes parties prenantes et de faire enfin progresser l’accessibilité, même si cela passe par quelques concessions par rapport au texte de la commission : des délais de mise en place un peu plus longs – deux ans et cinq ans au plus tard après promulgation de la loi –, la limitation du champ du dispositif au territoire métropolitain, avec la suppression de la mention des collectivités d’outre-mer.
Pour compléter cet amendement du Gouvernement, je soumets au Sénat un sous-amendement visant à réintroduire deux éléments qui figuraient dans l’amendement de Mme Létard, désormais intégré au texte de la commission : le service de traduction des opérateurs de communications électroniques fonctionnera vingt-quatre heures sur vingt-quatre tous les jours de l’année à l’issue d’un délai de dix ans, tandis que les services de traduction des services publics et des entreprises fonctionneront pendant les horaires d’ouverture ; un plan des métiers sera mis en place pour anticiper les besoins futurs en traducteurs.
Ces deux dispositions figurent dans le texte déjà adopté par la commission des lois, qui émet un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.
L’amendement n° 52 rectifié vise à en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale sans reprendre les améliorations introduites par l’amendement du Gouvernement. La commission émet donc un avis défavorable.
Pour le même motif, la commission est également défavorable aux amendements n° 56 rectifié ter et 57 rectifié ter.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur le sous-amendement de la commission, qui porte sur deux points : la disponibilité des services et le plan des métiers. Il répond à une demande légitime : les personnes en situation de handicap doivent pouvoir appeler et être appelées dans des conditions normales. Le but n’est pas de créer une solution à bas coût dont le fonctionnement fluctuerait au gré des moyens qu’on voudrait bien lui accorder. En revanche, la montée en charge du dispositif doit être progressive. Cette progressivité est déjà prévue au VI de l’article 43, mais je crois utile et réaliste d’inscrire dans le texte un délai de dix ans pour la mise en place de la disponibilité des services. Être pragmatiques est la meilleure façon de garantir que les objectifs seront bien atteints.
Le plan des métiers est un aspect clé. Nous manquons aujourd’hui des ressources humaines nécessaires, c’est pourquoi il faut à tout prix les développer.
À titre d’exemple, on comptait en 2015 seulement 450 interprètes diplômés en langue des signes. Cela justifie cette montée en charge progressive, avec des délais de mise en œuvre de cinq ans pour les opérateurs et les services publics et de deux ans pour les entreprises concernées par les dispositions.
Cela pose aussi la question de l’embauche directe de téléconseillers pouvant pratiquer l’un des trois modes de communication pour les services téléphoniques des services publics et des services clients des entreprises. La discussion entre l’usager et le téléconseiller est alors directe. Ce plan des métiers est une mesure déjà inscrite au programme de travail du comité interministériel du handicap, et le Gouvernement rend régulièrement compte des avancées de ce plan. Compte tenu de l’importance de l’enjeu, je suis favorable à cette disposition, afin d’accélérer les choses. Attention toutefois à ne pas tomber dans ce trop fréquent travers qui consiste à rédiger une loi sans assurer le suivi de son application. Il faudra véritablement instaurer une gouvernance de la régulation et de l’observation de la mise en œuvre et de l’exécution, pour garantir que toutes ces dispositions seront respectées au pied de la lettre.
Le Gouvernement sollicite le retrait des amendements n° 52 rectifié et 56 rectifié ter au profit de l’amendement du Gouvernement. Sur l’amendement n° 57 rectifié ter, l’avis est défavorable.
Ces trois amendements tendent à revenir à la version initiale de l’article 43, telle que présentée par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale. L’amendement n° 52 rectifié vise à supprimer la mention des applications innovantes. En tant que ministre chargée du numérique, et donc de la French tech, je ne puis l’accepter : dans ce secteur, les innovations sont nombreuses et le potentiel des pistes d’innovation encore inexplorées est immense. Je suis amenée à le constater au fil de mes déplacements. Par exemple, l’avatar en 3D permet de traduire des textes écrits en langue des signes française ou en langage parlé complété, les gants connectés de détecter les mouvements et de traduire la langue des signes française en langue orale ; je pense également à la transcription automatique de textes par l’intermédiaire d’applications de reconnaissance vocale couplées à des algorithmes de reconnaissance vocale.
Toutes ces technologies ne sont pas forcément totalement abouties, il faut qu’elles trouvent leur marché, qu’elles puissent être facilement utilisées, mais gardons-nous de tourner le dos à ce potentiel d’innovations : on ne sait pas ce que demain nous réserve.
Pour accompagner l’essor de ces technologies, je souhaite d’ailleurs lancer – c’est en très bonne voie – un appel à projets dédié spécifiquement à l’innovation technologique en faveur des personnes en situation de handicap. D’un point de vue économique, la demande existe, et il faut donc maintenant développer l’offre.
L’amendement n° 56 rectifié ter ne prévoit pas de rétablir un seuil de chiffre d’affaires pour définir les entreprises concernées par l’obligation d’accessibilité. L’objectif est de viser les entreprises en contact téléphonique avec un grand nombre d’utilisateurs, et non pas toutes les entreprises de France, notamment pas les très petites entreprises ou les artisans, qui ne seraient pas en mesure de satisfaire à ce type d’obligation. Par ailleurs, je l’ai dit, les besoins en personnel formé sont immenses. Lorsque la loi entrera en vigueur, il ne sera pas possible de répondre à une telle obligation. Surtout, les entreprises dont le chiffre d’affaires est en deçà du seuil fixé seront dans tous les cas accessibles, mais via le troisième dispositif, celui des communications interpersonnelles. Très concrètement, si je souhaite appeler le service clients d’Engie, cette grande entreprise publique devra, sur son site internet, fournir un service de traduction ou renvoyer à un tel service. Si je souhaite appeler une entreprise dont le chiffre d’affaires se situe en deçà du seuil, je pourrai le faire en passant par les opérateurs.
L’amendement n° 57 rectifié ter ne prévoit pas d’étendre le dispositif à l’ensemble des personnes concernées et n’indique pas qu’il sera mis en place sans surcoût pour ces dernières. En outre, ses auteurs proposent que les opérateurs ne paient rien du tout et que l’intégralité du financement repose sur les entreprises et les services publics. La mutualisation proposée par le Gouvernement est à mon sens une solution plus équilibrée.
À la suite des explications fournies tant par M. le rapporteur que par Mme la secrétaire d’État, je retire l’amendement n° 52 rectifié.
L’amendement n° 52 rectifié est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 657 rectifié bis.
Le sous-amendement est adopté.
Je tiens à remercier Mme la secrétaire d’État pour les explications extrêmement précises et techniques qu’elle vient de nous donner. Il est vrai qu’un travail considérable a été fait en quelques semaines pour répondre aux attentes de tout un chacun et surmonter de nombreuses difficultés.
Je salue cette démarche de coconstruction, qui va dans le sens d’une amélioration du service rendu aux bénéficiaires. Nous voterons donc en faveur de l’adoption de l’amendement du Gouvernement.
Je relève en particulier que la rédaction proposée prévoit que le service soit rendu « sans surcoût pour l’utilisateur » dans le cadre d’une utilisation ordinaire. En effet, même un usager sans handicap paie davantage s’il demande des services supplémentaires.
Je suis également favorable à l’incitation au développement d’une filière économique pour la création et la commercialisation d’applications nouvelles, à l’instar de celles que vous avez citées, madame la secrétaire d’État. Cela ne profitera pas seulement aux personnes handicapées : en effet, les exemples sont nombreux d’innovations qui, développées à l’origine au bénéfice de personnes handicapées, sont ensuite utilisées par toute la société. Il en est ainsi de la télécommande de télévision.
Le développement des ressources métiers est bien évidemment essentiel, de même que l’imposition d’obligations de résultat dans le temps, eu égard aux difficultés de mise en œuvre de la loi de 2005. La précaution prise ici permettra une mise en place rapide du centre relais téléphonique suivant un calendrier précis, au bénéfice non seulement de toutes les personnes affectées d’un handicap, mais aussi des personnes qui vieillissent et éprouvent des difficultés d’accès aux services numériques.
Le groupe UDI-UC se félicite que Mme la secrétaire d’État ait bien voulu œuvrer à une solution qui s’inspire du travail accompli par la commission des lois du Sénat.
Cet amendement montre que le Gouvernement a bien l’intention de faire en sorte que l’ouverture rendue possible par le travail du Sénat puisse prospérer au cours de la navette parlementaire, grâce à une rédaction permettant de trouver la voie d’un compromis avec l’Assemblée nationale. C’est ce que souhaitent les associations représentant les millions de personnes appelées à bénéficier de ces dispositifs, dont des membres sont d’ailleurs présents aujourd’hui dans nos tribunes. Comme l’a souligné Dominique Gillot, la mise en œuvre de ce texte apportera tout un lot d’innovations et de progrès et ne manquera pas de produire des effets positifs pour les publics concernés.
Nous avons aujourd’hui la chance de vivre longtemps en bonne santé. En dix ans, le nombre des personnes âgées de plus de 85 ans a doublé, passant de 1 million à 2 millions. Dès lors, c’est l’ensemble de la société qui bénéficiera des progrès permis par ce texte.
Je voudrais vous remercier encore une fois, madame la secrétaire d'État, ainsi que tous les sénateurs qui, sur toutes les travées, ont soutenu cette initiative dont notre assemblée peut s’enorgueillir.
Applaudissements sur de nombreuses travées.
Madame la secrétaire d'État, tout à l’heure vous disiez que seul, on ne peut rien. Il est vrai que cet amendement représente l’aboutissement d’un travail collectif de fond ; je tiens à cet égard à saluer les collègues qui s’y sont investis, parfois dans l’ombre, pour marquer notre considération envers toutes les personnes en situation de handicap.
Cet amendement tend notamment à modifier certaines dispositions de la loi du 11 février 2005, à l’élaboration de laquelle le Sénat avait déjà puissamment contribué. Je pense notamment, à cet instant, à notre ancien collègue Paul Blanc.
En ce qui concerne les dispositions financières de cet amendement, elles vont tout à fait dans le bon sens. Je m’associe naturellement à ce travail collectif.
Il est vrai que l’amendement du Gouvernement, sous-amendé, représente une amélioration par rapport à la rédaction issue des travaux de la commission des lois.
Néanmoins, en présentant mes amendements, j’ai émis quelques réserves auxquelles il n’a été que partiellement répondu. J’espère qu’il en sera tenu compte lors de la commission mixte paritaire, s’agissant notamment de la définition d’un « usage raisonnable » et des assurances à donner aux entreprises.
L’amendement est adopté.
En conséquence, l’article 43 est ainsi rédigé, et les amendements n° 56 rectifié ter, 57 rectifié ter, 645, 253 et 255 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces trois derniers amendements.
L’amendement n° 645, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéas 1, 2 et 9
Remplacer la référence :
L. 35-7
par la référence :
L. 35-8
L’amendement n° 253, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En aucun cas le recours occasionnel ou régulier au centre relais téléphonique ne peut entraîner de frais pour l’utilisateur.
L’amendement n° 255, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La mise en œuvre du I peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné au même I qu’à la condition de garantir son accessibilité à toutes les personnes sourdes et malentendantes.
Mes chers collègues, je vous signale que, en deux heures de débats, nous avons adopté un amendement… Il en reste plus de 350 à examiner !
