Mon volontarisme en la matière devrait suffire à démontrer qu’il n’y a pas lieu de mettre en cause le souhait du Gouvernement d’introduire des règles permettant d’instaurer des rapports plus équilibrés dans l’environnement économique numérique.
Je l’ai peut-être formulé maladroitement à cette heure tardive, mais ce que j’ai voulu dire en parlant du législateur américain, c’est que, aujourd’hui, les outils existent dans le droit de la concurrence pour caractériser un abus de position dominante. Ce travail est en cours, que ce soit aux États-Unis, en France, dans d’autres pays de l’Union européenne ou au niveau européen. Finalement, l’exercice auquel se prête en ce moment même le Sénat, c'est de faire le juge. Néanmoins, que ce soit au travers de l’Autorité de la concurrence ou d’un tribunal de commerce, le droit est là.
Ce n’est pas en donnant une définition d’un moteur de recherche – pourquoi pas un réseau social ? Facebook est aussi dominant que Google sur un autre secteur d’activité ! –, sans modifier les critères du droit de la concurrence, que l’on changera quoi que ce soit à l’affaire.
Les critères sont très solides : ils figurent dans le code de la concurrence et dans le code de commerce. En ce moment, ils sont pris en compte pour étudier très précisément les pratiques commerciales et concurrentielles de l’entreprise en question. Des décisions sont attendues. Si elles devaient conclure à un abus de position dominante, elles auraient un retentissement considérable et plus encore si elles étaient prises au niveau européen, car la totalité du marché européen serait alors concernée.
Modifier à ce stade, à la marge, le droit de la concurrence français ne changerait pas grand-chose à l’affaire. En revanche, appliquer correctement le droit de la concurrence, qu’il soit français ou européen, selon l’analyse de marché qui est faite, pourra peut-être entraîner des décisions importantes.
La première décision Commission européenne contre Google devrait être rendue cette année. La France fait partie des États qui attendent cette décision. La nouvelle commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager, montre une détermination politique bien plus forte que son prédécesseur. En ce sens, elle est très soutenue par la France.
J’espère vous avoir démontré que là où nous avons des marges de manœuvre – nous en avons, j’en suis persuadée –, là où nous pouvons avancer, parce que le droit n’est pas complet et qu’il faut le renforcer, c’est sur le terrain du droit de la consommation. En tant que particuliers, nous sommes en droit de demander a minima de connaître les produits bénéficiant d’un lien publicitaire, financier ou contractuel qui explique le référencement préférentiel.
Sur ce terrain, nous pouvons modifier très rapidement beaucoup de choses, mais il faut aussi faire preuve de réalisme juridique. Ce n’est pas du tout un message de défaitisme que je vous ai envoyé.