La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.
La séance est reprise.
J’informe le Sénat que le groupe écologiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de Mme Marie Christine Blandin, démissionnaire.
Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 21, à l’amendement n° 27 rectifié bis.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 27 rectifié bis, présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, MM. Lefèvre et Grand, Mme Lopez, M. Trillard, Mme Gruny et MM. Gremillet, Houel et Vasselle, n’est pas soutenu.
L'amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ, Mandelli, Mouiller et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin, Pellevat, Grand et P. Leroy, Mme Procaccia, MM. Bouchet et Vasselle, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard et Magras, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 15
Supprimer cet alinéa
II. – Alinéa 16
Remplacer les mots :
résultant de l’utilisation du compte d’utilisateur du
par les mots :
à caractère personnel, créées et fournies par le
III. – Alinéa 17, première phrase
Remplacer les mots :
fichiers ou données concernés
par les mots :
données concernées
La parole est à M. Patrick Chaize.
L’article relatif au droit à la portabilité figurant dans la version présentant l’accord final sur le règlement européen limite le champ de ce droit aux données personnelles communiquées par l’utilisateur au responsable du traitement – c’est-à-dire aux données brutes – et prévoit que la portabilité ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits et libertés d’autrui.
Il existe un risque de conflit entre l’article 21 du projet de loi et l'article 18 du règlement européen sur les données personnelles, ayant le même objet : ce dernier précise que la portabilité des données fournies par l’utilisateur doit être rendue possible.
Il est primordial, pour des questions de sécurité juridique et de respect de la hiérarchie des normes, ainsi que pour anticiper des contentieux à venir, que le projet de loi pour une République numérique n'entre pas en contradiction avec ledit règlement.
L'amendement n° 192, présenté par M. Rome, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Supprimer les mots :
, au moment de la demande ou antérieurement,
La parole est à M. Yves Rome.
Cet amendement vise à modifier l’alinéa 16 de l’article, afin de supprimer la précision selon laquelle sont récupérables les données consultables en ligne « au moment de la demande ou antérieurement ».
L’ajout de cette référence par la commission alourdit inutilement le dispositif en étendant le droit à la récupération aux données qui étaient consultables avant la demande, mais qui ne le sont plus. Cette rédaction pourrait entraîner des effets de bord non maîtrisés, qu’il convient d’éviter.
L'amendement n° 191, présenté par M. Rome, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Supprimer les mots :
, à l’exception de celles ayant fait l’objet d’un enrichissement significatif par le fournisseur en cause
La parole est à M. Yves Rome.
Cet amendement vise lui aussi à modifier l’alinéa 16 de l’article, afin de supprimer l’exception au droit à la récupération des données portant sur les données enrichies par le fournisseur.
L’ajout par la commission de cette exception restreint fortement la portée de la mesure instaurant la récupération des données.
De plus, l'exclusion introduite par l’alinéa 16 constitue un facteur d'insécurité juridique, car la notion d'enrichissement « significatif » n’est pas définie et paraît sujette à interprétation.
L'amendement n° 190, présenté par M. Rome, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
« 3° D’autres données associées au compte utilisateur du consommateur et répondant aux conditions suivantes :
« a) ces données facilitent le changement de fournisseur de service ou permettent d’accéder à d’autres services ;
« b) l’identification des données prend en compte l’importance économique des services concernés, l’intensité de la concurrence entre les fournisseurs, l’utilité pour le consommateur, la fréquence et les enjeux financiers de l’usage de ces services.
« Les données mentionnées au présent 3° sont précisées par voie réglementaire ;
La parole est à M. Yves Rome.
Cet amendement vise à rétablir la troisième catégorie de données, celle des données associées, dont les consommateurs peuvent exiger la récupération auprès d’un fournisseur.
Cette catégorie de données récupérables a été supprimée lors de l’examen du texte en commission. Par cet amendement, je propose de définir ces données à l’aune de l’importance économique et de la fréquence d’usage des services concernés, qui devront être significatives. Ce critère permettra de préciser, pour les fournisseurs de services, le champ d’application de la mesure.
Monsieur Chaize, réduire le champ de la portabilité aux seules données personnelles n’aurait, à mon sens, que peu d’intérêt, dans la mesure où cette portabilité est prévue par le règlement européen. Au contraire, il faut la compléter en prévoyant la portabilité de données qui, sans être personnelles, sont nécessaires au consommateur pour changer facilement d’opérateur.
Par ailleurs, nous avons pris toutes précautions pour éviter un conflit entre le présent texte et le règlement européen.
Pour ces raisons, je vous demanderai de bien vouloir retirer l’amendement n° 72 rectifié ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Les dispositions que l’amendement n° 192 vise à supprimer tendent à remédier au fait que certains opérateurs ne permettent la consultation en ligne de certaines données que pendant quelques mois. Or ces données peuvent être utiles pour changer d’opérateur : c’est le cas des données de consommation énergétique. La commission a donc proposé d’autoriser la portabilité des données consultables en ligne au moment de la demande ou antérieurement à celle-ci.
Il faut éviter que des entreprises, pour bloquer le droit à la portabilité ou en réduire l’effet, limitent la mise à disposition en ligne de certaines données. L’utilisateur doit rester maître de son historique de consommation ou de navigation.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Rome, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
En supprimant l’exception introduite par la commission des lois, l’adoption de l’amendement n° 191 rendrait possible le transfert de données significativement enrichies par l’opérateur internet à un concurrent.
Il faut absolument éviter tout risque de pillage des investissements ou de la valeur ajoutée produite par un opérateur. Certes, le consommateur doit avoir la maîtrise de ses données, mais on ne peut, pour autant, exiger le transfert de données retraitées et significativement enrichies par l’opérateur.
Toutes les entreprises se sont inquiétées de ce risque lors des auditions que j’ai menées au nom de la commission des lois. Peut-être pouvons-nous travailler ensemble pour préciser l’exception, mais non la supprimer ; cela reviendrait à envoyer un très mauvais signal aux entreprises concernées.
Là encore, monsieur Rome, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 190 vise à étendre le droit à la portabilité à un ensemble de données permettant d’assurer le changement d’opérateur.
Contrairement à ce qui est indiqué par l’auteur de l’amendement, la commission n’a pas supprimé purement et simplement cette catégorie de données. Elle a estimé qu’elle était incluse dans celle, plus générale, du 2° de l’article L. 224-42-3 du code de la consommation.
En effet, lorsque j’ai interrogé les services du Gouvernement pour savoir ce que pouvaient recouvrir ces données, ils m’ont indiqué qu’il s’agissait des données de consommation en énergie d’un consommateur, qui ne sont plus forcément disponibles à la consultation en ligne passé un certain délai. Nous avons donc prévu que le droit à la portabilité s’étende aux données archivées par l’opérateur que ce dernier avait mises en ligne à un moment.
J’ajoute que la rédaction proposée pèche par son imprécision : elle n’interdirait pas que le Gouvernement impose le transfert de données stratégiques ou à forte valeur ajoutée, qui constituent pourtant le trésor de l’économie numérique.
Enfin, on peut émettre de sérieux doutes sur la constitutionnalité du dispositif proposé : le législateur n’abandonne-t-il pas sa compétence au pouvoir réglementaire ? Surtout, le principe d’égalité sera-t-il respecté, alors que certains services seront soumis à l’obligation de portabilité de certaines données, mais pas d’autres ?
La réflexion doit se poursuivre sur le sujet ; évitons de l’engager sur des pistes aussi incertaines. Pour toutes ces raisons, monsieur Rome, je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Je suis défavorable à l’amendement n° 72 rectifié. J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer à quel point il était important, pour le Gouvernement français, d’opérer une distinction entre les données personnelles, au sens du règlement européen que nous avons négocié et qui a été adopté depuis, et les données de consommation liées à l’expérience des utilisateurs, amenées à se développer toujours davantage en raison de la massification numérique et de la multiplication des données.
Dans ce contexte, il est essentiel d’assurer non seulement la protection du consommateur, mais également une fluidité du marché, en évitant que des entreprises en situation de quasi-monopole ou d’oligopole n’enferment les consommateurs dans un écosystème et les empêchent de passer facilement d’un fournisseur de services à un autre.
Monsieur Rome, je suis favorable à l’amendement n° 192. Vous souhaitez supprimer la notion de données consultables en ligne « au moment de la demande ou antérieurement ».
Si votre préoccupation, monsieur le rapporteur, est de ne pas faire peser des obligations trop lourdes sur les entreprises, on peut considérer que l’expression « ou antérieurement » est beaucoup trop large. Une telle rédaction suppose en effet que les entreprises devront vérifier à chaque fois si les données à récupérer ont été un jour consultables en ligne. Cela suppose également que l’on puisse retracer l’historique sans aucune limitation.
Bien que la grande majorité d’entre elles reconnaissent tout à fait l’intérêt économique de la portabilité des données de consommation, les entreprises ne sont pas du tout favorables à cette formulation.
Je suis également favorable à l’amendement n° 191, très important à mes yeux. Il correspond en effet parfaitement à la dimension nouvelle ouverte par le numérique, en particulier par le stockage des données en ligne, c’est-à-dire l’informatique en nuage ou cloud.
La récupération doit porter sur les données enrichies par le fournisseur. Cette rédaction est issue d’une concertation avec les acteurs du numérique. La distinction entre données brutes et données enrichies est difficile à opérer, sinon quelque peu naïve. Si elle se limite simplement aux données explicitement fournies par l’utilisateur, la portabilité n’a pas d’intérêt, dans la mesure où ce dernier, par définition, en dispose déjà.
Je suis enfin tout aussi favorable à l’amendement n° 190.
La commission des lois du Sénat a supprimé cette troisième catégorie de données, qui nous semble pourtant fondamentale. La deuxième catégorie est assez large, mais ne prévoit pas ces cas spécifiques de données sectorielles qui ont pu disparaître de l’historique fourni par le consommateur au moment de la récupération.
Cette approche sectorielle est rendue nécessaire par le périmètre extraordinairement large du domaine concerné. Songeons, par exemple, à tous ces logiciels permettant de stocker en ligne l’ensemble des données d’une entreprise. Il faut pouvoir instaurer une limite entre ce qui est récupérable et ce qui ne l’est pas. Comme je l’ai déjà souligné, cette approche s’inspire de l’expérience britannique : les secteurs concernés –banque, énergie, transports ou électricité – ont décidé de définir le périmètre de récupération de certains types de données.
La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote sur l'amendement n° 72 rectifié.
M. Patrick Chaize. Je ne peux lutter avec M. Rome, qui cumule les avis favorables du Gouvernement…
Sourires.
L’amendement n° 72 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 192.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 204 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 191.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 112 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas concernés par cette récupération des données stockées en ligne, les avis en ligne, y compris tout justificatif d’expérience, déposés par un consommateur sur un service de communication au public en ligne appliquant la norme NF Z74-501 de juillet 2013.
La parole est à M. Loïc Hervé.
La norme NF Z74-501 est la première norme au monde relative au traitement des avis de consommateurs en ligne.
En se conformant à cette norme, une entreprise assure la fiabilité et la transparence des trois processus de traitement des avis en ligne : leur collecte, leur modération par le gestionnaire et leur distribution.
Les entreprises françaises qui appliquent la norme AFNOR ont consenti des investissements importants pour promouvoir une telle transparence, qui doit être préservée et encouragée.
Or la rédaction actuelle du texte inclut les avis en ligne dans le champ des données pouvant être récupérées. Cette mesure entraîne un risque de récupération des avis mis en ligne par des consommateurs sur des services français qui appliquent la norme AFNOR par d’autres plateformes ne respectant pas ladite norme.
Une telle pratique pourrait ainsi entraver la compétitivité des acteurs français par rapport à leurs concurrents internationaux, lesquels pourraient récupérer des avis ayant fait l’objet d’un traitement conformément à une norme qu’ils n’appliqueraient pas eux-mêmes.
Cet amendement vise donc à exclure du champ des données concernées par la portabilité les avis en ligne ayant fait l’objet d’un traitement conforme à la norme NF Z74-501.
Monsieur Hervé, je ne pense pas que le risque de perte de compétitivité des entreprises françaises que vous évoquez soit avéré. Je ne partage pas non plus le raisonnement qui sous-tend cet amendement.
La portabilité des avis en ligne rédigés par un consommateur profitera, à mon sens, aux sites les moins-disants en matière de contrôle de ces avis, puisqu’ils pourraient récupérer des avis rédigés sur des sites appliquant la norme AFNOR de vérification de la qualité des avis mis en ligne.
Or ce n’est pas parce qu’ils publieront de tels avis contrôlés qu’ils pourront se prévaloir de la certification AFNOR. Cette certification n’est acquise qu’à ceux qui soumettent tous leurs avis en ligne à ses exigences, ce qui, par définition, n’est pas le cas des entreprises visées par les auteurs de l’amendement.
J’ajoute enfin que l’objet même de l’article 21 est de redonner du pouvoir au consommateur sur ses données. Il s’agit de lui permettre de récupérer ces dernières afin de faciliter son changement d’opérateur, à l’instar de ce qui se fait en matière de téléphonie mobile ou de comptes bancaires.
Cette obligation s’imposera à tous les professionnels d’internet s’adressant à des consommateurs français. Cessons de croire que seules les entreprises françaises y seront soumises et qu’elles seront pillées par la concurrence internationale. Il s’agit, bien au contraire, de leur donner les moyens de résister aux acteurs qui possèdent, de fait, un quasi-monopole sur les données personnelles des consommateurs.
Pour ces raisons, monsieur Hervé, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Avis défavorable, monsieur le président.
Cet amendement paraît de bon sens, mais il semble difficile, sinon audacieux, d’inscrire une norme AFNOR dans la loi.
Même si je comprends la philosophie de l’article 21, les propos de notre rapporteur n’enlèvent rien aux réserves que j’ai émises tout à l’heure. À quelles conditions les utilisateurs seront-ils protégés ? Le droit à la portabilité concernera-t-il ceux qui se déplacent à l’étranger ? Certains dispositifs techniques permettent de dissimuler au fournisseur de services le fait que l’on se trouve en France. Dans ce cas, la protection de l’utilisateur, le droit à la portabilité s’appliquent-ils ? Par ailleurs, qu’en est-il des fournisseurs de services qui ne demandent pas l’adresse de l’utilisateur lors de l’inscription ?
Non, je vais le retirer, monsieur le président.
J’attire tout de même l’attention de mes collègues sur le fait qu’il s’agit ici de protéger des entreprises vertueuses, qui s’imposent à elles-mêmes des contraintes encore plus sévères que celles dont nous discutons ce soir.
Cela étant dit, je comprends la difficulté d’inscrire dans la loi une référence aussi baroque que NF Z74-501…
Je retire l’amendement.
L'amendement n° 112 rectifié est retiré.
L'amendement n° 316, présenté par M. Navarro, n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 193, présenté par M. Rome, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 18
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 224-42- … – Tout manquement aux articles L. 224-42-2 et L. 224-42-3 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du présent code.
« Art. L. 224 -42 - … – La présente section ne s’applique pas aux fournisseurs d’un service de communication au public en ligne dont le nombre de comptes d’utilisateurs ayant fait l’objet d’une connexion au cours des six derniers mois est inférieur à un seuil fixé par décret. »
II. – Alinéa 20
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Le présent article entre en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Yves Rome.
Le présent amendement vise à instaurer des sanctions pour le non-respect des dispositions de l’article 21, à introduire un seuil d’application de la mesure et à modifier l’alinéa 20 afin de fixer une date d’entrée en vigueur en fonction de la publication du présent texte.
La suppression, par la commission, des sanctions prévues pour le non-respect des dispositions de l’article 21 a pour effet d’affaiblir l’effectivité du droit à la récupération des données. Ce droit, contrairement à ce que j’ai souvent pu entendre, constitue une avancée très importante pour les citoyens au regard du droit de la concurrence.
Par ailleurs, la suppression du seuil d’application de la mesure entraînerait une charge excessive pour les PME.
Enfin, harmoniser la date d’entrée en vigueur de l’article 21 avec celle du règlement général sur les données personnelles ne se justifie pas, car les deux textes n’ont pas le même objet. Il paraît donc préférable de prévoir que le dispositif n’entre en vigueur que dix-huit mois après promulgation de la loi.
L'amendement n° 394 rectifié, présenté par MM. Rome, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 224 -42 - … – La présente sous-section ne s'applique pas aux fournisseurs d'un service de communication au public en ligne dont le nombre de comptes d'utilisateurs ayant fait l'objet d'une connexion au cours des six derniers mois est inférieur à un seuil fixé par décret. » ;
La parole est à M. Yves Rome.
La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale renvoyait la fixation du seuil d’application de la portabilité à un décret.
Ce seuil est exprimé en nombre de comptes utilisateurs actifs, c’est-à-dire ayant fait l’objet d’une connexion au cours des six derniers mois ; c’est le meilleur moyen de mesurer l’activité d’un site en ligne.
L’obligation de portabilité pourrait faire peser des contraintes excessives sur les PME qui se créent ou dont l’activité en ligne n’est que secondaire.
La commission des lois a supprimé ce seuil. Cela revient à appliquer indifféremment l’obligation de portabilité aux entreprises qui comptent plusieurs milliers d’utilisateurs ou d’abonnés et à celles dont l’activité en ligne est seulement accessoire ou dont le nombre de connexions n’est pas significatif au regard des enjeux.
Nous proposons donc de réintroduire le seuil en deçà duquel la portabilité n’est pas obligatoire que prévoyait le texte de l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 193, qui vise à rétablir plusieurs dispositions du texte initial, est évidemment contraire à la position de la commission. De solides arguments militent en faveur des choix que nous avons retenus.
D’abord, contrairement à ce qui est soutenu, la commission n’a pas supprimé les sanctions administratives, qui sont expressément prévues par renvoi à l’alinéa 19. L’article L. 242-20 du code de la consommation est l’article de référence pour les sanctions administratives en matière de contrats de services de communication électronique.
Ensuite, l’amendement tend à dispenser les PME du respect de l’obligation de portabilité. Cela serait manifestement contraire au règlement européen et créerait une inégalité entre les consommateurs selon la taille de l’opérateur auquel ils s’adressent. Une telle disposition est donc juridiquement très incertaine.
Enfin, la commission a garanti que le droit à la portabilité créé par l’article entrerait en vigueur en même temps que le futur règlement européen. Cette synchronisation permet de rassurer les entreprises ; celles que nous avons auditionnées nous l’ont très largement signifié.
Les auteurs de l’amendement proposent, à l’instar de ce qu’envisageait le Gouvernement, une entrée en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la loi. Évitons une telle évaluation « au doigt mouillé », et privilégions plutôt une synchronisation certaine de l’entrée en vigueur des deux textes.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 394 rectifié. Exclure les petits opérateurs du champ d’application du droit à la portabilité serait contraire au futur règlement européen. De plus, cela poserait un problème d’égalité des consommateurs devant la loi, ceux ayant fait appel aux petits opérateurs se trouvant privés d’un droit reconnu aux autres.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 193, dont l’adoption satisferait l’amendement n° 394 rectifié. Je sollicite donc le retrait de celui-ci.
L'amendement n° 394 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 193.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 205 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 66, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé
« Art. L. 224 -42 - … . – Le fait de céder ou d'acquérir à titre onéreux des données stockées en ligne et récupérées dans le cadre des articles L. 224-42-1 à L. 224-42-3 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. Le fait d'accorder un avantage commercial dans le but d'acquérir ces données est passible des mêmes sanctions. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2. » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement a pour objet d'interdire et de sanctionner l'achat ou la vente des données récupérées en ligne dans le cadre du dispositif de l’article 21 du projet de loi, afin de lutter contre la marchandisation des données personnelles. Nous souhaitons rendre de tels actes passibles d'une amende administrative.
Les historiques de navigation sur la toile sont révélateurs des goûts, des centres d’intérêt, des opinions des personnes concernées. Il n’est pas choquant qu’elles puissent récupérer ces informations. En revanche, il est nettement plus gênant qu’elles puissent les vendre ou s’en servir pour obtenir un avantage d’un autre fournisseur. Accepter la marchandisation de données qui sont souvent partie intégrante de la personne serait un peu comme autoriser la commercialisation d’organes !
Il faut éviter que les internautes ne deviennent en quelque sorte prisonniers de leur historique de navigation. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’un débat sur ce sujet.
Nous avons ici un désaccord majeur avec M. Leconte.
Interdire à un consommateur de monnayer le transfert de ses données d’un service commercial à un autre est tout à fait contraire au principe de la portabilité, qui vise également à redonner du pouvoir à l’intéressé sur ses données.
Notre collègue souhaite lutter contre la marchandisation des données personnelles, mais il serait pour le moins paradoxal d’interdire, à l’occasion d’un transfert de données, une valorisation économique de celles-ci, sur laquelle repose déjà en réalité la collecte et l’utilisation initiales desdites données. L’opérateur ayant le premier collecté les données aurait donc eu le droit de les acheter par la mise à disposition de ses services, mais son concurrent qui souhaiterait les récupérer avec le client ne le pourrait pas ?
La commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons qui viennent d’être évoquées par M. le rapporteur.
Au demeurant, nous pourrions avoir un tel débat sur les données en général ; cette question n’est pas spécifiquement liée à la portabilité. §Je ne comprends pas bien pourquoi une telle proposition intervient à cet endroit du texte.
Je crains que l’auteur de cet amendement ne fasse preuve d’une certaine naïveté.
En réalité, que recouvrent les termes de « portabilité des données », sinon un dispositif d’échange de valeur économique ? Certes, les données ont un caractère personnel, mais elles sont d’abord une ressource dans la compétition économique.
Pour ma part, si je n’ai pas voté un certain nombre d’amendements sur le sujet, c’est parce qu’une partie des dispositions présentées interfèrent avec un règlement européen en cours d’adoption. Statuer sur la même matière qu’un règlement européen en préparation n’est pas de bonne méthode législative.
Surtout, les incidences économiques de ce système d’incitation à la concurrence sur la circulation des données n’ont pas été complètement évaluées. La lecture de l’étude d’impact du projet de loi n’est pas rassurante à cet égard.
Je comprends les réticences de M. Leconte, mais le vin est tiré ! Il s’agit bien d’un mécanisme de concurrence, dont nous mesurerons plus tard les effets…
En l’espèce, nous parlons des données utilisateurs. Le règlement européen porte sur les données personnelles, telles que le nom, l’âge, l’adresse. Ce n’est donc pas la même matière.
Les données utilisateurs, ce sont, par exemple, des préférences musicales exprimées sur un site de streaming, des photos d’amis postées en ligne ou un historique des relevés de consommation énergétique… Ce champ est très éloigné de la définition juridique des données personnelles.
D’ailleurs, cela fait tout l’intérêt de l’extension au droit de la consommation. C’est le raisonnement que tiennent actuellement l’Allemagne et la Commission européenne, laquelle envisage de renégocier –mais dans un futur trop lointain – la directive sur le commerce électronique, précisément pour élargir le champ des données concernées.