L’amendement n° 480, présenté par Mmes David et Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 4° de l’article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les appels téléphoniques à destination des services et administrations publiques pour les utilisateurs finaux handicapés ne peuvent donner lieu à une surfacturation et doivent bénéficier d’un tarif simplifié se basant sur le coût d’une communication locale. »
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
L’usage des services téléphoniques et d’internet est très important pour les personnes en situation de handicap.
De fait, les appels de ces personnes peuvent durer plus longtemps que ceux des personnes valides, soit parce que leur handicap s’accompagne de difficultés à s’exprimer, soit parce que leurs demandes sont plus larges. Par exemple, elles peuvent être amenées non seulement à demander un renseignement sur des horaires de train, mais aussi à acheter un billet ou à solliciter un accompagnement spécifique en gare.
On peut donc considérer que l’usage du téléphone leur est particulièrement nécessaire et doit leur être garanti, d’autant qu’il s’agit d’un service public qui se veut universel.
Aujourd’hui, les bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé disposent de la réduction sociale téléphonique, dont le montant s’élève à 4, 20 euros hors taxes par mois. Cela est très peu quand les communications avec la SNCF coûtent 40 centimes par minute et ceux avec la sécurité sociale 12 centimes par minute !
Dans un rapport sur l’accueil à distance dans les administrations publié en août 2007, l’Inspection générale des finances estime que le coût d’un contact avec l’administration peut atteindre plusieurs dizaines d’euros. On peut imaginer que ce coût est plus élevé pour les personnes en situation de handicap, dont les demandes peuvent être plus spécifiques.
Ce rapport pointe d’ailleurs le fait que le développement de l’accueil à distance s’est effectué en dehors de tout cadre légal, ce qui rendrait possibles des recours des administrés contre l’administration, l’accès au service public étant censé être gratuit.
C’est pourquoi nous demandons l’interdiction de la surfacturation des appels téléphoniques à destination des services et administrations publics, à tout le moins en faveur des personnes en situation de handicap.
Mon cher collègue, je vous invite à considérer votre amendement comme satisfait par le dispositif que nous venons d’adopter, en vertu duquel les services en question sont rendus accessibles sans surcoût.
De plus, les services de traduction qui vont se mettre en place permettront aux personnes handicapées de communiquer plus efficacement avec leurs interlocuteurs, ce qui évitera la prolongation de leurs appels téléphoniques.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement.
Je vous suggère également, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement, à la suite de l’adoption de l’amendement n° 614 rectifié du Gouvernement.
Je suis naturellement d’accord avec vous sur le fond : le dispositif doit être sans surcoût pour les bénéficiaires.
Un appel à un ami s’inscrit dans le cadre de l’offre des opérateurs prévue au I de l’amendement du Gouvernement, avec la limite d’un « usage raisonnable », notion qui sera définie sous le strict contrôle du régulateur indépendant qu’est l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, en partenariat avec les associations. Il s’agit de rendre le dispositif soutenable, mais aussi de lui permettre d’évoluer dans le temps en fonction de l’évolution des besoins et des usages. De l’expérimentation de centre relais qui avait été menée pendant un an, il ressortait que les usages interpersonnels représentaient entre 7 % et 15 % des appels, ce qui semble, précisément, raisonnable.
Quant aux appels vers les services publics, les centres des impôts par exemple, ils seront gratuits, hormis bien sûr le coût de connexion à internet s’il est recouru à la vidéo par ce biais. Il en ira de même pour les appels passés au service clients d’une grande entreprise.
Dans les trois cas, il n’y aura donc effectivement pas de surcoût pour les utilisateurs.
Nous maintenons l’amendement. En effet, si j’entends bien l’argumentation de Mme la secrétaire d’État, il n’en reste pas moins que les appels à la SNCF ou à la sécurité sociale sont bel et bien surtaxés : notre amendement garde donc toute sa pertinence.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 13 rectifié ter, présenté par M. Mouiller, Mme Cayeux, M. Mayet, Mmes Canayer et Deromedi, MM. Calvet et Morisset, Mme Micouleau, MM. D. Robert, Milon et Masclet, Mme Morhet-Richaud, MM. Charon, Houel, Perrin, Raison, Delattre, D. Laurent, Laménie et G. Bailly, Mme Hummel et MM. Chasseing et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 43
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est remis au Parlement avant le 1er janvier 2017 sur la mise en place d’un centre relais téléphonique pour permettre l’accès au service téléphonique au public des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication sur l’ensemble du territoire métropolitain et des collectivités d’outre-mer.
La parole est à M. Marc Laménie.
Le présent amendement a été déposé sur l’initiative de notre collègue Philippe Mouiller.
La loi du 11 février 2005 prévoyait l’obligation d’accessibilité des services téléphoniques publics, mais cette disposition n’avait pas été suivie d’effet.
Afin de permettre aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication d’accéder de manière effective à ces services, plusieurs voies sont possibles.
Le dispositif qui a été adopté en commission prévoit de doter la France d’un centre relais téléphonique généraliste dont la fonction est de permettre à ces personnes de passer et de recevoir des appels téléphoniques.
Ce futur centre relais permettrait, contrairement au dispositif proposé par le Gouvernement, le traitement de tous les appels sans discrimination, à l’instar de dispositifs existant déjà dans d’autres pays. Il répondrait aux besoins non seulement des 500 000 personnes concernées, qui souhaitent pouvoir communiquer avec un tiers dans les mêmes conditions que n’importe quelle autre personne, mais également de l’ensemble de leurs interlocuteurs téléphoniques potentiels. L’obligation d’accessibilité des services téléphoniques publics prévue dans la loi de 2005 serait ainsi effective.
L’expérimentation menée en 2014 et en 2015 d’un tel centre relais téléphonique, destiné à traiter les communications interpersonnelles entre personnes malentendantes, ainsi qu’entre ces personnes et celles sans handicap auditif, a fait naître de nombreuses attentes. Toutefois, la mise en place de ce centre relais téléphonique représente un coût estimé à 84 millions d’euros par an.
Nous venons d’adopter un dispositif qui tient compte des conclusions du rapport rendu par Mme Erhel en 2014, préconisant la création d’un tel centre relais téléphonique. Je ne puis donc que vous inviter à retirer cet amendement, qui se trouve satisfait par l’article 43.
Compte tenu de l’avis exprimé par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État, ainsi que du travail réalisé, je le retire.
priorité
Accès des personnes handicapées aux sites internet publics
L’amendement n° 256, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Dans l’intitulé de cette division, après le mot :
internet
insérer les mots :
et aux services bancaires par internet
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Cet amendement fait écho à l’amendement n° 259, à l’article 44, que je vais donc présenter en même temps.
Le recours aux services bancaires via internet est aujourd’hui en train de se généraliser. Il faut donc que les personnes en situation de handicap puissent accéder à ces services au même titre que les personnes valides.
L’avis de la commission est défavorable. En effet, la directive européenne relative à l’accessibilité des produits et services invoquée dans les exposés des motifs de ces deux amendements n’a pas encore été adoptée, seule une proposition de directive ayant été élaborée en 2015. Il convient donc d’attendre l’issue du processus européen. Dans cette perspective, je vous serai reconnaissant, ma chère collègue, de bien vouloir retirer ces deux amendements. Sinon, l’avis sera défavorable.
Ma position est la même que celle de M. le rapporteur : je souhaiterais que vous retiriez les amendements n° 256 et 259, madame Gillot.
L’objet de l’article 44 est d’étendre à deux nouveaux niveaux l’obligation d’accessibilité qui était déjà prévue par la loi de 2005. Je dois souligner que ces apports sont issus de la consultation publique en ligne qui a été menée sur ce projet de loi.
L’obligation d’accessibilité est étendue aux organismes publics et aux organismes privés délégataires d’une mission de service public, ainsi qu’à tous les dispositifs de communication publique en ligne, certains sites étant aujourd’hui consultés à hauteur de plus de 50 % à partir de supports mobiles : téléphones ou smartphones.
Vous proposez, madame la sénatrice, d’ajouter les services bancaires au champ des acteurs concernés par le dispositif de cet article. Il va de soi que la question est légitime ; on aurait également pu viser les sites de commerce électronique ou les opérateurs de transports, qui répondent aussi à des besoins concrets du quotidien.
Toutefois, pour traiter correctement la question, il convient d’attendre l’issue des discussions menées au niveau européen en concertation avec l’ensemble des acteurs économiques concernés. Je suis impliquée dans ce combat. La proposition de directive inclut désormais les applications mobiles, alors qu’elle ne visait à l’origine que les sites internet. Quant à la proposition de directive relative à l’accessibilité des sites web d’organismes du secteur public, le prochain trilogue entre la Commission, le Parlement et le Conseil se tiendra le 3 mai.
À ce stade, je suis donc défavorable à vos amendements, mais vous aurez compris que le Gouvernement français partage votre objectif.
J’entends bien votre argumentation, madame la secrétaire d’État. Toutefois, pourquoi attendre que les discussions à Bruxelles soient achevées, alors que nous sommes d’accord pour avancer sur ce sujet ?
Nous percevons la nécessité d’apporter une réponse à un besoin de nos concitoyens, mais nous nous laissons paralyser par des calendriers que nous ne maîtrisons pas. Nous pourrions très bien anticiper la directive européenne : on ne nous sanctionnerait pas pour cela. Au contraire, nous montrerions la voie, sachant que, de toute façon, nous devrons sous peu traduire ces grands principes dans notre droit.
Voilà pourquoi je préconise que l’on ne se soumette pas au calendrier de la Commission européenne. L’article 44 nous permet d’introduire dès aujourd’hui des dispositions en matière d’accessibilité universelle et d’envoyer un message fort à des millions de citoyens en situation de handicap.
Je préside le Conseil national consultatif des personnes handicapées depuis six mois. Il compte une commission qui suit l’élaboration des textes européens : ses membres ne comprennent pas que l’on n’avance pas et que les textes français ne soient pas déjà en accord avec ce qui est entériné à l’échelon européen. Certes, la directive en question n’a pas encore été adoptée, mais inscrire dans la loi une telle mesure permettrait d’adresser un signal fort à nos concitoyens handicapés, qui attendent de pouvoir accéder eux aussi aux services bancaires en ligne.
Le Gouvernement, j’y insiste, a vraiment la volonté d’avancer sur ce sujet, mais imposer de telles obligations en matière d’accessibilité aux seules entreprises françaises placerait celles-ci en situation de concurrence inégale avec les entreprises des autres pays européens. Aujourd’hui, vingt-quatre pays de l’Union européenne n’appliquent pas de telles dispositions au secteur privé.
Vous me direz que ce n’est pas parce que ces pays montrent le mauvais exemple qu’il faut les suivre, mais il y a un engagement très fort du Gouvernement français pour avancer rapidement sur ce sujet. Cela doit permettre de renforcer nos capacités de négociation avec le secteur privé pour parvenir à imposer le même niveau d’exigence à l’ensemble des pays européens.
Je comprends tout à fait l’impatience des personnes concernées, mais je vous prie de croire que la France est en première ligne sur cette question à Bruxelles : il vaut mieux entraîner tous nos partenaires européens dans cette voie.
Non, je le retire, madame la présidente, de même que l’amendement n° 259, par anticipation.
I. – L’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 47. – I. – Les services de communication au public en ligne des services de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent ainsi que ceux des organismes délégataires d’une mission de service public doivent être accessibles aux personnes handicapées.
« L’accessibilité des services de communication au public en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique, quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation. Les recommandations internationales pour l’accessibilité de l’internet doivent être appliquées pour les services de communication publique en ligne.
« Les personnes mentionnées au premier alinéa élaborent un schéma pluriannuel de mise en accessibilité de leurs services de communication au public en ligne, qui est rendu public et décliné en plans d’actions annuels.
« II. – La page d’accueil de tout service de communication au public en ligne comporte une mention clairement visible précisant s’il est ou non conforme aux règles relatives à l’accessibilité ainsi qu’un lien renvoyant à une page indiquant notamment l’état de mise en œuvre du schéma pluriannuel de mise en accessibilité et du plan d’actions de l’année en cours mentionnés au I et permettant aux usagers de signaler les manquements aux règles d’accessibilité de ce service.
« III. – Le défaut de mise en conformité d’un service de communication au public en ligne avec les obligations prévues au II fait l’objet d’une sanction administrative dont le montant, qui ne peut excéder 5 000 €, est fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au IV. Une nouvelle sanction est prononcée chaque année lorsque le manquement à ces dispositions perdure.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les règles relatives à l’accessibilité et précise, par référence aux recommandations établies par l’autorité administrative compétente, la nature des adaptations à mettre en œuvre ainsi que les délais de mise en conformité des services de communication au public en ligne existants, qui ne peuvent excéder trois ans, et les conditions dans lesquelles des sanctions sont imposées et recouvrées en cas de non-respect des obligations prévues au II. »
II
Non modifié
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce fonds peut également participer au financement des prestations destinées à assurer le respect de l’obligation d’accessibilité des services de communication au public en ligne, prévue à l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. » ;
2° L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : « ainsi qu’à l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 précitée ».
Le sujet est important, et nous vivons un moment historique : le Sénat consacre un long débat à la prise en compte des besoins et des attentes des personnes handicapées.
L’accessibilité numérique est un défi majeur pour les personnes en situation de handicap. Elle suppose le développement de moyens de communication dans tous les domaines de la vie : éducation, vie professionnelle, loisirs ou culture. Lutter pour réduire toutes les sources de l’exclusion numérique est un combat politique juste : l’illettrisme, la dyslexie, la complexité des informations numériques, les déficits sensoriels ou cognitifs excluent les personnes concernées de l’accès au numérique.
Bien que l’article 47 de la loi du 11 février 2005 prévoie une réglementation destinée à favoriser l’accès des personnes handicapées aux contenus numériques, la grande majorité des sites web du secteur public, de l’État ou des collectivités territoriales demeurent en pratique inaccessibles pour bien des personnes en situation de handicap.
Pourtant, en 2015, 12 millions de Français ont des besoins spécifiques en matière d’accessibilité. Parmi eux, 1, 5 million sont atteints d’une déficience visuelle. Une part importante de nos concitoyens n’a donc pas accès aux services et aux contenus numériques, ce qui représente pourtant un droit fondamental au titre du droit à l’information.
La transversalité des usages et des pratiques digitaux transforme la vie de tous, en particulier celle des personnes handicapées, qui expriment une forte attente. Il en va de même des personnes qui vieillissent et qui, confrontées chaque jour à la diminution de leurs aptitudes, se retrouvent handicapées, sinon privées de l’accès au web.
L’article 44 du présent projet de loi précise les conditions d’accès des personnes avec handicap aux sites internet des organismes publics, en renforçant tant le contrôle du respect des obligations faites aux organismes concernés que les sanctions susceptibles d’être prononcées à leur encontre en cas de manquement.
Cet article s’inscrit dans le prolongement de la démarche pragmatique et incitative engagée depuis 2012 par le Gouvernement, qui nous propose aujourd’hui d’actualiser les grandes lois relatives au handicap en les mettant en phase avec les évolutions technologiques, notamment numériques.
L’amendement n° 355, présenté par M. Assouline, Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 47. – L’accessibilité des contenus et services numériques concerne l’accès à toute forme de contenus et de services numériques mis à disposition du public, des agents de la fonction publique et des salariés quels que soient le type de dispositif de diffusion utilisé et le handicap. Elle concerne tout spécialement les outils et supports pédagogiques virtuels utilisés dans le domaine de l’éducation scolaire et des études supérieures. Les recommandations internationales pour l’accessibilité des contenus et services numériques doivent être appliquées.
« Les contenus et services numériques, notamment les sites internet, intranet, extranet, applications mobiles, progiciels, objets connectés et mobilier urbain numérique des personnes chargées d’une mission de service public administratif, à caractère industriel et commercial, d’intérêt général et d’intérêt économique général, ainsi que ceux utilisés par les entreprises privées pour délivrer un service ou une information, doivent être accessibles aux personnes en situation de handicap.
« Un décret en Conseil d’État fixe les règles relatives à l’accessibilité des services et contenus numériques gérés par les personnes mentionnées au deuxième alinéa et gérant une mission de service public. Il précise, par référence au référentiel général d'accessibilité pour les administrations, et notamment la nature des adaptations à mettre en œuvre, les modalités de formation des personnels intervenant sur la conception, la production, la gestion et la mise à jour des contenus et services numériques.
« Les personnes privées souhaitant délivrer un service ou une information doivent se conformer aux standards internationaux en matière d’accessibilité.
« Les personnes mentionnées au deuxième alinéa élaborent un schéma d'accessibilité des services et contenus numériques. Ce schéma, dont la durée ne peut être supérieure à trois ans, est mis à disposition dans une page “accessibilité publique permettant aux usagers de signaler tout manquement à l’accessibilité”.
« Un décret en Conseil d’État fixe les règles relatives aux contenus, aux délais, aux modalités de suivi, de publication sur le service, de mise à jour et de contrôle de ce schéma et précise les montants et les modalités des sanctions pécuniaires imposées en cas de non-publication et de non-respect de ce schéma. Le produit issu de ces sanctions pécuniaires est recouvré comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine et est versé au fonds d’accompagnement de l’accessibilité universelle prévu à l’article L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation.
« Ce décret définit également l’autorité compétente de l’État à laquelle sont déférées les difficultés d’accessibilité des usagers en situation de handicap.
« La page d'accueil de tout service de communication au public en ligne comporte une mention clairement visible précisant s'il est ou non conforme aux règles relatives à l’accessibilité ainsi qu’un lien renvoyant à une page indiquant notamment l’état de mise en œuvre du schéma pluriannuel de mise en accessibilité. »
II. – L’article 6 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces aménagements incluent notamment celui de tous les outils numériques concourant à l'accomplissement de la mission des agents, notamment les logiciels métiers et de bureautique ainsi que les appareils mobiles. Ils concernent tout agent de la fonction publique, quels que soient sa position et son statut. »
III. – L’article L. 5213-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces aménagements incluent notamment celui de tous les outils numériques concourant à l'accomplissement de la mission des salariés, notamment les logiciels métiers et de bureautique ainsi que les appareils mobiles. Ils concernent tout salarié en situation de handicap quel que soit son statut dans l'entreprise. »
IV. – L’article L. 111-7-12 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Le fonds peut également participer au financement des prestations destinées à assurer le respect de l’obligation d’accessibilité des services de communication au public en ligne des autorités administratives, prévue par l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. » ;
2° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et à l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. » ;
V. – Le dernier alinéa de l’article 225-2 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’inaccessibilité technique des informations et services fournis par des outils de communication au public en ligne constitue un refus discriminatoire à partir du constat de l’absence de schéma de mise en accessibilité, ou du non-respect de ce schéma. »
La parole est à M. David Assouline.
Je crois, moi aussi, que nous vivons un moment très important. Je ne doute pas de l’engagement du Gouvernement sur cette question, mais je souhaite, par ce qui est presque un amendement d’appel, proposer une rédaction idéale de l’article… En effet, s’agissant des handicapés, il faut toujours étudier les problèmes jusqu’au bout et ne pas se contenter de faire preuve de pragmatisme.
Nous allons entériner l’avancée majeure proposée par le Gouvernement, mais je veux souligner qu’il faudra mener une concertation avec l’ensemble des entreprises du secteur privé, pour accompagner ce qui est prévu pour les administrations publiques.
Il faut dépasser le cadre restreint de l’information délivrée par les administrations publiques sur le web et favoriser l’accès de tous à l’éducation scolaire et aux études supérieures par le biais des supports pédagogiques virtuels. Il faut faciliter l’emploi des déficients visuels en exigeant l’accessibilité des logiciels métiers dans les secteurs public et privé, encourager la mise en accessibilité des outils de vente et des services en ligne, tels que les systèmes de facturation et de paiement, garantir l’accessibilité des objets connectés et des nouveaux mobiliers urbains dans les lieux recevant du public, tels les guichets automatiques, promouvoir l’accessibilité systématique ou des solutions alternatives pour les nouveaux produits de consommation numérique à destination du grand public, comme les smartphones et leurs applications.
Accéder à l’ensemble des services que je viens d’évoquer, qui relèvent très souvent du secteur privé, fait partie d’un exercice normal de la citoyenneté. Certains d’entre eux n’existent d’ailleurs plus que sous forme virtuelle, et l’on oublie que certaines personnes handicapées ne peuvent en bénéficier.
Je suis prêt à retirer cet amendement d’appel, car je sais bien qu’il ne faut pas adopter des dispositions qui ne seront pas applicables. C’est une erreur que nous avions faite en 2005. Cela étant, fixer alors un cap avait aussi permis de faire bouger beaucoup de choses.
Plusieurs amendements visent à étendre le champ de cet article relatif à l’accessibilité des sites internet publics pour les handicapés, que ceux-ci souffrent d’un handicap visuel ou fonctionnel, ainsi que pour la population vieillissante de notre pays.
Pour la clarté des débats, j’indique d’ores et déjà que la commission des lois est favorable aux amendements identiques n° 379 rectifié bis et 619.
La commission souhaite le retrait de l’amendement n° 355.
Si l’extension du champ d’application de l’exigence d’accessibilité des services de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des établissements délégataires d’une mission de service public aux applications numériques et progiciels est une bonne chose, son extension aux entreprises privées sans distinction ne paraît pas judicieuse à ce stade.
La démarche européenne pour l’élaboration de la directive européenne relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en ce qui concerne les exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services permettra une évolution ciblée et efficace de la législation. Seront ainsi rendus accessibles les produits et services vraiment utiles aux personnes handicapées dans leur vie quotidienne. Il convient donc d’attendre l’adoption de cette directive.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, au profit de l’amendement n° 619 du Gouvernement.
Je le retire comme annoncé, madame la présidente, au profit de l’amendement n° 619, qui constitue déjà une avancée significative qu’il convient d’entériner.
L'amendement n° 355 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 257, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 2
Après les mots :
communication au public en ligne
insérer les mots :
, les applications numériques et les progiciels
II.- Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
communication au public en ligne
insérer les mots :
, des applications numériques et des progiciels
III.- Alinéa 3, seconde phrase
Après les mots :
communication publique en ligne
insérer les mots :
, les applications numériques et les progiciels
IV.- Alinéas 5, 6, 7 et 10
Après les mots :
communication au public en ligne
insérer les mots :
, des applications numériques et des progiciels
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Aujourd’hui, les applications destinées au grand public ont des fonctionnalités très diversifiées et une utilité appréciable pour les personnes handicapées qui ont su s’en emparer. Un aveugle peut désormais obtenir sur son téléphone portable des informations sur l’approche d’un bus, sur un parcours sportif, un guidage vers une adresse, la gestion de ses rendez-vous, l’oralisation d’informations sollicitées vocalement. Ces nouvelles applications permettent à des millions de personnes d’être plus autonomes dans leur vie quotidienne.
Malgré ces évolutions, pour de nombreux citoyens handicapés, les nouveaux logiciels ou applications numériques restent encore, et pour longtemps, réservés aux valides, par manque d’information, de moyens d’acquisition, par autocensure aussi, par méconnaissance des outils et de leur utilisation, voire par manque d’accompagnement adapté.
On constate que la plupart des nouveaux produits numériques ne sont pas utilisables par les personnes handicapées, notamment aveugles et malvoyantes. D’autres peuvent se faire arnaquer – j’emploie ce terme sciemment – par des vendeurs d’applications peu scrupuleux ou peu avertis des réelles aptitudes ou des besoins d’accompagnement du client.
Des salariés éprouvent également des difficultés dans le cadre de leurs pratiques professionnelles, lorsque les outils numériques mis à leur disposition ne sont pas accessibles ou, s’ils l’ont été, deviennent obsolètes et ne sont plus compatibles. C’est fréquemment le cas avec les progiciels, applications complètes permettant d’effectuer plusieurs tâches spécifiques à un domaine d’activité.
Il s’agit donc d’imposer aux éditeurs de progiciels et applications numériques de prévoir systématiquement les développements permettant leur mise en accessibilité pour les personnes avec handicap et, ce faisant, de se conformer aux recommandations internationales. L’application des standards de l’accessibilité numérique dès la conception des produits et des services permet d’en améliorer l’usage bien au-delà des personnes handicapées.
Je rappelle qu’un quart de la population européenne aura plus de soixante-cinq ans à l’horizon 2020. Or les personnes âgées peuvent éprouver des difficultés à utiliser internet, notamment lorsqu’elles sont confrontées à des problèmes de vue ou qu’elles n’y ont pas été habituées plus jeunes.
L'amendement n° 481, présenté par Mmes David et Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après les mots :
en ligne
insérer les mots :
, les applications numériques et les logiciels professionnels
II. – Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
en ligne
insérer les mots :
, des applications numériques et des logiciels professionnels
III. – Alinéa 3, seconde phrase
Après les mots :
en ligne
insérer les mots :
, les applications numériques et les logiciels professionnels
IV. – Alinéa 5
Après les mots :
en ligne
insérer les mots :
, des applications numériques et des logiciels professionnels
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Cet article est important, puisqu’il vise à rendre accessibles les services en ligne de l’État et de l’administration. Ce pas est pour le moins nécessaire, au regard du principe d’égalité de traitement par le service public et d’accès universel et gratuit à ce dernier.
En effet, il est inconcevable qu’une partie non négligeable de la population soit exclue de ces sources d’information et de services que sont les sites internet de l’administration.
Pour autant, d’autres injustices perdurent, en matière d’accessibilité des logiciels professionnels ou d’utilisation d’intranet et d’extranet. En effet, la loi de 2005 prévoit l’inclusion des personnes en situation de handicap à l’école ou dans la sphère professionnelle. Or, ces principes, pour ne pas rester incantatoires, doivent être mis en œuvre sur le plan opérationnel. Cela passe notamment par la mise en accessibilité des outils de travail, notamment les logiciels.
Une directive européenne devrait bientôt imposer la mise en accessibilité des produits et services. En attendant, nous considérons qu’il serait opportun de prendre l’initiative à l’occasion de l’examen de ce projet de loi. La mise en accessibilité des applications mobiles serait à cet égard un premier pas. En effet, ces applications, qui se développent et deviennent un pan important de l’économie, ne doivent pas d’emblée exclure les personnes en situation de handicap. Il n’est pas logique que l’article 44 prévoie de rendre accessible le site internet des impôts, mais pas l’application impots.gouv.
Nous proposons, par cet amendement, de mieux prendre en compte l’évolution des techniques et des pratiques en rendant accessibles les logiciels professionnels et les applications numériques, à tout le moins ceux des administrations publiques. Il est à noter que cela devra nécessairement s’accompagner d’une meilleure prise en compte de l’accessibilité dans la formation des développeurs de sites, logiciels et applications.
La commission considère que ces deux amendements, qui visent à étendre l’obligation d’accessibilité numérique aux applications et progiciels, sont en partie satisfaits par les amendements identiques n° 379 rectifié bis et 619. Elle en demande donc le retrait.
Le Gouvernement demande également le retrait de ces amendements, puisque l’amendement n° 619 a pour objet l’extension de l’obligation d’accessibilité aux applications mobiles et aux progiciels.
J’ai souhaité imposer l’accessibilité de tout type d’information sous forme numérique, quels que soient les moyens d’accès, les contenus et le mode de consultation. J’ajoute qu’il est très important de travailler sur les normes pour les adapter aux dispositifs mobiles ; c’est ce que fait actuellement la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication de l’État.
On dit nos téléphones intelligents. Certains le sont : la fonction « paramètres » peut permettre d’accéder à une vocalisation du contenu. Cependant, il faut maintenant travailler sur les normes, pour que les contenus issus d’applications tierces soient interopérables et largement accessibles.
Non, je vais le retirer, madame la présidente. L’amendement n° 619 est très complet et reprend beaucoup des dispositions que nous souhaitons introduire.
Cela étant, il faut bien avoir conscience de l’importance de cette adaptation. Nous discuterons prochainement du projet de loi sur le travail. Le travail des personnes handicapées est une question essentielle. Certaines personnes deviennent handicapées et sont alors déclarées inaptes au travail. Or, si une attention particulière était portée à l’adaptation de leur poste de travail, avec le recours à des applications spécifiques, elles pourraient rester dans la vie active. Ainsi, ces personnes conserveraient leur dignité et les entreprises éviteraient la perte de compétences.
C’est pourquoi ces amendements ont une portée sociétale et économique, au-delà du seul cas des personnes handicapées. La société inclusive que nous appelons de nos vœux doit être bâtie chaque jour.
Je retire l’amendement.
L'amendement n° 257 est retiré.
Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 481 est-il maintenu ?
Non, je le retire, madame la présidente, en appuyant résolument l’argumentation de Dominique Gillot.
L'amendement n° 481 est retiré.
Mes chers collègues, je tiens à appeler votre attention sur le fait qu’il reste 341 amendements à examiner. Le sujet est certes important, mais peut-être faudrait-il faire un effort de synthèse…
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 379 rectifié bis est présenté par Mme D. Gillot, M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 619 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et vise notamment les sites internet, intranet, extranet, applications mobiles, progiciels et mobilier urbain numérique
II.- Alinéa 4
Compléter cette phrase par les mots :
et dont la durée ne peut être supérieure à trois ans
III. - Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce décret définit les modalités de formation des personnels intervenant sur les services de communication publique en ligne.
IV. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 6 sexies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces aménagements incluent notamment celui de tous les outils numériques concourant à l’accomplissement de la mission des agents, notamment les logiciels métiers et de bureautique ainsi que les appareils mobiles. Ils concernent tout agent de la fonction publique, quels que soient sa position et son statut. »
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter l’amendement n° 379 rectifié bis.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 619.
Il s’agit de prévoir l’ajout d’une mention visible sur les sites, afin de responsabiliser les acteurs et surtout de s’assurer de la mise en œuvre des obligations contenues dans la loi de 2005. En effet, nous introduisons un schéma pluriannuel de mise en accessibilité et mettons l’accent sur la formation et sur l’environnement de travail.
En substance, l’adoption de cet amendement permettra de répondre à l’ensemble des préoccupations qui ont été exprimées dans cet hémicycle.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 379 rectifié bis et 619.
Les amendements sont adoptés.
L'amendement n° 258, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier, Conway-Mouret et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
mission de service public
insérer les mots :
, des services de communication des entreprises bénéficiant d’un financement public et des entreprises fournissant des services d’intérêt général
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Il s’agit d’étendre l’obligation d’accessibilité numérique aux sites internet des entreprises bénéficiant d’un financement public et des entreprises fournissant des services d’intérêt général.
Le numérique, désormais omniprésent, devrait offrir aux personnes avec handicap la possibilité d’effectuer, à l’instar de la population « valide », des tâches courantes, telles que réaliser des démarches administratives, faire des achats en ligne, consulter une messagerie, préparer un voyage ou consulter des ressources documentaires en ligne. Encore faut-il que ces contenus numériques leur soient accessibles.
Certaines entreprises se rendent compte qu’il y a là un potentiel de clientèle intéressant, mais ce n’est pas le cas de toutes, d’où la formation de poches d’exclusion.
La résolution de 2002 du Parlement européen et la communication de 2008 de la Commission européenne prévoyaient non seulement d’établir l’accessibilité des sites web privés, en commençant par ceux qui bénéficient d’un financement public, « dès que possible », mais aussi d’encourager « les prestataires de services non publics, en particulier les propriétaires de sites web fournissant des services d’intérêt général et les fournisseurs de sites web commerciaux » à améliorer l’accessibilité des contenus.
Nous sommes en 2016 : force est de constater qu’un retard considérable a été pris dans la mise en accessibilité numérique !
Les administrations et services publics doivent être exemplaires, mais ils ne doivent pas être les seuls concernés par l’accessibilité numérique : celle-ci doit être universelle. Le secteur privé doit lui aussi tenir compte des millions d’utilisateurs et de clients potentiels en situation permanente ou temporaire de handicap, d’autant que l’accessibilité ouvre de nouveaux usages. C’est un facteur d’innovation formidable pour les entreprises du secteur privé, qui peuvent se développer sur de nouveaux marchés, conquérir une nouvelle clientèle.
Si nos sites web sont en retard, c’est que, malgré les recommandations internationales, une véritable réglementation relative à l’accessibilité numérique du secteur privé n’a pas été élaborée. Ce texte nous en donne l’occasion.
L'amendement n° 259, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
service public
insérer les mots :
et des établissements bancaires
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° 260, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline et Guillaume, Mmes Campion, Schillinger, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Remplacer le montant :
par le montant :
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Les usagers des équipements numériques constatent que l’accessibilité n’est pas universelle. Les pénalités prévues, d’un montant de 5 000 euros au maximum, ne sont nullement suffisantes. Il conviendrait donc de les alourdir. Cela étant, cet amendement n’ayant guère d’avenir, je le retire dès à présent.
L'amendement n° 260 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 258 ?
Cet amendement vise à étendre l’obligation d’accessibilité aux sites internet des entreprises bénéficiant d’un financement public et des entreprises fournissant des services d’intérêt général. Faute de disposer d’éléments d’appréciation sur la pertinence d’une telle extension, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je voudrais que, dans cet hémicycle, on se rende compte que l’on ne peut pas traiter le problème de cette manière, en s’en remettant à une circulaire à venir et en refusant de contraindre les entreprises : des millions de nos concitoyens attendent une prise de position forte du Parlement et du Gouvernement.
Je déplore qu’une impatience s’exprime lorsque l’on évoque un peu longuement ces sujets, qui concernent pourtant des millions de citoyens dans l’attente d’une amélioration de leur vie quotidienne.
Par conséquent, je maintiens cet amendement.
Madame la sénatrice, votre préoccupation est tout à fait légitime, et si vous avez senti s’exprimer de l’impatience, j’en suis sincèrement désolée.
Sur cet amendement, ma réponse est la même que celle que j’ai faite à propos de l’extension de l’obligation d’accessibilité au secteur privé de manière générale. L’adopter reviendrait à faire peser des obligations sur les seules entreprises françaises, alors même que nous sommes très actifs sur ce sujet à Bruxelles. L’idée est d’instaurer les mêmes règles pour les vingt-huit pays de l’Union européenne.
Je vise uniquement les entreprises bénéficiant d’un financement public !
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Milon, Calvet, Laufoaulu, Huré, Laménie et Lefèvre, Mme Duchêne, M. Savin, Mme Gruny, MM. G. Bailly, Pellevat, Gremillet, Chasseing, Charon, Lemoyne et Houel et Mme Deroche, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 44, modifié.
L'article 44 est adopté.
L'amendement n° 601, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 146-4 est supprimé ;
2° L’article L. 241-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-3. - I. - La carte mobilité inclusion destinée aux personnes physiques est délivrée par le président du conseil départemental au vu de l’appréciation mentionnée au 3° du I de l’article L. 241-6 de la commission mentionnée à l'article L. 146-9. Elle peut comprendre une ou plusieurs des mentions suivantes, chacune à titre définitif ou pour une durée déterminée :
« 1° La mention “invalidité” est attribuée à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est au moins de 80 % ou qui a été classée en 3e catégorie de la pension d'invalidité de la sécurité sociale.
« Cette mention permet notamment d'obtenir une priorité d'accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d'attente ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillant du public, tant pour son titulaire que pour la personne qui l'accompagne dans ses déplacements. Elle permet également d'obtenir une priorité dans les files d'attente. Cette disposition doit être rappelée par un affichage clair et visible dans les lieux dans lesquels ce droit s'exerce.
« Ces dispositions sont applicables aux Français établis hors de France ;
« 2° La mention “priorité” est attribuée à toute personne atteinte d'une incapacité inférieure à 80 % rendant la station debout pénible.
« Elle permet d'obtenir une priorité d'accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d'attente ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillant du public. Elle permet également d'obtenir une priorité dans les files d'attente ;
« 3° La mention “stationnement” pour personnes handicapées est attribuée à toute personne, atteinte d'un handicap qui réduit de manière importante et durable sa capacité et son autonomie de déplacement à pied ou qui impose qu'elle soit accompagnée par une tierce personne dans ses déplacements.
« Les organismes utilisant un véhicule destiné au transport collectif des personnes handicapées peuvent recevoir la carte mobilité inclusion avec la mention stationnement par le préfet.
« La mention “stationnement” pour personnes handicapées permet à son titulaire ou à la tierce personne l'accompagnant d'utiliser, à titre gratuit et sans limitation de la durée de stationnement, toutes les places de stationnement ouvertes au public. Toutefois, les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement peuvent fixer une durée maximale de stationnement qui ne peut être inférieure à douze heures. Cette mention permet, dans les mêmes conditions, de bénéficier des autres dispositions qui peuvent être prises en faveur des personnes handicapées par les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement.
« Les mêmes autorités peuvent également prévoir que, pour les parcs de stationnement disposant de bornes d'entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule, les titulaires de cette mention sont soumis au paiement de la redevance de stationnement en vigueur.
« II. – Par dérogation, les mentions “invalidité” et “stationnement” de la carte mobilité inclusion sont délivrées à titre définitif aux demandeurs et aux bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L.232-1 classés dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale mentionnée à l'article L. 232-2, au vu de la seule décision d'attribution de l'allocation.
« III. – Par dérogation, pour les personnes relevant du code des pensions militaires d'invalidité et de victimes de la guerre qui remplissent les conditions mentionnées au 3° du I du présent article, le représentant de l'État dans le département délivre une carte de stationnement après instruction par le service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre de leur lieu de résidence.
« IV. – Les démarches de demande initiale et de duplicata de la carte mobilité inclusion peuvent être effectuées par voie dématérialisée.
« V. – Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, notamment les modalités de protection des données personnelles et de sécurisation de la carte. »
3° Les articles L. 241-3-1 et L. 241-3-2 sont abrogés ;
4° Le a du 3° du I de l’article L. 241-6 est ainsi modifié :
a) Les mots : « la carte d'invalidité et de la carte portant la mention : “Priorité pour personne handicapée” prévues respectivement aux articles L. 241-3 et L. 241-3-1 du présent code » sont remplacés par les mots : « la carte mobilité inclusion prévue à l’article L. 241-3 » ;
b) Les mots : « la carte d'invalidité, à l'exception de celle demandée par le bénéficiaire de l'allocation mentionnée à l'article L. 232-1 et classé dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale prévue à l'article L. 232-2, et de la carte portant la mention : “Priorité pour personne handicapée” prévues respectivement aux articles L. 241-3 et L. 241-3-1 du présent code » sont remplacés par les mots : « la carte mobilité inclusion prévue à l’article L. 241-3 ».
IV. – Au 3° de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « carte de stationnement » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention stationnement ».
V. – Au III de l’article 150 U, à la onzième ligne de la première colonne du tableau constituant le deuxième alinéa du 1 de l’article 168, au d bis du 1 et au 2 de l’article 195, à l’article 196 A bis, au a du I de l’article 244 quater J, au b du I de l’article 1011 bis, à l'avant-dernier alinéa du 2° du I de l’article 1011 ter et au 4° du 3 bis du II de l’article 1411 du code général des impôts, les mots : « carte d’invalidité » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité ».
VI. – A la fin du second alinéa de l’article L. 4321-3 du code de la santé publique, les mots : « carte d'invalidité prévue par l'article 173 du code de la famille et de l'aide sociale » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité prévue à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles ».
VII. – Au 10° de l’article L. 5212-13 du code du travail, les mots : « carte d’invalidité » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité ».
VIII. – Les cartes délivrées antérieurement à l’entrée en vigueur du présent article demeurent valables jusqu’à leur date d’expiration, sauf en cas de demande d’une carte mobilité inclusion avant cette date.
IX. - Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2017, à l’exception du III de l’article L. 241-3 nouveau, dans sa rédaction issue du 2° du I, qui entre en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, trois ans après la promulgation de la présente loi.
Les demandes de carte en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du présent article, donnent lieu à la délivrance de la carte mobilité inclusion.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Je remercie Axelle Lemaire de me donner l’occasion de présenter cet amendement, qui est le fruit d’un travail collectif. Cela souligne le caractère transversal, interministériel de la politique du handicap que nous menons, des dispositions concernant le handicap étant insérées dans à peu près tous les textes que présente le Gouvernement.
Il s’agit, par cet amendement, de créer une nouvelle carte « mobilité inclusion », dont voici un prototype. §Comme vous le voyez, elle a le format d’une carte de crédit. Cette nouvelle carte en remplacerait trois : la carte de priorité, la carte d’invalidité et la carte de stationnement, qui ont des formats papier, à peu près doubles de celui de la nouvelle carte. Ce sont les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui les attribuent ou pas, en fonction de la nature du handicap et des besoins de la personne. Cela représente une part importante du travail des maisons départementales des personnes handicapées : en 2014, près de 900 000 cartes ont été distribuées, et de 20 % à 30 % des demandes adressées aux MDPH ont trait à leur attribution. Le délai moyen pour obtenir ces cartes est de quatre mois ; c’est long pour les personnes concernées, très lourd pour les MDPH. Ceux d’entre vous qui exercent des fonctions électives à l’échelon départemental le savent très bien.
De surcroît, ce système est très artisanal : les cartes sont fabriquées sur papier par les MDPH, grâce à des machines à œillets, avec insertion de la photo du bénéficiaire… Cela prend un temps considérable aux agents de ces structures.
Lors de la conférence nationale du handicap du 11 décembre 2014, le Président de la République avait annoncé une mesure de simplification : la voilà. Elle a bien sûr été élaborée avec l’ensemble des parties prenantes, à savoir l’Assemblée des départements de France, les directeurs des MDPH, les associations représentatives des personnes handicapées.
Cet amendement prévoit d’externaliser la fabrication de ces cartes, en la confiant au groupe Imprimerie nationale, qui a une expérience reconnue en la matière, puisque c’est lui qui fabrique les cartes nationales d’identité.
Pour passer d’une fabrication artisanale dans les MDPH à une fabrication numérisée par le groupe Imprimerie nationale, il faut modifier la loi.
Mme Dominique Gillot s’étonne.
En ce qui concerne les cartes de stationnement, elles ne sont pas toujours fabriquées dans les MDPH. Dans vingt-trois départements, elles le sont par les services de l’État, à savoir les directions départementales de la cohésion sociale. Dans les deux cas, cela reste un travail très artisanal. Jusqu’à présent, c’est le président de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, la CDAPH, qui signe la carte de priorité et la carte d’invalidité pour l’officialiser, et c’est le préfet qui signe la carte de stationnement.
Nous proposons, par mesure de simplification, que toutes les cartes soient signées par le président ou la présidente du conseil départemental, à l’exception des cartes de stationnement attribuées pour un véhicule de transport collectif de personnes, qui continueront à relever de la signature du préfet. Une autre dérogation concerne les cartes délivrées par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui ne souhaite pas, pour l’instant, participer à ce dispositif.
Je terminerai en vous priant de m’excuser d’avoir à rectifier cet amendement en séance, afin de ne conserver, à la première phrase du IX, que les mots : « Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2017. »
Par ailleurs, l’exposé des motifs contient une inexactitude. En effet, la gestion de la délivrance et du cycle de vie de la carte par téléservice par le groupe Imprimerie nationale n’a rien à voir avec l’achèvement du système d’information des MDPH, l’Imprimerie nationale disposant déjà d’un système clients géré par téléservice pour les autres formes de cartes. Cette structure sera donc tout à fait en mesure de traiter directement les dossiers.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 601 rectifié, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
Après l’article 44
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 146-4 est supprimé ;
2° L’article L. 241-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-3. - I. - La carte mobilité inclusion destinée aux personnes physiques est délivrée par le président du conseil départemental au vu de l’appréciation mentionnée au 3° du I de l’article L. 241-6 de la commission mentionnée à l'article L. 146-9. Elle peut comprendre une ou plusieurs des mentions suivantes, chacune à titre définitif ou pour une durée déterminée :
« 1° La mention “invalidité” est attribuée à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est au moins de 80 % ou qui a été classée en 3e catégorie de la pension d'invalidité de la sécurité sociale.
« Cette mention permet notamment d'obtenir une priorité d'accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d'attente ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillant du public, tant pour son titulaire que pour la personne qui l'accompagne dans ses déplacements. Elle permet également d'obtenir une priorité dans les files d'attente. Cette disposition doit être rappelée par un affichage clair et visible dans les lieux dans lesquels ce droit s'exerce.
« Ces dispositions sont applicables aux Français établis hors de France ;
« 2° La mention “priorité” est attribuée à toute personne atteinte d'une incapacité inférieure à 80 % rendant la station debout pénible.
« Elle permet d'obtenir une priorité d'accès aux places assises dans les transports en commun, dans les espaces et salles d'attente ainsi que dans les établissements et les manifestations accueillant du public. Elle permet également d'obtenir une priorité dans les files d'attente ;
« 3° La mention “stationnement” pour personnes handicapées est attribuée à toute personne, atteinte d'un handicap qui réduit de manière importante et durable sa capacité et son autonomie de déplacement à pied ou qui impose qu'elle soit accompagnée par une tierce personne dans ses déplacements.
« Les organismes utilisant un véhicule destiné au transport collectif des personnes handicapées peuvent recevoir la carte mobilité inclusion avec la mention stationnement par le préfet.
« La mention “stationnement” pour personnes handicapées permet à son titulaire ou à la tierce personne l'accompagnant d'utiliser, à titre gratuit et sans limitation de la durée de stationnement, toutes les places de stationnement ouvertes au public. Toutefois, les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement peuvent fixer une durée maximale de stationnement qui ne peut être inférieure à douze heures. Cette mention permet, dans les mêmes conditions, de bénéficier des autres dispositions qui peuvent être prises en faveur des personnes handicapées par les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement.
« Les mêmes autorités peuvent également prévoir que, pour les parcs de stationnement disposant de bornes d'entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule, les titulaires de cette mention sont soumis au paiement de la redevance de stationnement en vigueur.
« II. – Par dérogation, les mentions “invalidité” et “stationnement” de la carte mobilité inclusion sont délivrées à titre définitif aux demandeurs et aux bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L.232-1 classés dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale mentionnée à l'article L. 232-2, au vu de la seule décision d'attribution de l'allocation.
« III. – Par dérogation, pour les personnes relevant du code des pensions militaires d'invalidité et de victimes de la guerre qui remplissent les conditions mentionnées au 3° du I du présent article, le représentant de l'État dans le département délivre une carte de stationnement après instruction par le service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre de leur lieu de résidence.
« IV. – Les démarches de demande initiale et de duplicata de la carte mobilité inclusion peuvent être effectuées par voie dématérialisée.
« V. – Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, notamment les modalités de protection des données personnelles et de sécurisation de la carte. »
3° Les articles L. 241-3-1 et L. 241-3-2 sont abrogés ;
4° Le a du 3° du I de l’article L. 241-6 est ainsi modifié :
a) Les mots : « la carte d'invalidité et de la carte portant la mention : “Priorité pour personne handicapée” prévues respectivement aux articles L. 241-3 et L. 241-3-1 du présent code » sont remplacés par les mots : « la carte mobilité inclusion prévue à l’article L. 241-3 » ;
b) Les mots : « la carte d'invalidité, à l'exception de celle demandée par le bénéficiaire de l'allocation mentionnée à l'article L. 232-1 et classé dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale prévue à l'article L. 232-2, et de la carte portant la mention : “Priorité pour personne handicapée” prévues respectivement aux articles L. 241-3 et L. 241-3-1 du présent code » sont remplacés par les mots : « la carte mobilité inclusion prévue à l’article L. 241-3 ».
IV. – Au 3° de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « carte de stationnement » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention stationnement ».
V. – Au III de l’article 150 U, à la onzième ligne de la première colonne du tableau constituant le deuxième alinéa du 1 de l’article 168, au d bis du 1 et au 2 de l’article 195, à l’article 196 A bis, au a du I de l’article 244 quater J, au b du I de l’article 1011 bis, à l'avant-dernier alinéa du 2° du I de l’article 1011 ter et au 4° du 3 bis du II de l’article 1411 du code général des impôts, les mots : « carte d’invalidité » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité ».
VI. – A la fin du second alinéa de l’article L. 4321-3 du code de la santé publique, les mots : « carte d'invalidité prévue par l'article 173 du code de la famille et de l'aide sociale » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité prévue à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles ».
VII. – Au 10° de l’article L. 5212-13 du code du travail, les mots : « carte d’invalidité » sont remplacés par les mots : « carte mobilité inclusion avec la mention invalidité ».
VIII. – Les cartes délivrées antérieurement à l’entrée en vigueur du présent article demeurent valables jusqu’à leur date d’expiration, sauf en cas de demande d’une carte mobilité inclusion avant cette date.
IX. - Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2017.
Les demandes de carte en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur du présent article, donnent lieu à la délivrance de la carte mobilité inclusion.
Le sous-amendement n° 658 rectifié, présenté par MM. Huré, Savary, Vasselle, G. Bailly et Sido et Mmes Deroche et Deromedi, est ainsi libellé :
Amendement n° 601 rectifié
Après l’alinéa 15
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Par dérogation, le président du conseil départemental :
« 1° Attribue les mentions “stationnement” et “invalidité” sur simple demande aux bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 et classés dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale mentionnée à l’article L. 232-2 ;
« 2° Attribue, sur proposition de l’équipe médico-sociale mentionnée à l’article L. 232-6 qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions stationnement et priorité aux personnes ayant formulé une demande pour bénéficier de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 ;
« 3° Attribue, sur proposition du service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions “stationnement” et “priorité” aux personnes ayant déposé une demande auprès de ce service.
« En cas d’avis contradictoires, celui formulé par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 prévaut.
Il s’agit bien du sous-amendement n° 658 rectifié, le gage ayant été supprimé à la demande de la commission des finances.
La parole est à M. Bruno Sido, pour le présenter.
Ce sous-amendement vise à étendre le dispositif de la carte « mobilité inclusion » aux personnes âgées. Cette disposition intéresse la rénovation de l’ensemble du système de production des titres – carte d’invalidité, de priorité et de stationnement – en faveur tant des personnes en situation de handicap que des personnes âgées dépendantes.
Dans cette perspective, le président du conseil départemental, chef de file des politiques de l’autonomie, a la légitimité nécessaire pour superviser l’ensemble du processus et, par voie de conséquence, attribuer les titres, dans un cadre simplifié, modernisé et sécurisé.
Le sous-amendement n° 668 rectifié bis, présenté par Mmes Canayer et Deroche et MM. Dallier, Pellevat et Mouiller, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Par dérogation, le président du conseil départemental peut délivrer les mentions “priorité” et “stationnement” de la carte mobilité inclusion aux demandeurs et bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L. 232-1, au vu de l’appréciation de l’équipe médico-sociale mentionnée à l’article L. 232-6. »
II. – Alinéa 19
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que des modalités spécifiques d’instruction et d’attribution de la carte mobilité inclusion pour les bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L. 232-1
La parole est à M. Philippe Dallier.
Ce sous-amendement vise à introduire une simplification. En vue d’alléger la charge de travail des MDPH, il est proposé que le président du conseil département puisse directement délivrer les mentions « priorité » et « stationnement » pour la carte « mobilité inclusion » des attributaires de l’APA, car ceux-ci sont déjà passés devant une commission et ont donc déjà fait l’objet d’une évaluation.
Le sous-amendement n° 670, présenté par M. Camani, est ainsi libellé :
Amendement n° 601
Après l’alinéa 15
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
« … – Par dérogation, le président du conseil départemental :
« 1° Attribue les mentions “stationnement” et “invalidité” sur simple demande aux bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 et classés dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale mentionnée à l’article L. 232-2 ;
« 2° Attribue, sur proposition de l’équipe médico-sociale mentionnée à l’article L. 232-6 qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions stationnement et priorité aux personnes ayant formulé une demande pour bénéficier de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 ;
« 3° Attribue, sur proposition du service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions “stationnement” et “priorité” aux personnes ayant déposé une demande auprès de ce service.
« En cas d’avis contradictoires, celui formulé par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 prévaut.
« … – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, et notamment les modalités de transmission d’informations entre le conseil départemental, la maison départementale des personnes handicapées et l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
La parole est à M. Pierre Camani.
Ce sous-amendement vise à étendre le dispositif de la carte « mobilité inclusion » aux personnes âgées dépendantes.
En conséquence, son dispositif intéresse la rénovation de l’ensemble du système de production des titres – cartes invalidité, priorité et stationnement – en faveur tant des personnes en situation de handicap que des personnes âgées dépendantes.
Dans cette perspective, le président du conseil départemental, chef de file des politiques de l’autonomie, est légitime pour superviser l’ensemble du processus et, par voie de conséquence, attribuer les titres, dans un cadre simplifié, modernisé et sécurisé.
Un tel dispositif permettrait d’améliorer de manière sensible la qualité du service rendu aux demandeurs. Par ailleurs, la mise en place de cette carte « mobilité inclusion », s’appuyant sur le numérique et la dématérialisation permise par celui-ci, permettrait d’alléger la charge de travail des maisons départementales des personnes handicapées et des services départementaux dédiés aux personnes âgées.
La commission est favorable à l’amendement n° 601 rectifié du Gouvernement, qui vise à créer une carte « mobilité inclusion » personnelle et sécurisée, destinée à remplacer progressivement les actuelles cartes de priorité, d’invalidité et de stationnement.
Les conditions d’attribution demeureront inchangées. La nouvelle carte pourra être obtenue par voie dématérialisée. Sa fabrication, confiée à l’Imprimerie nationale, sera beaucoup plus rapide. Elle sera désormais signée par le président du conseil départemental, après avis de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, sauf pour les personnes relevant du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre et pour les véhicules de transport de personnes handicapées. Enfin, une application permettra de vérifier la validité de la carte et, dès lors, de lutter contre la fraude.
La commission n’a pu se prononcer sur les sous-amendements n° 658 rectifiéet 668 rectifié bis. À titre personnel, j’émets un avis favorable sur le sous-amendement n° 668 rectifié bis, dont l’adoption permettrait d’éviter de soumettre les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie à une deuxième évaluation par une équipe médicale lorsqu’ils solliciteront une carte « mobilité inclusion ».
Je souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 658 rectifié et 670, qui tendent quant à eux à étendre cette dérogation aux personnes ayant déposé une demande d’allocation auprès de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et à supprimer le renvoi à un décret pour fixer les modalités d’instruction et d’attribution de la carte « mobilité inclusion ».
L’objet de ces trois sous-amendements est d’étendre le bénéfice de la carte « mobilité inclusion » aux personnes âgées bénéficiaires de l’APA, sachant que la délivrance des cartes actuelles est déjà automatique pour les personnes les plus dépendantes, relevant des GIR 1 et GIR 2.
Le Gouvernement est évidemment favorable à cette extension, à la condition qu’une concertation ait lieu avec l’ensemble des parties concernées. Les dispositions dont nous discutons concernant au premier chef les conseils départementaux, il est important que les représentants des départements soient consultés, ainsi que ceux de l’ONACVG, également visé.
La rédaction du sous-amendement n° 668 rectifié bis laisse plus de latitude aux présidents de conseil départemental, dans la mesure il tend à prévoir que le conseil départemental « peut attribuer » les mentions « priorité » et « stationnement » de la carte « mobilité inclusion », alors que les deux autres sous-amendements prévoient qu’il « attribue » ces mentions.
Pour cette raison, le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 668 rectifié bis et sollicite le retrait des sous-amendements n° 658 rectifié et 670 ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Je suis disposé à rectifier mon sous-amendement, afin de prévoir que le président du conseil départemental « peut attribuer » les mentions visées.
Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 658 rectifié bis, présenté par MM. Huré, Savary, Vasselle, G. Bailly et Sido et Mmes Deroche et Deromedi, et ainsi libellé :
Amendement n° 601 rectifié
Après l’alinéa 15
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Par dérogation, le président du conseil départemental :
« 1° Peut attribuer les mentions “stationnement” et “invalidité” sur simple demande aux bénéficiaires de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 et classés dans le groupe 1 ou 2 de la grille nationale mentionnée à l’article L. 232-2 ;
« 2° Peut attribuer, sur proposition de l’équipe médico-sociale mentionnée à l’article L. 232-6 qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions stationnement et priorité aux personnes ayant formulé une demande pour bénéficier de l’allocation prévue à l’article L. 232-1 ;
« 3° Peut attribuer, sur proposition du service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui apprécie le respect des conditions posées au I, les mentions “stationnement” et “priorité” aux personnes ayant déposé une demande auprès de ce service.
« En cas d’avis contradictoires, celui formulé par la commission mentionnée à l’article L. 146-9 prévaut.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Le 3° de ce sous-amendement pose problème, dans la mesure où, pour le moment, l’ONACVG ne souhaite pas participer au dispositif.
Si vous acceptiez de rectifier à nouveau votre sous-amendement, monsieur Sido, en en supprimant le 3°, sa rédaction deviendrait presque identique à celle du sous-amendement n° 668 rectifié bis…
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin que vous puissiez vous mettre d’accord sur une rédaction commune.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.
Je vous remercie de cette suspension de séance, madame la présidente, qui nous a permis de nous expliquer avec Mme la secrétaire d’État. Le maintien de notre sous-amendement ne se justifie pas, car il se révèle redondant.
J’indique par ailleurs que je regrette que l’ONACVG ne s’associe pas au dispositif. Un autre véhicule législatif sera nécessaire pour que les anciens combattants puissent, eux aussi, bénéficier de cette nouvelle carte.
Je retire le sous-amendement n° 658 rectifié bis.
Le sous-amendement n° 658 rectifié bis est retiré.
Monsieur Camani, le sous-amendement n° 670 est-il maintenu ?
Le sous-amendement n° 670 est retiré.
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 668 rectifié bis.
Je tiens à saluer la mise en place d’un outil extrêmement moderne au bénéfice des personnes handicapées. Je me félicite en outre de l’évolution de l’intitulé de la carte : passer d’une carte d’invalidité à une carte « mobilité inclusion » est emblématique d’un profond changement d’approche.
C’est vers l’inclusion que nous voulons tendre. Je vous remercie, mesdames les secrétaires d’État, d’avoir consacré du temps aux personnes en situation de handicap, qui ont des besoins spécifiques et le goût de vivre avec les autres.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 44.
Je constate que cet amendement, comme le sous-amendement, a été adopté à l’unanimité des présents.
Applaudissements.
priorité
(Non modifié)
I. – L’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « et de services téléphoniques dans son logement » sont remplacés par les mots : « d’un service de téléphonie fixe et d’un service d’accès à internet » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie et d’eau, un service téléphonique et un service d’accès à internet sont maintenus jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide. Le service téléphonique maintenu peut être restreint par l’opérateur, sous réserve de préserver la possibilité de recevoir des appels ainsi que de passer des communications locales et vers les numéros gratuits et d’urgence. Le débit du service d’accès à internet maintenu peut être restreint par l’opérateur, sous réserve de préserver un accès fonctionnel aux services de communication au public en ligne et aux services de courrier électronique. » ;
3° À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « gaz », sont insérés les mots : « d’un service de téléphonie fixe ou d’un service d’accès à internet ».
II. – La loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du troisième alinéa de l’article 6, les mots : « et de téléphone » sont remplacés par les mots : «, de téléphone et d’accès à internet » ;
2° Au dernier alinéa de l’article 6-1, les mots : « ou de services téléphoniques » sont remplacés par les mots : «, de services téléphoniques ou de services d’accès à internet » ;
3° Au deuxième alinéa de l’article 6-3, après le mot : « eau », sont insérés les mots : « ou de services téléphoniques ou d’accès à internet ».
L’article 45 prévoit le maintien temporaire de la connexion internet pour les personnes les plus démunies en cas de non-paiement de leurs factures. Il traduit l’importance que revêt l’accès à internet aujourd’hui dans la vie quotidienne et pour l’exercice des droits et des libertés de chacun.
Il s’agit d’un article très important de ce projet de loi. Internet est aujourd’hui devenu indispensable pour communiquer, s’informer, travailler ou chercher du travail, accomplir des actes administratifs. En conséquence, les foyers les plus fragiles financièrement doivent pouvoir y avoir accès, fût-ce de manière minimale, s’ils ne parviennent pas à payer leurs factures.
Je rappelle que l’accès à internet a été reconnu comme un droit fondamental par l’ONU en 2012. En outre, le Conseil d’État a estimé que le maintien de l’accès à internet, qui se rattache au principe constitutionnel de la liberté de communication, constituait un motif d’intérêt général. En effet, l’accès à internet est désormais indispensable pour effectuer de nombreuses démarches administratives. Bientôt, internet sera même nécessaire pour communiquer avec les services chargés de la distribution de l’électricité, de l’eau ou du gaz, car les correspondants téléphoniques se raréfient : on tombe désormais le plus souvent sur des serveurs vocaux renvoyant vers des sites internet.
Ces exemples montrent que, de nos jours, l’accès au numérique est essentiel, à l’instar de l’accès à l’eau, à l’électricité, au gaz ou à la téléphonie fixe.
Le dispositif de l’article 45 permettra d’imposer aux fournisseurs d’accès à internet de maintenir une connexion à internet fonctionnelle en cas de non-paiement des factures, à la condition toutefois qu’une demande d’aide ait été déposée auprès des services sociaux, plus particulièrement auprès du Fonds de solidarité. Bien évidemment, le maintien de l’accès à l’internet ne fait pas obstacle au recouvrement de leurs créances par les fournisseurs d’accès.
En bref, cette mesure visant à maintenir une connexion internet minimale pour les familles en difficulté est une belle avancée ; j’y souscris pleinement.
Cet article prévoit que les personnes rencontrant des difficultés financières pourront désormais bénéficier du maintien de leur connexion à internet, à l’instar de ce que ce qui se pratique en matière d’accès à l’électricité, au gaz et à la téléphonie.
Nous souscrivons évidemment à cet objectif et nous nous réjouissons de la présence de cet article dans le projet de loi. Nous regrettons toutefois que l’accès à internet ainsi maintenu soit restreint à « un accès fonctionnel aux services de communication au public en ligne et aux services de courrier électronique ». Cette définition nous paraît floue : qu’est-ce qu’un « accès fonctionnel » ? Si nous avions l’esprit polémique, nous dirions qu’il s’agit là d’une faveur accordée au lobby des télécoms…
Nous ne voudrions pas, madame la secrétaire d’État, que cette belle avancée serve de prétexte à la suppression de l’accueil physique des personnes dans les services publics. Je ne vous prête pas d’arrière-pensées à cet égard, mais je me saisis de cette occasion pour rappeler qu’internet ne peut se substituer à l’humain. L’exemple des centres des impôts est, de ce point de vue, assez éclairant. Dans nos départements, on nous explique que la disparition de l’accueil physique du public va être compensée par l’ouverture de maisons de services au public, mais ce n’est pas la même chose ! Nous ne pouvons pas accepter cet argument.
Nous regrettons vivement que la démocratisation de l’accès à internet soit instrumentalisée pour légitimer la casse des services publics. Lorsqu’une administration ferme un accueil physique du public, ce sont les personnes les plus fragiles, celles dont la situation est le plus complexe – en somme, les personnes que le présent article vise à protéger – qui en sont les premières victimes.
L'article 45 est adopté.
Nous revenons maintenant au cours normal de la discussion des articles.
TITRE II
LA PROTECTION DES DROITS DANS LA SOCIÉTÉ NUMÉRIQUE
Chapitre Ier
Environnement ouvert
Section 2
Portabilité et récupération des données
(Supprimé)
I. – Le livre II du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, est ainsi modifié :
1° La section 3 du chapitre IV du titre II est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4
« Récupération et portabilité des données
« Art. L. 224-42-1. – Le consommateur dispose en toutes circonstances d’un droit de récupération de l’ensemble de ses données dans les conditions prévues à la présente section.
« Paragraphe 1
« Services de courrier électronique
« Art. L. 224-42-2. – Tout fournisseur d’un service de courrier électronique qui comprend la mise à disposition d’une adresse de courrier électronique doit proposer une fonctionnalité gratuite permettant au consommateur de transférer l’ensemble des messages qu’il a émis ou reçus au moyen de ce service et qui sont conservés par un système de traitement automatisé mis en œuvre par ce fournisseur, ainsi que sa liste de contacts, vers un autre fournisseur de service de courrier électronique comprenant la mise à disposition d’une adresse de courrier électronique, dans la limite de la capacité de stockage de ce nouveau service.
« À cette fin, il ne peut refuser de fournir à cet autre fournisseur les informations nécessaires à la mise en place des fonctionnalités mentionnées au premier alinéa, notamment celles relatives à leurs règles techniques et aux standards applicables.
« Ce fournisseur informe le consommateur de manière loyale, claire et transparente du droit mentionné au premier alinéa.
« La résiliation ou la désactivation du service s’accompagnent d’une offre gratuite permettant au consommateur de continuer, pour une durée de six mois à compter de la date de résiliation ou de désactivation, à bénéficier des fonctions de réception et d’envoi de courrier électronique à partir de l’adresse électronique qui lui était initialement attribuée.
« Paragraphe 2
« Récupération des données stockées en ligne
« Art. L. 224-42-3. – Sans préjudice des dispositions protégeant le secret en matière commerciale et industrielle et des droits de propriété intellectuelle, tout fournisseur d’un service de communication au public en ligne propose au consommateur une fonctionnalité gratuite permettant la récupération :
« 1° De tous les fichiers mis en ligne par le consommateur ;
« 2° De toutes les données résultant de l’utilisation du compte d’utilisateur du consommateur et consultables en ligne par celui-ci, au moment de la demande ou antérieurement, à l’exception de celles ayant fait l’objet d’un enrichissement significatif par le fournisseur en cause. Ces données sont récupérées dans un standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine ;
« La fonctionnalité prévue au premier alinéa permet au consommateur de récupérer, par une requête unique, l’ensemble des fichiers ou données concernés. Le fournisseur prend toutes les mesures nécessaires à cette fin, en termes d’interface de programmation et de transmission des informations nécessaires au changement de fournisseur.
« Lorsque les données collectées auprès du consommateur ne peuvent pas être récupérées dans un standard ouvert et aisément réutilisable, le fournisseur de service de communication au public en ligne en informe le consommateur de façon claire et transparente. Le cas échéant, il l’informe des modalités alternatives de récupération de ces données et précise les caractéristiques techniques du format du fichier de récupération, notamment son caractère ouvert et interopérable. » ;
2° À l’article L. 242-20, après les mots : « qu’aux articles », sont insérés les mots : « L. 224-42-2 et L. 224-42-3 ».
II. – Le présent article entre en vigueur en même temps que la proposition 2012/0011/COD de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données).
Les amendements identiques n° 25 rectifié bis, présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, M. Lefèvre, Mme Lopez, M. Trillard, Mme Gruny et MM. Gremillet, Houel et Vasselle, et 288 rectifié, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller, ne sont pas soutenus.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 290 rectifié, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et de Legge, Mme Deroche et MM. Gournac, Laménie, Milon et Mouiller, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 584, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 6 à 13
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 14
Remplacer les mots :
Sans préjudice
par les mots :
Au-delà des dispositions de l’Union européenne relatives à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ainsi que
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
L’article 21 porte sur la portabilité des données. Le présent amendement a pour objet d’exclure du champ d’application des dispositions de cet article le contenu des messages liés à l’adresse électronique et les données à caractère personnel stockées en ligne.
Il s’agit de garantir l’articulation la plus exacte avec le règlement européen sur les données personnelles qui a été adopté tout récemment. Le Gouvernement s’était engagé à mener ce travail en étroite collaboration avec les services de la Commission européenne. C’est ce que nous avons fait, et je dois à cet égard souligner l’excellente qualité de notre collaboration avec les services de la commissaire à la justice, Věra Jourová.
Le champ de l’article 21 n’est pas limité aux données personnelles : la portabilité des données doit aussi concerner les données liées aux comptes des utilisateurs. Nous étendons donc le champ de la portabilité de la vie privée au droit de la consommation, donc au-delà des données personnelles.
Permettez-moi de vous donner un exemple très concret : les photos postées sur des sites ou sur des réseaux sociaux, dès lors qu’elles ne sont pas identifiantes, sont des données d’usage liées à un compte utilisateur.
En outre, un volet de l’article 21 a trait à la portabilité sectorielle, laquelle sera déterminée par la suite secteur par secteur, qu’il s’agisse par exemple des banques, des sociétés d’assurances ou de l’énergie. Cette mesure s’inspire largement d’une disposition équivalente insérée dans le droit britannique par une loi de 2013. La portabilité de ces données, comme celle des numéros de téléphone portable, constitue une garantie en matière de concurrence et de fluidité du marché. L’objectif est donc aussi d’ordre économique. Il s’agit de permettre aux nouveaux entrants de se faire une place sur un marché bien souvent occupé par de grandes entreprises.
Les amendements identiques n° 18 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Milon, Calvet, Laufoaulu, Huré, Laménie et Lefèvre, Mmes Duchêne et Gruny, MM. Pellevat, Rapin, Gremillet, Chasseing, Charon et Houel, Mme Deroche et M. Husson, et 289 rectifié bis, présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux et MM. de Legge, Gournac et Mouiller, ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 584 ?
Cet amendement est visiblement inspiré par le souci de ne pas contrevenir au futur règlement européen. Il tend à supprimer les dispositions relatives à la portabilité des messages et des carnets d’adresses des services de communications électroniques, et vise à prévoir que le droit à la portabilité s’exerce « au-delà des dispositions de l’Union européenne relatives à la protection des données personnelles ».
De deux choses l’une : soit l’on considère que notre pays peut imposer aux opérateurs la portabilité des données autres que personnelles, au nom de la protection du consommateur et afin de favoriser le changement d’opérateur, et dans ce cas il est inutile de multiplier les « sans préjudice » ou les « au-delà du droit de l’Union européenne » – c’est le parti qu’a pris la commission ; soit, au contraire, on craint que ce ne soit pas possible, et alors il faut supprimer l’article 21 en totalité. La commission des lois s’est prononcée contre les amendements de suppression de cet article…
Dans un cas comme dans l’autre, l’amendement du Gouvernement ne me paraît pas justifié. J’émets donc un avis défavorable.
Cet article est très important.
Ma première question sera peut-être un peu ingénue, mais elle me semble mériter d’être posée : dès lors que toute personne résidant en France peut accéder à un certain nombre de services dont les opérateurs sont localisés à l’étranger, à quels services l’obligation de portabilité va-t-elle s’appliquer ? S’agira-t-il de tous ceux dont les opérateurs sont localisés au sein de l’Union européenne ? L’obligation de portabilité vaudra-t-elle aussi pour les opérateurs australiens ou russes ? Si la France impose des exigences particulières à cet égard, certaines entreprises étrangères voudront-elles proposer leurs services dans notre pays ?
Le droit à la récupération des données personnelles, en particulier celles des messageries électroniques, est essentiel. D'ailleurs, le règlement adopté par l’Union européenne témoigne bien d’un souci d’éviter qu’aucun usager puisse être prisonnier d’un fournisseur de services de courrier électronique.
Par ailleurs, étendre la portabilité à d’autres données, telles que les données bancaires ou les commentaires laissés sur un site, comme le proposent le Gouvernement et la commission, est intéressant, mais non dénué de certains risques : cela ouvre à de nouveaux arrivants sur le marché la possibilité de bénéficier du travail de leurs prédécesseurs. On nous dira que ces derniers sont gros et puissants et qu’il faut privilégier les nouveaux entrants et l’innovation. Il est possible que ce soit justifié dans un certain nombre de cas, mais, je le répète, cela présente certains risques. Je présenterai tout à l'heure un amendement sur ce sujet.
Je souhaite répondre aux arguments qui ont été opposés à l’amendement du Gouvernement par M. le rapporteur, dans l’espoir de le convaincre.
Effectivement, on pourrait considérer que la mention, dans le texte, des données personnelles liées au contenu du courrier électronique n’emporte aucune conséquence, sinon celle de rendre le droit français un peu bavard, puisque cela revient à reprendre une partie du contenu du règlement européen, d’applicabilité immédiate.
Cependant, l’amendement du Gouvernement vise à apporter certaines précisions ayant fait l’objet d’un travail minutieux de concertation avec les services juridiques de la Commission européenne et visant justement à bien articuler le champ du règlement européen sur la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel avec celui du droit de la consommation, qui concerne les données des utilisateurs. Par conséquent, ne pas adopter cet amendement serait se priver de la possibilité de couvrir tout le champ des données de consommation.
Monsieur Leconte, vous craignez qu’il soit difficile de faire appliquer les nouvelles règles en matière de portabilité des données. Or, il s’agit de se situer sur le terrain du droit de la consommation, tant français qu’européen : le critère est celui du lieu du domicile du consommateur ; dès lors, quand celui-ci réside en France, c’est le droit français qui s’applique, comme l’a confirmé une jurisprudence récente de la cour d’appel de Paris, à propos d’un contentieux ayant opposé Facebook à un internaute qui avait mis en ligne une reproduction de L’Origine du monde, le célèbre tableau de Courbet.
Enfin, il n’y a pas de risque que des données soient transférées à une autre entreprise : c’est l’utilisateur qui les récupérera ; libre à lui, ensuite, d’en faire l’usage qu’il souhaite et de choisir, le cas échéant, de les stocker chez un autre fournisseur de services de communication en ligne.
Madame la secrétaire d'État, je dois vous dire que votre amendement est curieusement rédigé… Que signifie l’expression « au-delà des dispositions de l’Union européenne » ? Je comprends que votre intention est de faire référence au futur règlement de l’Union européenne, mais celui-ci, une fois adopté, s’imposera de lui-même ! Il n’est pas besoin d’y faire référence.
De plus, les termes « au-delà de » ne sont pas interprétables par un juge. Si les dispositions de l’Union européenne s’appliquent, il faut écrire « sans préjudice des » ; si elles ne s’appliquent pas, la rédaction appropriée est « par dérogation aux ».
Vraiment, je ne sais pas ce que les termes « au-delà de » signifient en droit, même si je vois bien ce que vous voudriez leur faire dire… Je ne veux nullement me montrer désagréable, mais nous ne sommes pas en train de rédiger un exposé des motifs ! Excusez-moi d’être aussi pesant, mais un texte de loi ne saurait être rédigé ainsi.
Nous sommes obligés de nous opposer à cet amendement, même si nous ne sommes pas en désaccord avec vous sur le fond.
Monsieur le président de la commission, j’apprécie la finesse de votre raisonnement juridique et j’entends tout à fait la critique que vous opposez à cet amendement.
À la vérité, l’expression « au-delà de » me paraît à moi-même assez intrigante… Je l’ai acceptée à la demande expresse des juristes de la Commission européenne.
Exclamations amusées.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Dès lors que vous me dites viser le même objectif que le Gouvernement sur le fond, nous pourrions peut-être nous accorder sur une rédaction plus douce à vos oreilles de juriste comme aux miennes, en écrivant « en sus des dispositions de l’Union européenne », sachant que nous devons faire référence au règlement européen
M. le président de la commission des lois marque son scepticisme.
Sans doute aurions-nous dû déposer deux amendements, tendant l’un à supprimer la référence aux données personnelles et l’autre à procéder aux ajouts demandés par la Commission européenne, mais, à ce stade, je vous demande d’accepter cette version rectifiée. Je m’engage à y revenir lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
En tout état de cause, il s'agit de s’assurer de l’applicabilité de la réglementation européenne sur les données personnelles, tout en allant au-delà, dans le champ du droit de la consommation, qui est plus large.
Si nous pouvions continuer à progresser vers l’articulation la plus juste possible, je vous en serais très reconnaissante. L’objectif est de mieux protéger les consommateurs et d’assurer une plus grande fluidité concurrentielle dans le secteur du numérique.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 584 rectifié, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
I. – Alinéas 6 à 13
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 14
Remplacer les mots :
Sans préjudice
par les mots :
Sous réserve de l'application des dispositions de l’Union européenne relatives à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, ainsi que
Quel est l’avis de la commission ?
À ce stade, la commission maintient son avis défavorable et propose que nous passions sans plus tarder au vote de l’amendement : nous aurons le temps d’approfondir la réflexion d’ici à la commission mixte paritaire.
Monsieur le président de la commission, je vous remercie de cet éclairage juridique très précis. Je me fais en direct l’écho d’un jeune qui suit nos débats : vous avez mis en évidence une difficulté, mais que proposez-vous pour la surmonter ? Pourquoi ne parvenons-nous pas, tous ensemble, à élaborer une solution ?
Avec ce texte, nous légiférons véritablement sur la place publique : montrons le meilleur de ce que nous sommes en mesure d’apporter ! J’insiste sur le côté atypique de l’examen de ce projet de loi, monsieur le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame Bouchoux, nous répondrons aux internautes sur internet ! Pour l’heure, nous sommes dans l’hémicycle du Sénat et, en tant que représentants de la Nation, nous écrivons la loi, seuls. Notre rôle n’est pas de le faire « en temps réel », pour reprendre une expression à la mode, avec les internautes.
Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président de la commission des lois, permettez-moi de vous faire observer que cette séance est publique.
Les temps changent : aujourd'hui, le public ne se limite plus aux personnes présentes dans nos tribunes, chacun pouvant suivre nos débats sur le site internet du Sénat.
J’appelle le Gouvernement à poursuivre la réflexion. Peut-être une suspension de séance lui permettrait-elle de peaufiner sa rédaction…
Premièrement, je trouverais dommageable de supprimer les alinéas 6 à 13, dont le contenu est très positif.
Deuxièmement, est-il vraiment sage, madame la secrétaire d'État, d’écrire dans la loi qu’une disposition s’appliquera « sous réserve de » l’application d’un texte européen à venir ?
Il a été adopté depuis ! Il n’est pas encore publié, mais il est déjà applicable.
Je suis très attaché à ce que l’on écrive la loi compte tenu des textes existants.
Nous pourrons toujours y revenir si les textes évoluent. En tout état de cause, il faut veiller à ne pas multiplier les conditionnels, les « sous réserve de », les « en sus de », les « à condition que », les « nonobstant le fait que »…
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.