Le Gouvernement émet un avis favorable sur le sous-amendement de la commission, qui porte sur deux points : la disponibilité des services et le plan des métiers. Il répond à une demande légitime : les personnes en situation de handicap doivent pouvoir appeler et être appelées dans des conditions normales. Le but n’est pas de créer une solution à bas coût dont le fonctionnement fluctuerait au gré des moyens qu’on voudrait bien lui accorder. En revanche, la montée en charge du dispositif doit être progressive. Cette progressivité est déjà prévue au VI de l’article 43, mais je crois utile et réaliste d’inscrire dans le texte un délai de dix ans pour la mise en place de la disponibilité des services. Être pragmatiques est la meilleure façon de garantir que les objectifs seront bien atteints.
Le plan des métiers est un aspect clé. Nous manquons aujourd’hui des ressources humaines nécessaires, c’est pourquoi il faut à tout prix les développer.
À titre d’exemple, on comptait en 2015 seulement 450 interprètes diplômés en langue des signes. Cela justifie cette montée en charge progressive, avec des délais de mise en œuvre de cinq ans pour les opérateurs et les services publics et de deux ans pour les entreprises concernées par les dispositions.
Cela pose aussi la question de l’embauche directe de téléconseillers pouvant pratiquer l’un des trois modes de communication pour les services téléphoniques des services publics et des services clients des entreprises. La discussion entre l’usager et le téléconseiller est alors directe. Ce plan des métiers est une mesure déjà inscrite au programme de travail du comité interministériel du handicap, et le Gouvernement rend régulièrement compte des avancées de ce plan. Compte tenu de l’importance de l’enjeu, je suis favorable à cette disposition, afin d’accélérer les choses. Attention toutefois à ne pas tomber dans ce trop fréquent travers qui consiste à rédiger une loi sans assurer le suivi de son application. Il faudra véritablement instaurer une gouvernance de la régulation et de l’observation de la mise en œuvre et de l’exécution, pour garantir que toutes ces dispositions seront respectées au pied de la lettre.
Le Gouvernement sollicite le retrait des amendements n° 52 rectifié et 56 rectifié ter au profit de l’amendement du Gouvernement. Sur l’amendement n° 57 rectifié ter, l’avis est défavorable.
Ces trois amendements tendent à revenir à la version initiale de l’article 43, telle que présentée par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale. L’amendement n° 52 rectifié vise à supprimer la mention des applications innovantes. En tant que ministre chargée du numérique, et donc de la French tech, je ne puis l’accepter : dans ce secteur, les innovations sont nombreuses et le potentiel des pistes d’innovation encore inexplorées est immense. Je suis amenée à le constater au fil de mes déplacements. Par exemple, l’avatar en 3D permet de traduire des textes écrits en langue des signes française ou en langage parlé complété, les gants connectés de détecter les mouvements et de traduire la langue des signes française en langue orale ; je pense également à la transcription automatique de textes par l’intermédiaire d’applications de reconnaissance vocale couplées à des algorithmes de reconnaissance vocale.
Toutes ces technologies ne sont pas forcément totalement abouties, il faut qu’elles trouvent leur marché, qu’elles puissent être facilement utilisées, mais gardons-nous de tourner le dos à ce potentiel d’innovations : on ne sait pas ce que demain nous réserve.
Pour accompagner l’essor de ces technologies, je souhaite d’ailleurs lancer – c’est en très bonne voie – un appel à projets dédié spécifiquement à l’innovation technologique en faveur des personnes en situation de handicap. D’un point de vue économique, la demande existe, et il faut donc maintenant développer l’offre.
L’amendement n° 56 rectifié ter ne prévoit pas de rétablir un seuil de chiffre d’affaires pour définir les entreprises concernées par l’obligation d’accessibilité. L’objectif est de viser les entreprises en contact téléphonique avec un grand nombre d’utilisateurs, et non pas toutes les entreprises de France, notamment pas les très petites entreprises ou les artisans, qui ne seraient pas en mesure de satisfaire à ce type d’obligation. Par ailleurs, je l’ai dit, les besoins en personnel formé sont immenses. Lorsque la loi entrera en vigueur, il ne sera pas possible de répondre à une telle obligation. Surtout, les entreprises dont le chiffre d’affaires est en deçà du seuil fixé seront dans tous les cas accessibles, mais via le troisième dispositif, celui des communications interpersonnelles. Très concrètement, si je souhaite appeler le service clients d’Engie, cette grande entreprise publique devra, sur son site internet, fournir un service de traduction ou renvoyer à un tel service. Si je souhaite appeler une entreprise dont le chiffre d’affaires se situe en deçà du seuil, je pourrai le faire en passant par les opérateurs.
L’amendement n° 57 rectifié ter ne prévoit pas d’étendre le dispositif à l’ensemble des personnes concernées et n’indique pas qu’il sera mis en place sans surcoût pour ces dernières. En outre, ses auteurs proposent que les opérateurs ne paient rien du tout et que l’intégralité du financement repose sur les entreprises et les services publics. La mutualisation proposée par le Gouvernement est à mon sens une solution plus équilibrée.