Je précise que le règlement européen en question fait déjà partie de notre droit : il a été adopté et est entré en vigueur.
Les données ont effectivement une valeur économique. C’est précisément pour cette raison que nous affirmons dans le texte le principe de la libre disposition par l’utilisateur de ses données personnelles. Les Allemands parlent d’« autodétermination informationnelle ». L’individu doit pouvoir récupérer les données qu’il a créées. À défaut, le commerce des données relèverait effectivement de la loi de la jungle et ne laisserait plus aucune place aux particuliers à l’origine de celles-ci.
Monsieur Richard, ce n’est pas, de ma part, de la naïveté ; j’exprime une inquiétude ! Il faut bien mesurer ce que nous allons faire. Je constate, à cet égard, que l’on ne m’a pas répondu quand j’ai demandé qui serait protégé en pratique. Je ne suis pas persuadé que toute personne vivant en France le sera, quel que soit le lieu d’implantation sur la planète du fournisseur de services qu’elle aura choisi !
Madame la secrétaire d’État, il n’y a effectivement aucun problème avec les données personnelles comme vous les avez définies. Mais certaines informations qui ne sont pas des données délibérément créées par l’internaute – je pense par exemple aux pages consultées par le biais d’Internet Explorer ou aux achats effectués ou envisagés sur eBay, qui figurent dans l’historique de navigation – sont très révélatrices de ses goûts, de ses intérêts, de son comportement. Cela relève de la biométrie, au sens large du terme. Encore une fois, de telles données, qui sont constitutives de la personne, ne doivent pas pouvoir être commercialisées.
Il me semble tout à fait pertinent qu’un tel débat se tienne à l’occasion de l’examen de cette partie du texte. Je maintiens mon amendement.
Mon cher collègue, si vous imaginez que Google ou Facebook n’utilisent pas les données qu’ils collectent lorsque l’on se sert de leurs applications, vous rêvez !
Une application sur iPhone permet de compter le nombre de pas effectués ou le nombre de marches d’escalier montées dans la journée : de telles données valent de l’argent ! Elles permettent de cibler la publicité pour les assurances-vie ou les clubs de sport. C’est ce qui fonde le modèle économique de Google ou de Facebook !
Vous soulevez un véritable problème, sur lequel il faut sans doute effectivement réfléchir, mais cette marchandisation a déjà commencé. Cela étant, pourquoi lancer ce débat à ce moment de la discussion du texte ?
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
L’intention de notre collègue Jean-Yves Leconte me semble tout à fait louable. Ce n’est pas parce que nous sommes embarqués dans un système où les données se multiplient que nous devons nous résigner à l’hypersurveillance !
À mon sens, le fait d’affirmer un certain nombre de principes dans la loi conduit le législateur à se projeter dans le devenir de notre société. Nous n’avons pas encore parlé du transhumanisme, de la réalité augmentée… Ce que l’on observe dans certaines grandes sociétés extra-européennes a de quoi sérieusement inquiéter. Des questions éthiques essentielles se posent.
Le problème est que, en Europe, on semble considérer le leadership de quelques entreprises géantes comme une fatalité. Il faudrait donc se résoudre à vivre dans un monde où toutes les données peuvent circuler hors de notre contrôle. À mes yeux, il est encore temps d’œuvrer pour notre souveraineté numérique !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 337, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le deuxième alinéa de l'article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La récupération de données prévue par la section 20 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation constitue un motif légitime d'opposition. »
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Selon nous, le droit à la portabilité des données devrait pouvoir s’accompagner d’un droit de l’utilisateur à l’effacement des données le concernant.
Nous souhaitons prévoir que la portabilité des données constitue un motif légitime d’opposition au traitement, en précisant l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Cette proposition a été notamment formulée par le Conseil national du numérique dans son avis sur le projet de loi.
Mme Bouchoux souhaite que le droit à la portabilité soit un motif légitime d’opposition au traitement.
Une telle demande nous semble largement satisfaite par l’article 17 du règlement européen, qui prévoit les différents cas d’effacement des données personnelles. Il nous paraît inutile d’aller au-delà à ce stade.
C'est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de cet amendement.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Bouchoux considère que la portabilité des données doit emporter un droit d’opposition au traitement. Or ce droit figure déjà dans la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et il se trouve encore renforcé dans le règlement européen. Il s’applique à toutes les données personnelles, y compris à celles qui font l’objet de la portabilité.
Il valait mieux que cela soit dit explicitement. Je suis maintenant rassurée et je retire donc l’amendement.
L'article 21 est adopté.
I. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 précitée est ainsi modifié :
1°
Supprimé
2° L’article L. 111-7 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication en ligne reposant sur :
« 1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
« 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
« Tout opérateur de plateforme en ligne est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder. L’opérateur fait apparaître clairement, grâce à une signalisation explicite, l’existence d’une relation contractuelle avec la personne référencée, d’un lien capitalistique avec elle ou d’une rémunération directe à son profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés. » ;
a) à c) (Supprimés)
b) Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : « la personne mentionnée au premier alinéa du présent article est également tenue » sont remplacés par les mots : « l’opérateur de plateforme en ligne est également tenu ».
II. – À compter de l’entrée en vigueur des mesures réglementaires nécessaires à l’application de l’article L. 111-7 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du présent I, l’article L. 111-6 du même code est abrogé.
L'amendement n° 575, présenté par MM. Camani et Lalande, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après l’article L. 100 du code des postes et des communications électroniques, tel qu’il résulte de l’article 40 de la présente loi, sont insérés trois articles ainsi rédigés :
« Art. L. 101. – On entend par opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication en ligne reposant sur :
« 1° Le classement ou le référencement de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
« 2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service.
« Art. L. 102. – Conformément au 6° du III de l’article L. 32-1, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veille à la capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à la diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et aux services de leur choix. Afin de veiller à ce que cette capacité puisse s’exercer y compris dans le cadre de l’utilisation des services proposés par les opérateurs de plateforme en ligne, l’Autorité promeut et peut assurer par elle-même la diffusion au public d’informations utiles, et dans ce cadre :
« – peut autoriser des tiers à se prévaloir de son approbation quand ceux-ci publient des informations qui présentent un intérêt particulier pour les utilisateurs de ces plateformes et sont élaborées dans des conditions garantissant l’indépendance de leur auteur et leur fiabilité. Le cas échéant, l’Autorité approuve au préalable la méthodologie retenue et le format de publication des informations. Elle retire son approbation lorsqu’elle constate, par tout moyen, que les conditions qui ont permis sa délivrance ne sont plus satisfaites. Dans ce cas, le tiers concerné cesse de s’en prévaloir ;
« – met en place en tant que de besoin des outils d’évaluation des pratiques de ces opérateurs de plateforme en ligne et peut publier, dans le respect des secrets protégés par la loi, les informations susceptibles de favoriser la liberté des utilisateurs ;
« – peut recueillir, de manière proportionnée aux besoins liés à l’application du présent article et sur la base d’une décision motivée, toute information utile auprès des opérateurs de plateformes en ligne. Elle peut sanctionner les manquements des opérateurs de plateforme en ligne aux décisions prises en application du présent alinéa dans les conditions prévues à l’article L. 36-11.
« Le présent article n’est pas applicable aux services qui permettent d’accéder principalement à des services ou contenus relevant de la communication audiovisuelle, telle que définie à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
« Art. L. 103. – Le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes saisit l’Autorité de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il pourrait avoir connaissance dans le cadre de l’application de l’article L. 102. Cette saisine peut être introduite dans le cadre d’une procédure d’urgence, conformément à l’article L. 464-1 du code de commerce. »
II. – L’article L. 111-5-1 du code de la consommation est abrogé.
La parole est à M. Pierre Camani.
J’ai souhaité présenter cet amendement en tant que membre du Conseil national du numérique et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, afin d’alimenter le débat sur la loyauté des plateformes.
Les problématiques liées au pouvoir de marché considérable de quelques géants d’internet constituent une préoccupation forte pour le Sénat.
En prévoyant l’instauration d’un principe de « loyauté » s’imposant aux grandes plateformes sur internet dans leurs relations avec les consommateurs, l’article 22 du présent projet de loi aborde un vrai problème. Toutefois, la solution proposée n’est peut-être pas entièrement satisfaisante.
Je crois nécessaire d’envisager la problématique des plateformes du point de vue des consommateurs, certes, mais également de celui des utilisateurs professionnels.
Dans un contexte de numérisation de l’ensemble de l’économie, il est essentiel d’apporter aux entreprises le maximum de sécurité et de confiance. Il faut en particulier les protéger des comportements parfois unilatéraux des grandes plateformes internet, points de passage obligés pour accéder aux marchés en ligne.
Par ailleurs, imposer un principe de loyauté au seul niveau national soulèverait des difficultés de mise en œuvre à l’égard des acteurs implantés à l’étranger. Même s’il pourrait théoriquement s’appliquer également à ces derniers, le dispositif de l’article risquerait d’affecter principalement les acteurs établis en France, donc la compétitivité de notre pays.
Les réponses réglementaires doivent venir de l’Europe. Une intervention à l’échelon national ne saurait procéder que du droit souple. Cette observation vaut également pour l’article L. 111-5-1 du code de la consommation, qui a été introduit par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et concerne les places de marché en ligne. L’amendement vise également à revenir sur ce dispositif.
Nous proposons donc d’organiser la mise en place d’un dispositif de notation des plateformes. C’est ce que le Conseil national du numérique propose dans son rapport intitulé « Ambition numérique ».
Cette solution consiste à accumuler de l’information sur les plateformes pour mieux comprendre leurs comportements et leurs interactions avec les consommateurs comme avec les utilisateurs professionnels, et à la restituer sous forme de tests comparatifs publics.
Compte tenu de la variété des plateformes, le dispositif proposé est ouvert, ce qui permettra à divers acteurs de contribuer.
Le mécanisme vise, d’une part, à inciter, par la publicité des informations, les plateformes à adopter des comportements plus vertueux, et, d’autre part, à permettre la construction d’un socle d’expertise objective renforçant la position des autorités françaises en vue de la définition au niveau européen d’un cadre réglementaire adapté.
L’État jouera dans ce dispositif un rôle de stimulant et de tiers certificateur, pour veiller à la sincérité et à la fiabilité des informations publiées par les différents contributeurs.
Néanmoins, il gardera la capacité d’obtenir des informations directement auprès des plateformes en cas de besoin.
M. Camani propose rien de moins qu’une réécriture intégrale de l’article 22, selon une logique tout autre que celle de la commission. Nous ne pouvons donc être d'accord…
Au demeurant, pour être conforme au droit européen, le dispositif sur la régulation des opérateurs de plateforme doit viser expressément la protection des consommateurs. Il est donc quelque peu incertain de l’inscrire dans le code des postes et communications électroniques, comme cela est proposé.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Le Gouvernement constate que les entreprises du numérique relèvent de modèles économiques nouveaux, fondés sur la captation des données, personnelles ou de consommation.
Cela soulève de nombreuses questions en termes de respect de la vie privée, de fiscalité, de pratiques commerciales, de respect des règles de consommation, de positionnement concurrentiel…
Nous sommes obligés de constater que nous manquons d’informations pour appréhender ces sujets dans leur globalité tant ils sont récents et tant il est incertain que nos cadres juridiques, qu’ils soient nationaux ou européens, sont aujourd'hui adaptés à appréhender ces modèles économiques nouveaux.
Dans ces conditions, nous avons décidé d’avancer prudemment et progressivement, en dotant l’État de la capacité d’observer activement ces pratiques, en lien naturellement avec l’écosystème et les régulateurs compétents, mais aussi avec les associations de consommateurs, le Conseil national du numérique et les entreprises.
À ce stade, il serait dommage de confier cette compétence d’emblée à une autorité administrative indépendante, ce qui nous ferait rater l’occasion de renforcer l’expertise de l’État sur ce sujet. Cela limiterait aussi son domaine à un champ sectoriel occupé à l’heure actuelle par l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
J’ajoute enfin que l’ARCEP se plaint de voir ses dépenses, en particulier de fonctionnement, diminuer du fait des contraintes budgétaires de l’État. Il serait délicat de lui confier une telle mission importante, par conséquent lourde en termes de ressources.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 589, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8, seconde phrase
Supprimer les mots :
, grâce à une signalisation explicite,
II. – Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Par cet amendement, nous souhaitons améliorer radicalement l’information du consommateur. Ces informations doivent être accessibles, lisibles et visibles pour les utilisateurs. Néanmoins, la référence à une signalisation explicite pour accueillir ces informations est excessivement précise.
Cet article a fait l’objet d’un important travail avec la Commission européenne, notamment avec les commissaires Oettinger, chargé de l’économie numérique, Jourová, chargée de la justice, et Ansip, vice-président de la Commission européenne.
Le second objectif de cet amendement est de maintenir l’article L. 111-6 du nouveau code de la consommation, relatif à l’activité des sites comparateurs. En effet, si la définition de l’opérateur de plateforme en ligne donnée désormais par l’article L. 111-7 du nouveau code de la consommation recouvre les sites comparateurs, son contenu ne vise pas précisément l’activité de comparaison en ligne. Il fallait donc apporter cette précision, pour bien indiquer que nous posions le principe d’une information loyale, claire et transparente, spécifiquement pour les comparaisons en ligne portant sur les prix et les caractéristiques des biens et des services, y compris sur ce qui relève de la publicité.
C’est une activité spécifique qui concerne un nombre d’acteurs bien plus faible que l’ensemble des plateformes et qui connaît des spécificités en termes d’informations souhaitées.
Cet amendement a été très attendu par les parties prenantes, aussi bien par les consommateurs et leurs associations que par les entreprises du secteur des comparateurs de prix. Il se trouve qu’en ce domaine les entreprises françaises sont très performantes. Elles souhaitent empêcher les concurrents moins-disants en matière de protection des consommateurs de dégrader la confiance des utilisateurs s'agissant de ce secteur. Il est important de ne pas abroger la base législative de ce travail.
L'amendement n° 111 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Supprimer les mots :
, grâce à une signalisation explicite,
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Les achats et la consommation de contenus ou de services en ligne, gratuits ou non, « monnayés » ou non par la publicité, ont pris une place croissante dans notre quotidien.
Nombreux restent pourtant les questionnements de l’internaute sur la transparence et parfois la véracité des informations auxquelles il accède sur le web.
Si le principe d’information loyale et claire est évidemment essentiel, il paraît inutile de le complexifier plus que nécessaire. En ce sens, l’usage excessif de pictogrammes risque de compliquer la lecture des pages visitées et la navigation dans son ensemble, sans intérêt réel pour l’expérience utilisateur, ainsi que pour les droits du consommateur.
Les grandes plateformes – Google, Yahoo, etc. – visées initialement par ce texte font en effet déjà usage d’une signalisation particulière pour les liens commerciaux dits « liens sponsorisés », qui sont une forme de publicité en ligne.
Par ailleurs, il est à noter que l’article 22 précise déjà que les informations devront « apparaître clairement ». L’objet du présent amendement est donc de supprimer la mention « grâce à une signalisation explicite », qui semble superflue, et de renvoyer la précision des modalités au décret.
L’amendement n° 589 du Gouvernement tend à supprimer l’abrogation différée de l’article L. 111-6 du code de la consommation proposée par la commission.
Or cette abrogation vise à éviter que deux régimes juridiques différents ne se recouvrent. Le futur article L. 111-7 concerne à la fois les moteurs de recherche, les comparateurs de prix et les places de marchés. L’article L. 111-6 ne concerne que les comparateurs de prix.
Il est vrai que le Gouvernement devrait prochainement, après deux ans d’attente, publier le décret d’application de l’article L. 111-6. Il serait dommage que ce décret tant attendu disparaisse du fait de l’abrogation de l’article L. 111-6.
La commission a tenu compte de cet inconvénient et a proposé d’y remédier en maintenant l’article L. 111-6 jusqu’à ce que les décrets d’application de l’article L. 111-7 prennent le relais du décret en cause. Ainsi, il n’y aura pas de solution de continuité dans la régulation et l’on évitera que deux régimes juridiques différents ne coexistent.
J’invite le Gouvernement à se rallier à cette solution de sagesse et à retirer son amendement n° 589.
L’amendement n° 111 rectifié vise quant à lui à supprimer une précision relative au caractère explicite de la signalisation qui ne me semble pas superflue.
Imposer une signalisation explicite du fait que le classement d’un produit a été acheté évitera que cette signalisation ne se retrouve en note de bas de page ou qu’elle soit suffisamment vague pour entretenir la confusion.
L’exemple des sites qui ont, d’eux-mêmes, mis en place une telle signalisation montre que « l’expérience utilisateur » ou la « navigation dans son ensemble » n’est pas aussi perturbée que l’indique l’objet de l’amendement.
Toutefois, il est vrai que le texte prévoit déjà que l’information doit être claire. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis de sagesse.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Je souhaite que M. le rapporteur réexamine sa position sur la signalisation explicite.
Il s’agit d’un domaine d’exercice de la libre prestation de services au niveau de la communauté et de fixation des conditions commerciales de concurrence. L’étiquetage ou la caractérisation publique des produits est un enjeu très important d’unité du marché intérieur. Tous ceux qui s’intéressent aux questions d’appellations d’origine contrôlée savent qu’il n’est plus possible, sauf accord au sein de l’Union européenne, d’instaurer des catégorisations fragmentant artificiellement le marché.
Comme l’a souligné très justement Mme la secrétaire d’État, dire qu’il existe des règles d’identification de la nature du service, de présentation des garanties, mais que nous, Français, nous demandons que tout cela fasse l’objet d’une signalisation explicite risque fort – c’est même une certitude – de donner lieu à un contentieux communautaire. Plutôt que de se mettre dans une passe difficile sur le plan européen, mieux vaut donc laisser s’instaurer ce dispositif, qui est déjà exigeant, et observer si des fraudes ou des abus empêchent le consommateur de profiter des garanties qui lui sont offertes.
J’abonderai dans le sens d’Alain Richard. La notion de signalisation explicite a expressément été considérée comme trop prescriptive par la commission européenne.
Nous sommes sur une ligne de crête. En cette matière, comme dans beaucoup d’autres, d’ailleurs, il s’agit de mesurer les marges de manœuvre réservées aux gouvernements nationaux pour ne pas emprunter un chemin exclusivement européen et bruxellois. C’est ce travail d’articulation très fine qui a été mené sur le texte pour l’ensemble des sujets couverts.
Il se trouve que, en cette matière, les négociations avec la Commission européenne pour nous permettre d’avancer et de renforcer davantage la protection des consommateurs, lorsqu’elles sont possibles, lient le gouvernement français : il y va de notre crédibilité pour continuer à peser dans le cadre des discussions numériques à Bruxelles.
Monsieur Richard, j’entends parfaitement vos arguments. C’est précisément la raison pour laquelle la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat au sujet de l’amendement n° 111 rectifié, qui vise à supprimer la référence à une signalisation explicite.
Je mets aux voix l'amendement n° 589.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 206 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 338, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Après le mot :
explicite,
insérer les mots :
et sur un dispositif consultable à tout moment,
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Cet amendement a pour objet que les descriptions génériques des informations à délivrer ne soient pas limitées à une simple mention dans les conditions générales d’utilisation.
La proposition de mettre en place une consultation possible à tout moment des indications sur les modalités de référencement est assez intéressante. Néanmoins, il me semble préférable de laisser au décret le soin de déterminer selon quelles modalités l’information sur les conditions de référencement des offres doit être portée à la connaissance du consommateur.
À ce stade, je sollicite le retrait de cet amendement, dont les dispositions semblent relever davantage du domaine réglementaire.
Le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement, étant entendu que nous avons l’intention, pour définir le contenu du décret d’application de cet article, d’organiser une consultation sur le modèle de celle qui avait été mise en place avec le Conseil national de la consommation au sujet des sites de comparaison en ligne.
Il est important de consulter les professionnels du secteur et les consommateurs pour connaître les modalités exactes d’affichage des informations.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
Rassurée par les propos de Mme la secrétaire d’État, je retire cet amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 338 est retiré.
L'amendement n° 465, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Supprimer le mot :
directe
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
Nous souhaitons revenir à la rédaction de l’article 22 du projet de loi initial.
Les « GAFA » et autres Microsoft sont devenus omniprésents dans notre vie quotidienne. Ces entreprises numériques sont de plus en plus hégémoniques, ce qui crée un fort ressenti de déséquilibre entre leur pouvoir et leurs usagers. Cela fait parfois très peur !
Le constat est vrai aussi pour d’autres plateformes plus modestes. C’est pourquoi il est impératif d’imposer un principe de neutralité des plateformes ou un principe de loyauté. C’est cette dernière option qui a été retenue par le projet de loi.
L’article 22 définit ces plateformes et les soumet au respect d’un cadre réglementaire minimum au profit du consommateur. Cette obligation de transparence porte, entre autres, sur les liens capitalistiques entre plateformes et personnes référencées, dès lors qu’ils influencent les classements, et sur les liens de rémunération avec les personnes référencées. Cette mesure est plutôt une bonne chose.
Toutefois, cette obligation a été restreinte, et seules les rémunérations directes doivent être mentionnées. Nous considérons quant à nous qu’il convient de revenir à l’article 22 tel qu’il était rédigé initialement.
Cet amendement tend à supprimer la référence à la rémunération directe.
Une telle suppression permet d’élargir le champ d’application et évite d’introduire trop d’insécurité juridique. Que serait une rémunération directe ou, a contrario, une rémunération indirecte ? Toute forme de rémunération doit être incluse dans le champ de l’obligation loyale et transparente.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Grand et Milon, Mmes Giudicelli et M. Mercier, MM. Vasselle, Gilles et Pellevat, Mme Micouleau, MM. Lefèvre, Bizet, Charon et Laménie et Mme Deroche, n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 80 rectifié ter, présenté par MM. Commeinhes, Gremillet, Chatillon, Longeot, A. Marc, Laménie et Husson, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 395, présenté par MM. Rome, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les opérateurs de plateforme en ligne ne favorisent pas leurs propres services ou ceux d'entités entretenant avec eux des liens capitalistiques par des signalétiques distinctives ou des espaces dédiés. »
La parole est à M. Yves Rome.
– les fonctions de moteur de recherche en position dominante et celles de prestataire de services.
Ces plateformes ont en effet pris l’habitude de favoriser leurs propres services ou filiales au détriment des sites concurrents. Ce traitement privilégié peut se traduire par un affichage préférentiel réservé à ces services ou filiales sur la première page de résultats du moteur de recherche : rang de classement, mais aussi espace dédié et encadrement particulier.
Le service du moteur de recherche est incontestablement avantagé lorsque la première page de résultats pour une recherche de billets d’avion, par exemple, est occupée pour moitié par un encadré affichant des offres tarifaires.
Google Shopping, par exemple, est tout à la fois un site de commerce et un comparateur de prix, les professionnels payant Google pour que leurs produits soient représentés sur son service.
Ces pratiques d’abus de position dominante trompent le consommateur et nuisent à de nombreuses entreprises du numérique.
Cet amendement a donc pour objet d’empêcher que des opérateurs de plateforme en ligne, étant à la fois comparateurs et vendeurs, ne favorisent leurs propres services, filiales ou partenaires par des signalisations privilégiées ou des espaces dédiés, au détriment des sites concurrents.
Cet amendement me laisse perplexe. On ne peut, sans porter atteinte à la liberté du commerce, interdire à un opérateur, quel qu’il soit, de faire, sur son site, la promotion de ses propres produits. Comment empêcher la FNAC, sur son propre site, de faire la promotion de ses produits ? Idem pour Google.
En revanche, on peut lui imposer d’être totalement transparent sur ce référencement promotionnel. C’est ce que prévoit d’ores et déjà l’article 22 de la commission.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, au profit du texte de la commission sur le sujet, qui est déjà complet. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Il s’agit certes d’un sujet important, mais les dispositions de cet amendement vont trop loin, au point que j’y suis défavorable.
Cet amendement vise à interdire tout affichage préférentiel, notamment de la part d’un moteur de recherche. Une telle disposition pourrait totalement remettre en question des modèles économiques librement choisis par les entreprises. Or, dans le domaine des pratiques commerciales, il est interdit d’interdire pour les États membres en raison de la directive européenne relative aux pratiques commerciales déloyales, en particulier.
Plus généralement, le choix de ce texte est de se placer du point de vue du consommateur, pour que celui-ci bénéficie d’une information transparente et puisse effectuer des choix éclairés. Ce qui importe, c’est de savoir qu’un produit a été référencé du fait d’un lien capitalistique, par exemple, ou que l’entreprise responsable d’une marchandise a payé à des fins de publicité.
Deux niveaux sont choisis : à l'échelon national, le terrain du droit de la consommation ; à l’échelon européen, le terrain du droit de la concurrence. C’est à ce niveau que la Commission européenne a engagé un certain nombre de procédures d’enquêtes de notification de griefs. D’autres en sont au stade du contentieux.
Je pense, en particulier, à la procédure ouverte par la Commission européenne contre Google concernant l’utilisation de Google Shopping ou encore, très récemment, à la notification de griefs contre Google, qui pourrait être accusé d’abus de position dominante dans sa relation avec les fabricants de terminaux, qui intègrent le système d’exploitation Android dans des proportions très majoritaires sur le marché des smartphones.
Il est important de comprendre sur quel terrain du droit nous nous situons. Le terrain commercial est, en l’occurrence, beaucoup trop invasif et il est interdit pour la France.
Je suis fier d’avoir pu poser le débat sur les plateformes. Il y a là un problème récurrent qui, à terme, si nous n’y prenons garde, risque de tuer toute l’économie et d’ôter tous moyens à la nation française d’agir au profit du bien-vivre ensemble.
Néanmoins, je retire cet amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 395 est retiré.
L'amendement n° 396 rectifié, présenté par MM. Rome, Leconte, Sueur et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le début du deuxième alinéa est ainsi rédigé : « Lorsque son activité consiste en la mise en relation de consommateurs avec des professionnels ou des non-professionnels, (le reste sans changement) » ;
II. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au troisième alinéa, la référence : « à l'article L. 221-6 » est remplacée par les références : « aux articles L. 221-5 et L. 221-6 ».
La parole est à M. Yves Rome.
Le code de la consommation prévoit que, lorsque des consommateurs ou des non-professionnels sont mis en relation, l’opérateur de plateforme en ligne fournit une information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur et sur les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale.
Cet amendement a pour objet d’élargir cette mesure aux opérateurs de plateforme en ligne lorsqu’ils mettent en relation les consommateurs avec des professionnels, vendeurs ou prestataires de service.
De nombreuses plateformes sont mixtes en ce sens qu’elles mettent en relation le consommateur avec des professionnels et des non-professionnels.
Il est donc important que l’information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur s’applique, que le consommateur soit mis en relation avec des non-professionnels ou avec des professionnels.
Par ailleurs, l’amendement tend à compléter le renvoi aux articles relatifs aux informations précontractuelles que doivent respecter les opérateurs de plateforme en ligne : il paraît essentiel de viser l’article L. 221-5 du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation.
C’est en effet cet article qui traite de la mention des informations précontractuelles : droit de rétraction, conditions des retours, coordonnées du professionnel…
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Là, monsieur Rome, nous allons nous retrouver !
Sourires.
L’amendement vise, notamment, à étendre l’obligation d’indiquer la qualité de l’annonceur. Cette disposition répond, par anticipation, à un certain nombre d’amendements qui suivent et qui ont tous pour point commun d’exiger que l’opérateur indique si l’annonceur est un professionnel ou non.
Cette obligation existe déjà, mais seulement lorsque le site met en relation un consommateur avec un non-professionnel. L’extension est utile.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Je comprends tout à fait l’objectif visé, mais je crains qu’une telle modification ne soit contre-productive.
En réalité, un tel amendement pourrait affaiblir l’obligation d’information applicable aux relations entre deux particuliers, puisqu’il s’agit d’élargir le régime du niveau d’information à fournir aux relations entre professionnels et consommateurs aux relations entre particuliers. Les deux régimes se trouveraient confondus alors, même qu’ils sont différents : il est normal que des obligations supérieures pèsent sur les entreprises et les professionnels qui s’adressent à des consommateurs. C’est tout l’objet du droit de la consommation que de protéger la partie la plus faible dans une relation contractuelle.
En l’occurrence, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques votée l’année dernière prévoit déjà que, lorsque deux non-professionnels sont mis en relation par une plateforme, celle-ci doit informer les consommateurs qu’ils ne pourront pas bénéficier du code de la consommation.
Étendre ce dispositif aux relations entre consommateurs et professionnels affaiblirait le niveau d’information demandé. Il est donc très important de conserver la distinction entre relation B to B et relation B to C – pardonnez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d’user d’expressions anglo-saxonnes !
Je me demande si les positions du Gouvernement et de la commission ne sont pas conciliables.
Il me semble – pardonnez-moi d’improviser – que le raisonnement du rapporteur, qui me paraissait convaincant à l’oreille, tient parfaitement si le site met l’usager en contact avec, à la fois, des professionnels et des consommateurs.
Or la rédaction proposée par notre collègue prévoit que ce sera « avec des professionnels ou des consommateurs » et se heurte donc à l’objection de Mme la secrétaire d’État, posée dans les termes suivants : si le site ne met en relation que des particuliers, il n’a pas à entrer dans cette catégorie-là.
Si M. Rome acceptait de remplacer la préposition « ou » par la conjonction « et », on aboutirait à une solution juste.
Vous faites toujours des suggestions fort judicieuses, monsieur Richard !
Je ne pourrais cependant y souscrire qu’au cas où M. le rapporteur, qui a donné un avis favorable sur mon amendement, s’y rangeait également. Toutefois, je ne veux pas le mettre en difficulté en acceptant cette suggestion sans prendre son avis.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je suis « non opposé » à cette proposition de rectification.
Sourires.
Je ne suis pas certaine d’avoir compris le raisonnement juridique de M. Richard.
Vous proposez bien, monsieur le sénateur, de remplacer dans l’amendement « ou » par « et » dans le début du deuxième alinéa, ainsi rédigé : « Lorsque son activité consiste en la mise en relation de consommateurs avec des professionnels ou des non-professionnels » ?
Je crains que l’impact d’une telle disposition ne soit beaucoup plus large que l’objectif initial, dans la mesure où en entre là sur le terrain du droit de la concurrence. Il est ici question, en effet, de relations entre deux professionnels.
Le droit européen nous interdit de prévoir une telle disposition.
Nous avons choisi, dans ce projet de loi, de rester dans le domaine du droit de la consommation, donc uniquement sur le terrain des relations entre les professionnels et les consommateurs. En effet, ce qui relève du droit de la concurrence est actuellement négocié à Bruxelles. C’est à cette condition que nous avons obtenu le feu vert de la Commission européenne pour avancer de manière pionnière.
Tous les pays européens s’interrogent aujourd'hui sur la nécessité de réguler ou non les plateformes. La Commission européenne a lancé, à l’automne dernier, une consultation sur le sujet, et nous en sommes aux premiers balbutiements de la réflexion.
On peut imaginer que si ce travail devait aboutir à une législation européenne, celle-ci ne verrait pas le jour avant plusieurs années. C’est la raison pour laquelle la France a souhaité aller de l’avant, afin de progresser sur la question de la régulation des plateformes. Nos amis allemands s’intéressent aussi de près à ce sujet.
Je le répète, nous ne pouvons agir ainsi qu’à la condition de ne pas entrer dans le domaine du droit de la concurrence, dans la mesure où la Commission s’intéresse à cette branche du droit, aux plans non seulement législatif, mais aussi contentieux et judiciaire. Plusieurs procédures sont en cours – je les ai citées –, qui visent justement à occuper ce terrain concurrentiel.
Étant donné la taille du marché concerné, les États membres doivent s’effacer pour laisser la Commission européenne exercer ses prérogatives.
M. le président. Monsieur Rome, maintenez-vous votre amendement en l’état, en dépit des efforts constructifs de M. Richard ?
Sourires.
Oui, monsieur le président, sauf si M. le rapporteur donnait son accord pour que je le modifie.
Je souhaite apporter une précision à ce stade à propos de la distinction entre « ou » et « et ».
Le « ou » n’est pas exclusif. Il nous permet de faire figurer, dans l’article L. 111-7 du code de la consommation, la mise en relation de consommateurs avec des consommateurs, avec des professionnels et avec des non-professionnels. Tous les champs de mise en relation sont couverts. Je suis donc favorable au maintien de la préposition « ou » dans l’amendement.
La conjonction « et », en revanche, serait de nature à induire en erreur et à donner un caractère restrictif à la disposition. Je préférerais donc que l’on en reste ce soir, et peut-être jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire, à la rédaction présente de l’amendement.
Encore une fois, grâce à la préposition « ou », la rédaction est plus ouverte, non restrictive et permet toutes les mises en relation.
Sourires.
Je souhaite réagir à l’argument avancé par Mme la secrétaire d’État. L’intention de l’auteur de l’amendement est clairement la protection du consommateur, et il n’est pas question ici de droit de la concurrence. Sur eBay, par exemple, il y a des professionnels et des particuliers, et il faut pouvoir distinguer les uns des autres.
Autre exemple, sur Airbnb, on trouve, à la fois, le particulier qui loue occasionnellement son appartement et l’agence qui loue plusieurs appartements pour le même particulier ou pour d’autres. On aimerait pouvoir les distinguer !
Telle est, selon moi, l’intention de M. Rome. Si c’est le cas, nous parlons bien de la protection du consommateur. Dans ces conditions, les dispositions de cet amendement me conviennent.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je remercie M. Dallier d’avoir explicité mon propos.
M. Philippe Dallier s’exclame.
Sourires.
Son intervention conforte la rédaction présente de l’article. Celle-ci vise justement à clarifier cette distinction, qui emporte des conséquences juridiques très importantes, notamment en termes de niveau d’obligations pesant sur les personnes concernées, qu’il s’agisse de professionnels ou de particuliers.
J’ai l’impression que nous sommes parfois tentés, collectivement, de jouer aux apprentis sorciers… Le choix fait dans ce texte est de se situer sur le terrain du droit de la consommation et des relations entre les entreprises et les particuliers.
Lorsqu’un particulier devient un professionnel et touche des revenus de cette activité professionnelle, cela emporte des conséquences tout autres, notamment en matière de fiscalité. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de traiter ce sujet à l’occasion de l’examen d’autres articles.
En l’occurrence, nous traitons de l’information claire, loyale et transparente que doivent les plateformes aux consommateurs. Attention à ne pas faire dériver la question sur un autre terrain, qui emporte l’application d’un droit totalement différent !
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 626, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer les mots :
du présent article
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 125 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Guerriau, Bonnecarrère, Luche et Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Marseille, Gabouty et Pellevat.
L’amendement n° 131 est présenté par M. Navarro.
L’amendement n° 147 rectifié bis est présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, Gremillet, Longeot, Laménie et A. Marc.
L’amendement n° 466 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un décret précise les modalités de définition de la qualité de l’annonceur sur la base de critères objectifs prenant notamment en considération des indicateurs de fréquences et le montant des revenus générés par l’utilisateur, ainsi que le secteur concerné. »
Les amendements n° 125 rectifié, 131 et 147 rectifié bis ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l'amendement n° 466.
Cet amendement suggéré par UFC-Que Choisir ? vise à introduire une obligation d’information des plateformes relative à la distinction entre professionnel et particuliers à l’égard des consommateurs. C’est un peu le même débat que celui que nous avons eu à propos de l’amendement n° 396 rectifié de M. Rome.
L’objectif est de renforcer l’information des consommateurs en donnant les mêmes obligations d’information à toutes les plateformes, qu’elles mettent en relation des non-professionnels ou des professionnels et des non-professionnels.
La loi, à laquelle vous avez fait référence, madame la secrétaire d’État, du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », prévoit une obligation d’information sur la qualité de l’annonceur à la charge des plateformes, uniquement pour celles qui mettent en relation des non-professionnels.
Étant donné que la plupart des plateformes sont mixtes, c’est-à-dire qu’elles mettent en relation des professionnels et des non-professionnels, il nous paraît important de préciser que cette obligation concerne tout type de plateforme.
Cette clarification du statut est également nécessaire pour une bonne information sur les droits de l’acheteur, lesquels seront différents selon qu’il contracte avec un particulier ou un professionnel.
Compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 396 rectifié de M. Rome, celui que vient de défendre M. Bosino est largement satisfait. Je lui demande donc de bien vouloir le retirer.
L’article L. 111-7 du code de la consommation prévoit d’ores et déjà que l’opérateur de plateforme doit informer sur la qualité du prestataire ou du vendeur. Nous venons d’étendre cette obligation aux situations où la plateforme met en relation des consommateurs avec des professionnels ou des non-professionnels.
Dès à présent, le Gouvernement peut, s’il le souhaite, imposer que l’information délivrée réponde aux exigences mentionnées par les auteurs de l’amendement. Il n’a pas besoin d’une habilitation législative.
J’ajoute que le dernier alinéa de l’article L. 111-5-1 du code de la consommation prévoit d’ores et déjà que « le contenu de ces informations et leurs modalités de communication sont fixés par décret ». De grâce, évitons les redites !
Il s’agit d’un problème non pas de loi, mais de volonté politique. Je ne doute pas que celle du Gouvernement soit acquise à cette cause.
L’amendement a pour objet d’imposer aux plateformes d’informer les consommateurs quant à la qualité de l’annonceur, professionnel ou particulier.
Il est important de renforcer la protection des consommateurs en exigeant que l’information qui leur est délivrée soit plus complète. Le statut de particulier ou de professionnel détermine en effet le droit applicable au contrat de vente ou de service qui sera conclu. Par exemple, si le vendeur est un professionnel, le consommateur bénéficie d’un droit de rétractation. Tel n’est pas le cas si le contrat de vente émane d’un non-professionnel.
Ces remarques illustrent mes propos précédents : selon que l’on se situe sur le terrain d’une relation entre des professionnels et des consommateurs, ou entre deux particuliers consommateurs, le droit applicable est totalement différent.
C’est la même chose en matière de fiscalité, où le caractère professionnel ou non dépend d’un faisceau d’indices que l’on ne peut résumer à une seule mention, comme c’est le cas dans cet amendement. Ces indices sont notamment la participation personnelle, directe et continue du contribuable à l’activité, ou encore, pour certains types d’activités, l’importance des revenus qui sont engendrés – je pense notamment aux plateformes de mise en location d’appartements.
Le statut professionnel ou non a des conséquences fiscales, en particulier, très importantes. Le Gouvernement a donc choisi d’étudier les situations au cas par cas pour caractériser ce moment où un particulier peut éventuellement devenir un professionnel.
Dans l’univers économique numérique, où le statut des plateformes et les relations entre les différentes parties prenantes varient énormément d’un secteur à l’autre, il est important de soutenir cette approche au cas par cas, pour qu’elle « colle » le plus possible à la réalité.
En matière fiscale, par exemple, depuis qu’a été votée dans la loi de finances l’obligation de transmettre à l’utilisateur le relevé de ses revenus sur une base annuelle, pour qu’il puisse ensuite déclarer ces derniers à l’administration fiscale, Bercy a engagé ce travail de détermination la plus fine possible, au cas par cas, du régime de distinction entre professionnels et particuliers.
Les conclusions de cette étude seront rendues en juillet prochain. Il s’agit d’un travail assez laborieux et fastidieux.
Je crains que ce type de disposition législative d’ordre général n’induise davantage de confusion juridique qu’autre chose, dans la mesure où elle ne permet pas de « coller » à la situation.
L’amendement n° 396 rectifié d’Yves Rome, dont les dispositions allaient dans le même sens, ayant été adopté, nous retirons le nôtre, monsieur le président, même si nous considérons que nous aurions pu aller un peu plus loin encore dans la protection des consommateurs.
L’amendement n° 466 est retiré.
L’amendement n° 397 rectifié, présenté par MM. Leconte, Rome, Sueur et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa du III de l’article L. 441-6 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Tout prestataire de service est également tenu à l’égard de tout destinataire de prestations de service des obligations d’information définies aux articles L. 111-2 et L. 111-7 du code de la consommation. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement vise les relations entre professionnels. Il a pour objet d’étendre le principe de loyauté aux relations entre les opérateurs de plateformes en ligne et les professionnels.
L’article L. 441-6 du code de commerce impose déjà aux professionnels de respecter, dans leurs relations avec d’autres professionnels, certaines dispositions du droit de la consommation.
L’amendement tend donc à rendre applicable l’article L. 111-7 du code de la consommation aux relations entre professionnels. Les dispositions dudit article obligent l’opérateur de plateforme en ligne à délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, biens et services.
L’amendement tend à introduire une obligation de transparence propre aux relations commerciales s’appliquant aux plateformes en ligne. Il s’agit de permettre aux professionnels ayant contracté avec certaines plateformes devenues incontournables, et souvent dominantes, de mieux appréhender les conditions d’exécution de sa relation contractuelle, notamment les conditions de référencement, de classement et de déréférencement.
L’objet de l’amendement est donc d’élargir l’article L. 111-2 du code de la consommation.
M. Leconte souhaite étendre à l’ensemble des prestataires de services des obligations que les opérateurs de plateforme ont vis-à-vis des consommateurs.
La disposition proposée est contraire à la directive sur le commerce électronique en ce qu’elle impose une contrainte supplémentaire aux services de communication électronique, qui n’est pas justifiée par la protection des consommateurs.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’article L. 111-2 du code de la consommation s’appliquant déjà, j’ai du mal à comprendre l’argumentation de M. le rapporteur.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 397 rectifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois…
Dans ce cas, je retire mon amendement !
Il ne sert à rien de faire des scrutins publics avec, dans l’hémicycle, trente sénateurs qui émettent trois cent cinquante votes ! Ce n’est pas raisonnable, alors même que les internautes nous regardent en masse…
L’amendement n° 397 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 22, modifié.
L'article 22 est adopté.
L’amendement n° 113 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Zocchetto, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les opérateurs de plateforme en ligne ayant pour finalité d’apporter des réponses à des requêtes de toutes natures, en puisant dans l’universalité des contenus disponibles sur internet, sous forme de texte, d’image et de vidéo, selon un ordre de préférence au moyen d’algorithmes informatiques, constituent des moteurs de recherche généralistes et horizontaux de l’internet.
Le fait pour les services de moteurs de recherche généralistes et horizontaux de l’internet tels que définis au premier alinéa, dès lors qu’ils sont en situation de position dominante au sens de l’article L. 420-2 du code de commerce, de favoriser leurs propres services ou ceux de toute autre entité ayant un lien juridique avec eux, dans leurs pages de résultats de recherche générale, en les positionnant et en les mettant en évidence indépendamment de leur niveau de performance est constitutif d’une pratique prohibée par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce.
L’Autorité de la concurrence peut prendre toute mesure adéquate pour faire cesser ces pratiques dans les conditions prévues à l’article L. 464-1 du même code.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
L’avancée contenue dans ce projet de loi réside dans le principe de la libre disposition des données et dans le principe, que notre groupe a toujours défendu, de loyauté des plateformes, qui trouve sa justification dans la nécessité de compenser un déséquilibre structurel entre la plateforme, parfois en situation de monopole, voire d’oligopole, sur un marché et ses utilisateurs, particuliers comme professionnels.
Dans le cadre de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, le Sénat avait d’ailleurs adopté à l’unanimité l’un de mes amendements sur ce sujet, qui a été rejeté par la suite lors des débats à l’Assemblée nationale. Je me réjouis que le présent projet de loi le reprenne en partie.
Afin de donner toute leur force à ces dernières avancées, je pense nécessaire de proposer quelques évolutions. Il s’agit notamment de distinguer clairement un moteur de recherche d’autres services qui tendent également à référencer du contenu mis en ligne par des tiers, mais qui s’en distinguent par leur vocation à référencer l’intégralité des contenus que le web peut receler, indépendamment d’une typologie particulière, d’un service ou d’un produit particulier. C’est toute la différence entre un moteur de recherche « horizontal » et un moteur de recherche « vertical ».
Il est vraiment nécessaire de cerner les contours de cette activité, qui est bien spécifique, parce qu’elle est déterminante pour le développement de l’économie numérique, vers laquelle le moteur de recherche offre parfois l’unique porte d’entrée.
Il faut donc que des obligations spécifiques s’attachent au statut du moteur de recherche et que l’on s’assure avant tout que de tels services soient neutres dans leur référencement et leur classement, dès lors que le moteur de recherche est en position dominante sur le marché.
L’amendement vise à prévoir, dans un premier temps, une définition du moteur de recherche suffisamment précise pour éviter toute confusion avec d’autres services.
Dans un second temps, il tend à reprendre strictement les termes de la Commission européenne, utilisés dans son communiqué de presse du 15 avril 2015 faisant référence à sa notification de griefs à Google en 2015. La Commission y considérait que, dès lors qu’un moteur de recherche est en position dominante sur un marché, dans les conditions prévues par le code de commerce, et qu’il favorise ses propres services indépendamment de leur niveau de performance, alors la pratique est constitutive d’un abus de position dominante.
L’amendement vise également à permettre à l’Autorité de la concurrence de prendre les mesures conservatoires utiles et proportionnées pour faire cesser ladite pratique.
En effet, il est impératif, au regard des délais constatés dans le cadre de la procédure en cours devant la Commission européenne, que le législateur prévoie la mise en œuvre de mesures efficaces pour porter assistance aux entreprises, souvent nationales, menacées d’être évincées de leur marché du fait de ces pratiques.
Cet amendement, que je trouve intéressant, voire savoureux, vise à appliquer les règles de la concurrence aux moteurs de recherche, et à l’un d’entre eux en particulier.
Vous souhaitez sans doute, madame Morin-Desailly, lancer un débat sur le risque de pratiques anticoncurrentielles de certains moteurs de recherche en situation de quasi-monopole.
M. Alain Richard. C’est un risque assez caractérisé, pour ne pas dire une certitude !
Sourires.
Merci de devancer mon propos, monsieur Richard !
Toutefois, les pratiques visées par l’amendement sont d’ores et déjà susceptibles d’être réprimées sur le fondement de notre droit de la concurrence. Je m’interroge sur la nécessité de les répéter au détour d’un article additionnel après l’article 22 du projet de loi…
J’ajoute que la société visée par l’amendement fait déjà l’objet d’une procédure engagée par la Commission européenne sur la question de son système d’exploitation pour les smartphones. Les moyens d’agir existent déjà pour condamner de telles pratiques. L’actualité nous le montre et cette entreprise en fait l’expérience.
Attendons de voir le résultat de la procédure en cours avant de durcir notre droit sur les pratiques anticoncurrentielles de ces sociétés exerçant, je le répète, un quasi-monopole.
Le droit en vigueur semblant satisfaire les exigences formulées dans cet amendement, je sollicite le retrait de ce dernier.
Cet amendement vise à définir précisément ce qu’est un moteur de recherche.
Madame la sénatrice, vous réintroduisez l’interdiction, spécifiquement appliquée aux moteurs de recherche, de favoriser leurs propres services.
Or il n’est pas possible d’introduire une telle définition dans le droit français, alors même que sont définies plus largement les plateformes. On voit mal, en effet, pourquoi les moteurs de recherche seraient distincts des places de marché, lesquelles seraient distinctes des sites de vente électroniques, qui seraient à leur tour distingués des sites de mise en relation, d’annonces…
Par ailleurs, les critères que vous citez sont remplis dans la mesure où ils existent d’ores et déjà dans le droit de la concurrence.
Des enquêtes sont en cours, au niveau tant national qu’européen. Il appartient aux autorités chargées de faire respecter la concurrence et qui mènent ces enquêtes de se prononcer ; si ce n’est pas encore le cas, cela ne saurait tarder.
Observez ce qui se passe dans les autres pays, notamment aux États-Unis. Croyez-vous vraiment que, parce que le législateur américain voterait une telle disposition au Congrès, cela permettrait d’instaurer un rapport de force suffisant pour faire cesser un abus de position dominante d’une des entreprises pesant le plus lourd dans le monde ? Non !
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
En revanche, si l’Autorité de la concurrence américaine jugeait de manière indépendante que, selon les critères définis dans le droit, il y a bien preuve d’un abus de position dominante, alors l’impact de ce jugement serait immense et traverserait l’Atlantique.
De la même manière, si la Commission européenne, qui mène une enquête portant sur le marché européen, soit 500 millions de consommateurs, devait décider que Google exerce un abus de position dominante, cette décision aurait un impact très fort sur le modèle économique de l’entreprise concernée.
Je ne verse ni dans le défaitisme ni dans l’impuissance, madame la sénatrice, …
… mais je vous rappelle que des tentatives de ce type ont déjà été faites l’année dernière dans cet hémicycle.
Sur un tel sujet et face à des entreprises d’une telle puissance, il nous faut, pour une fois, faire confiance à l’Europe.
Les 28 pays européens, qui constituent un immense marché de consommateurs, intéressent au premier chef les entreprises concernées. Or, si tous ces pays et la Commission européenne décidaient qu’il y a abus de position dominante, le retentissement de cette décision serait bien plus fort, croyez-moi, que celui d’une disposition législative telle que celle que vous proposez ! Celle-ci aurait d’ailleurs bien du mal à être appliquée.
On peut toujours se faire plaisir et s’amuser… Mais il est préférable d’être sérieux, car il s’agit de faire du droit. Nous sommes là dans le domaine du droit de la concurrence, qui inclut un certain nombre de critères.
L’exercice proposé ici est maladroit et inopportun. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Madame la secrétaire d’État, la différence qui existe entre les moteurs de recherche et les autres plateformes que nous avons évoquées tient tout simplement à la place que ces moteurs de recherche ont prise dans la vie de nos concitoyens.
Toute personne dotée d’un smartphone ou d’un ordinateur peut aujourd’hui avoir spontanément recours à un moteur de recherche. Encore faut-il que les résultats de la première page, c'est-à-dire les dix premiers résultats, soient frappés de la plus grande objectivité. En tant que représentants au Parlement de nos concitoyens, nous sommes sensibles à ces questions.
L’objectif est de faire en sorte que le droit de la concurrence soit respecté dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Dans votre intervention, madame la secrétaire d'État, vous dites à la fois que nous avons à notre disposition tous les outils juridiques nécessaires pour faire cesser cette situation et que, face à la dimension internationale de Google, puisque c’est l’entreprise dont nous parlons et dont chacun sait qu’elle est, d’un point de vue financier, plus puissante que certains États, nous devrions baisser les bras.
Même si nous sommes un jeudi soir et que l’heure est tardive, le Sénat doit rappeler la vigilance absolue du Parlement français quant à la situation de cette entreprise, qui intervient dans la vie quotidienne de milliards d’habitants dans le monde et de millions de nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que cet amendement soit adopté. Cela permettrait d’envoyer un signal extrêmement fort de la part du Parlement français, dans un texte qui parle précisément – pour le coup, il serait bien nommé ! – de République numérique.
En cohérence avec l’intitulé du texte « République numérique », et parce que j’ai défendu des amendements très proches de celui de Mme Morin-Desailly, nous voterons en faveur de cet amendement, pour éviter qu’il y ait un abus de position dominante au Sénat du fait d’un scrutin public.
M. Hervé a conclu son intervention de la meilleure manière pour démontrer que ce dont nous parlons ici ne correspond pas à un vote législatif. Vous avez dit, mon cher collègue, qu’il s’agissait de donner un signal. Il arrive régulièrement, et cela ne date pas d’hier – si on lit le Journal officiel des années 1880, on retrouve la même chose –, que l’on cherche, par le geste de légiférer, à faire autre chose qu’une loi : envoyer un signe au public.
Je voudrais revenir un instant sur un point. Je crois honnêtement que toutes les composantes de l’abus de position dominante sont réunies dans le cas de Google. Cette affaire est actuellement en litige devant l’instance qui, en notre nom depuis le traité de Rome, est compétente à l’échelle du marché européen pour censurer les positions dominantes. Ce ne sera ni la première ni la dernière fois.
Toutefois, si nous votons un texte pour dire simplement, en substance : « Mesdames, messieurs de la Commission européenne dont c'est la mission, faites votre office de constater l’abus de position dominante », il aura le caractère d’une résolution et non celui d’un article de loi.
Cela dit, ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu’un Parlement serait quelque peu futile !
M. Philippe Dallier. Madame la secrétaire d'État, ce qui m’a perturbé dans votre réponse, c'est de vous entendre dire que, même si le Congrès américain votait une loi pour contraindre Google à être loyal dans les réponses qu’il affiche, cela n’aurait pas d’importance. S’il en est ainsi, autant lever la séance tout de suite et rentrer chez nous ! Cela réglera le problème de l’insuffisance présence en séance des sénateurs Les Républicains ce soir.
Sourires.
En nous répondant cela, vous nous donnez le sentiment que le législateur, que ce soit ici ou aux États-Unis, n’y peut d’ores et déjà plus rien : les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon – seraient dans un tel état de position dominante que tout serait terminé, qu’il n’y aurait plus rien à faire…
Comme Catherine Morin-Desailly, je suis très inquiet de la tournure que tout cela prend. On voit bien la puissance de ces sociétés, la puissance de collecte de ces moteurs de recherche et ce qu’ils vont pouvoir en faire. Il est bien beau que tout le monde soit connecté avec des Iphones, des compteurs Linky, entre autres : Big Brother, c'est déjà fait !
Si maintenant on nous explique que ce n’est même plus la peine d’essayer de légiférer parce que cela n’aura pas de portée, alors il y a de quoi s’inquiéter ! Pour ma part, je serais tenté d’être un peu futile ce soir et de voter l’amendement, pour envoyer un signal.
Mon volontarisme en la matière devrait suffire à démontrer qu’il n’y a pas lieu de mettre en cause le souhait du Gouvernement d’introduire des règles permettant d’instaurer des rapports plus équilibrés dans l’environnement économique numérique.
Je l’ai peut-être formulé maladroitement à cette heure tardive, mais ce que j’ai voulu dire en parlant du législateur américain, c’est que, aujourd’hui, les outils existent dans le droit de la concurrence pour caractériser un abus de position dominante. Ce travail est en cours, que ce soit aux États-Unis, en France, dans d’autres pays de l’Union européenne ou au niveau européen. Finalement, l’exercice auquel se prête en ce moment même le Sénat, c'est de faire le juge. Néanmoins, que ce soit au travers de l’Autorité de la concurrence ou d’un tribunal de commerce, le droit est là.
Ce n’est pas en donnant une définition d’un moteur de recherche – pourquoi pas un réseau social ? Facebook est aussi dominant que Google sur un autre secteur d’activité ! –, sans modifier les critères du droit de la concurrence, que l’on changera quoi que ce soit à l’affaire.
Les critères sont très solides : ils figurent dans le code de la concurrence et dans le code de commerce. En ce moment, ils sont pris en compte pour étudier très précisément les pratiques commerciales et concurrentielles de l’entreprise en question. Des décisions sont attendues. Si elles devaient conclure à un abus de position dominante, elles auraient un retentissement considérable et plus encore si elles étaient prises au niveau européen, car la totalité du marché européen serait alors concernée.
Modifier à ce stade, à la marge, le droit de la concurrence français ne changerait pas grand-chose à l’affaire. En revanche, appliquer correctement le droit de la concurrence, qu’il soit français ou européen, selon l’analyse de marché qui est faite, pourra peut-être entraîner des décisions importantes.
La première décision Commission européenne contre Google devrait être rendue cette année. La France fait partie des États qui attendent cette décision. La nouvelle commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager, montre une détermination politique bien plus forte que son prédécesseur. En ce sens, elle est très soutenue par la France.
J’espère vous avoir démontré que là où nous avons des marges de manœuvre – nous en avons, j’en suis persuadée –, là où nous pouvons avancer, parce que le droit n’est pas complet et qu’il faut le renforcer, c’est sur le terrain du droit de la consommation. En tant que particuliers, nous sommes en droit de demander a minima de connaître les produits bénéficiant d’un lien publicitaire, financier ou contractuel qui explique le référencement préférentiel.
Sur ce terrain, nous pouvons modifier très rapidement beaucoup de choses, mais il faut aussi faire preuve de réalisme juridique. Ce n’est pas du tout un message de défaitisme que je vous ai envoyé.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Madame la secrétaire d'État, vous m’avez dit qu’il fallait être sérieux. Or je suis sérieuse ! Je suis même plus que cela, je suis inquiète. Je souscris d’ailleurs à cet égard aux propos de Philippe Dallier.
Il est vrai que cet amendement s’inscrit dans le contexte du contentieux européen engagé par la Commission depuis 2010. Toutefois, il n’y a pas que Google ; vous le savez bien, il y a eu Microsoft pendant des années. En effet, la commissaire Vestager a montré bien plus de courage et de volonté que son prédécesseur, qui privilégiait plutôt la transaction.
Au demeurant, je note qu’une nouvelle notification des griefs a été faite la semaine dernière. Néanmoins, le dossier a tout de même du mal à avancer. On connaît la lenteur du processus européen…
Pendant ce temps-là, que se passe-t-il pour nos entreprises ? Elles se créent, puis disparaissent rapidement quand elles sont dans leur mutation numérique et qu’elles dépendent de cette seule porte d’entrée, que l’on pourrait d’ailleurs considérer comme une facilité essentielle, puisqu’on sait bien que Google représente 95 % des recherches. Cela signifie que ces moteurs de recherche ont droit de vie et de mort sur nos entreprises en favorisant leurs propres services par le biais de leurs algorithmes.
La question est donc vraiment sérieuse et mérite d’être posée. M. Richard évoquait les résolutions. Avec Gaëtan Gorce, j’ai cosigné deux propositions de résolution qui ont été votées à l’unanimité et qui sont devenues des résolutions du Sénat. Pour quel résultat ? Aucun ! Cela n’avance pas.
On peut envoyer certains signaux. Je rappelle que pour ce qui concerne la TVA sur le livre numérique – David Assouline, ici présent, le sait très bien –, nous avons été avant-gardistes. Nous l’avons votée en dépit de tout ce qu’on nous disait sur la législation européenne. Et au bout du compte, nous avons eu gain de cause.
Même si c'est de l’ordre du symbolique, nous ne vivons pas des temps ordinaires. Je suis très inquiète de voir dans quel monde nous allons vivre. Il ne s’agit pas de mettre un coup d’arrêt au développement numérique, y compris celui d’une entreprise comme Google, pour ne citer qu’elle, mais ce problème ne concerne pas que ce moteur de recherche et cette plateforme suspectée d’abus de position dominante. Si on ne tente pas de réguler, alors en effet, comme l’a dit Philippe Dallier, autant rester chez nous et attendre passivement que les années passent et que rien ne soit jamais résolu !
À la lumière de nos échanges, j’estime que la position de la commission peut évoluer sur cet amendement.
Comme l’a souligné notre rapporteur et Mme la secrétaire d'État, il y a déjà, me semble-t-il, dans le droit de la concurrence les éléments permettant d’entreprendre des poursuites contre les sociétés qui gèrent des moteurs de recherche et sont, pour la distribution d’autres services, dans une situation d’abus de position dominante.
Pour autant, les dispositions de cet amendement ne viennent en rien contredire le droit en vigueur. Elles permettent, en donnant des pouvoirs à l’Autorité de la concurrence, de spécifier de manière assez précise les pratiques qui seraient interdites pour certains opérateurs du Net – pas pour tous d’ailleurs, ce qui constitue peut-être une faiblesse de cet amendement. Ce dernier a néanmoins le mérite de viser à renforcer nos capacités de lutte contre ces risques d’abus de position dominante.
Je ne suis pas sûr que, dans sa rédaction actuelle, l’amendement soit pleinement abouti, mais j’aimerais que le Sénat lui donne une chance de prospérer, en permettant au débat de se prolonger jusqu’à la commission mixte paritaire.
C'est la raison pour laquelle, en ce qui me concerne, je voterai en faveur de cet amendement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22.
L'amendement n° 398, présenté par MM. Rome, Leconte, Sueur et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 441–… ainsi rédigé : :
« Art. L. 441–… – I – Tout opérateur de plateforme en ligne défini à l'article L. 111-7 du code de la consommation et dont l'activité dépasse un seuil de nombre de connexions défini par décret est tenu d'indiquer toute modification substantielle apportée aux conditions générales d'utilisation du service d'intermédiation qu'il propose, aux modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens et services auxquels ce service permet d'accéder et, le cas échéant, aux modalités d'accès à son interface de programmation, dans un délai raisonnable et préalablement à cette modification.
« II – L'opérateur de plateforme en ligne fait apparaître clairement cette information.
« III – Toute infraction aux dispositions du présent I est punie d'une amende de 75 000 €. »
La parole est à M. Yves Rome.
De par leur importance et leur fonction d’intermédiaire, certains grands opérateurs de plateforme en ligne sont devenus incontournables pour les professionnels. Leur position dominante a créé un véritable déséquilibre dans leurs relations avec les utilisateurs professionnels.
Les plateformes en ligne ont en effet la possibilité de prendre des décisions unilatérales ou de concurrencer les entreprises utilisatrices avec leurs propres services ou filiales : un déréférencement, un changement des algorithmes ou des conditions d’accès à une interface de programmation sont souvent appliqués sans concertation et même sans avertissement.
Ces pratiques d’abus de position dominante sont condamnables : elles peuvent affecter fortement l’activité de ces entreprises et fausser le jeu de la concurrence.
Cet amendement a donc pour objet que les plus gros opérateurs de plateforme en ligne aient a minima des obligations d’information à l’égard de leurs utilisateurs professionnels, préalablement à toute modification substantielle apportée aux conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation, à leurs politiques tarifaires, à leurs politiques de contenus, aux modalités de référencement et de classement et d’accès à l’interface de programmation. En effet, il nous a été relaté de nombreux échecs commerciaux consécutifs à des déréférencements sur des plateformes.
M. Rome nous propose avec cet amendement de créer une obligation, pour les opérateurs de plateformes, d’informer sur la modification de leurs conditions de référencement.
Cette obligation d’informer les professionnels ou les prestataires de service de l’évolution de leurs algorithmes de classement devrait même intervenir avant que la modification ne soit engagée.
On peut comprendre l’objectif visé, mais force est de constater qu’une telle obligation serait malgré tout contraire à la directive sur le commerce électronique. Cette dernière ne permet de restreindre la liberté de circulation des services de communication électronique que pour la seule protection des intérêts du consommateur, et non pour celle des autres professionnels du numérique.
C'est la raison pour laquelle, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22.
(Supprimé)
L'amendement n° 312, présenté par M. Navarro, n'est pas soutenu.
En conséquence, l’article demeure supprimé.
I. – Après l’article L. 111-7 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 précitée, il est inséré un article L. 111-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -7 -1. – Les opérateurs de plateformes en ligne dont l’activité dépasse un seuil de nombre de connexions défini par décret élaborent et diffusent aux consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer les obligations de clarté, de transparence et de loyauté mentionnées à l’article L. 111-7.
« L’autorité administrative compétente peut procéder à des enquêtes dans les conditions prévues à l’article L. 511-6 afin d’évaluer et de comparer les pratiques des opérateurs de plateformes en ligne mentionnées au premier alinéa du présent article. Elle peut, à cette fin, recueillir auprès de ces opérateurs les informations utiles à l’exercice de cette mission. Elle diffuse périodiquement les résultats de ces évaluations et de ces comparaisons.
« Un décret précise les modalités d’application du présent article. »
II. –
Supprimé
Selon le Conseil national du numérique, le modèle de développement des plateformes crée un déséquilibre structurel entre ces dernières et leurs utilisateurs particuliers.
Ce déséquilibre se traduit notamment par une forte opacité sur le sort de nombreuses informations collectées sur les individus. Parfois, il se traduit également par des coûts de sortie élevés pour migrer d’une plateforme à une autre et par des obstacles divers à l’utilisation de services issus d’environnements concurrents, enfermant de fait l’utilisateur dans un service.
Toujours selon le Conseil, les plateformes, par leur rôle de prescripteurs, façonnent et déterminent les conditions d’accès aux informations. Elles associent parfois utilité et opacité, sans permettre de déterminer facilement si ce qui est présenté relève de la publicité, d’une sélection algorithmique générique, d’une adaptation personnalisée ou d’une préférence pour l’offre de la plateforme hôte.
Dès lors, cet article 23, qui laisse aux opérateurs eux-mêmes le soin d’organiser cette régulation par la diffusion de bonnes pratiques relatives à l’information des consommateurs sur les liens d’intérêts influençant le référencement des contenus, des produits ou des services mis en ligne, est très en deçà des enjeux.
Pouvons-nous véritablement penser qu’un principe d’autorégulation des plateformes, « qui doivent se concerter pour élaborer et diffuser des bonnes pratiques, définir des indicateurs de performance en matière de loyauté et de transparence et rendre publics les résultats de leur évaluation » sera suffisant pour assurer une réelle protection des consommateurs ? Nous ne le pensons pas. Ce texte ressemble davantage à une position de principe qu’à une réelle contrainte.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet article.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 26 rectifié bis est présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, M. Lefèvre, Mme Lopez, M. Trillard, Mme M. Mercier, M. Gremillet, Mme Gruny et MM. Houel et Vasselle.
L'amendement n° 126 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Guerriau, Bonnecarrère, Luche et Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Marseille, Gabouty et Pellevat.
L'amendement n° 132 est présenté par M. Navarro.
Ces trois amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par M. Commeinhes, Mmes Hummel et Deromedi, MM. Lefèvre et Grand, Mme Lopez, M. Trillard, Mmes M. Mercier et Gruny et MM. Houel et Vasselle, n'est pas non plus soutenu.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 503 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tout opérateur de plateforme en ligne doit indiquer de manière claire et visible si l’annonceur est un particulier ou un professionnel et le nombre d’annonce dont il est l’auteur.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Dans un objectif de transparence, le présent amendement vise à généraliser une bonne pratique de certaines plateformes qui consiste à indiquer systématiquement le statut de professionnel ou de particulier des annonceurs sur les plateformes en ligne. En effet, ce renseignement est particulièrement utile au choix du consommateur, qui peut se faire une meilleure idée du type de bien ou de service qui lui est proposé.
Sur des plateformes où l’anonymat est parfois préjudiciable au consommateur, cette obligation viendrait renforcer les exigences d’information loyale, transparente et claire de ces derniers.
Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 73 rectifié est présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ, Mandelli et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mmes Garriaud-Maylam, Deromedi et Gruny, MM. Grand, Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin, Pellevat et P. Leroy, Mme Procaccia, MM. Savary, Vasselle et Delattre, Mme Deroche, MM. Husson, Laménie, Trillard et Béchu, Mme Lamure et M. Magras.
L'amendement n° 83 rectifié ter est présenté par MM. Bouchet, Dufaut, Houel, Charon, Laufoaulu, Lefèvre et Mayet.
L'amendement n° 98 rectifié est présenté par MM. Bonnecarrère et Luche, Mme N. Goulet et MM. Médevielle, L. Hervé, Marseille, Maurey, Cigolotti, Longeot, Tandonnet, Kern et Gabouty.
L'amendement n° 141 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 385 est présenté par M. Bouvard.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces opérateurs indiquent de manière claire, lisible et visible si l’annonceur est un particulier ou un professionnel et le nombre d’annonces dont il est l’auteur.
La parole est à M. Patrick Chaize, pour présenter l'amendement n° 73 rectifié.
Il est proposé ici de généraliser une bonne pratique de transparence observée sur certaines plateformes en ligne et préconisée par le rapport Terrasse, visant à offrir aux consommateurs une information claire, lisible et accessible sur la qualité de l’offreur et les garanties associées à son statut.
Le Bon Coin, parmi les principales plateformes de mise en relation, indique systématiquement le statut de professionnel ou de particulier de ses annonceurs. Est ainsi considéré comme professionnel quiconque a acheté dans la perspective de revendre, vend régulièrement un volume important, génère des bénéfices ou dégage un revenu substantiel.
Cette bonne pratique a vocation à être étendue à l’ensemble des acteurs du secteur, permettant aux utilisateurs de disposer d’une information transparente, sincère et complète.
L'amendement n° 83 rectifié ter n'est pas soutenu.
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l'amendement n° 98 rectifié.
Les amendements n° 141 et 385 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 503 rectifié, ainsi que sur les amendements identiques n° 73 rectifié et 98 rectifié ?
L’amendement n° 503 rectifié de M. Requier vise l’obligation d’informer sur la qualité de professionnel ou de non-professionnel de l’annonceur.
Nous avons déjà traité à l’article 22 la question posée par cet amendement : celui de M. