Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 12 juillet 2011 à 14h30
Demande d'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en libye — Débat sur une déclaration du gouvernement suivi d'un vote

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Cette carence s’illustre aussi bien dans la crise des dettes souveraines des États membres de la zone euro que dans le champ des relations internationales. L’absence de l’Union dans la coalition est un aiguillon qui doit nous inciter à progresser davantage dans deux voies : un approfondissement majeur de l’intégration européenne ; une coopération encore plus renforcée en matière de politique étrangère et de défense.

Comme nous le savons tous ici, nos marges de manœuvre budgétaires sont particulièrement contraintes. Le Livre blanc sur la défense de 2008 prévoit en effet de consacrer plus de 300 milliards d’euros aux dépenses militaires à l’horizon de 2020. La crise de nos finances publiques retardera certainement l’achèvement de cet objectif.

À une échelle plus réduite, l’opération en Libye nous aurait déjà coûté près de 160 millions d’euros. Ce n’est pas cher payé pour asseoir la démocratie hors de nos frontières ; cela doit nous servir de signal fort pour nous engager dans la voie d’une mutualisation de nos moyens d’actions à l’échelle européenne.

Ces considérations budgétaires couplées aux paradoxes stratégiques d’une présence moins marquée des Américains dans la région doivent nous pousser plus avant dans la construction d’un ministère européen de la défense et dans le renforcement de l’appareil diplomatique de l’Union.

L’occasion nous est donnée d’approfondir la réflexion vers un partenariat stratégique encore plus étroit avec nos alliés anglais dès lors qu’il s’agit de projection d’envergure de nos forces à grande distance. Mais il faudrait aussi que nos partenaires anglais acceptent l’idée d’une défense européenne, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

Au-delà d’un simple problème de logistique, c’est la gouvernance de l’intégration européenne qui doit être reconsidérée. Tant que l’Europe ne parviendra pas à parler d’une seule voix sur la question méditerranéenne, l’Union ne pourra pas s’imposer au monde comme une puissance majeure.

Personne ne sait encore quelle sera l’issue du conflit libyen. Ce que nous savons d’ores et déjà, c’est qu’en tant qu’Européens nous sommes à la croisée des chemins entre, d’un côté, la faiblesse et l’impuissance et, de l’autre, la sûreté et la démocratie. Pour reprendre encore les propos de M. le ministre de la défense, la Libye « c’est une épreuve de vérité pour la détermination des Européens à construire un espace de paix dans leur environnement immédiat ».

Le printemps arabe et la campagne de Libye attestent l’intérêt que la France et les autres pays riverains auraient à relancer le processus de construction d’une Union pour la Méditerranée, comme l’a souhaité le Président de la République. La chute de nombreux régimes autoritaires de la rive sud est un facteur historique, une opportunité unique pour la France et l’Europe de nouer plus avant des liens avec le monde arabe et de favoriser l’entente avec des démocraties naissantes.

La question syrienne est exemplaire à cet égard. Le même schéma est à l’œuvre, à savoir celui d’un pays méditerranéen, d’un peuple arabe en lutte contre un régime dictatorial qui n’hésite pas plus que le pouvoir libyen à faire tirer sur sa propre population.

L’engagement pour protection des populations pourrait très bien s’appliquer à cette situation. Le défaut d’engagement des États-Unis, le manque de moyen des pays européens, la faiblesse intrinsèque de l’Europe de la diplomatie et de la défense actuelle empêchent de rejouer aux Nations unies la partition de février dernier et d’arracher une nouvelle résolution.

La faiblesse diplomatique et stratégique due au manque d’unité de l’Europe ne nous permettra pas, s’il le fallait, de soutenir la population syrienne ni le reste des pays riverains de la Méditerranée. Pour l’heure, nos moyens ne nous autorisent qu’à soutenir les insurgés libyens, et c’est ce que nous nous attacherons à faire en prorogeant notre engagement militaire là-bas.

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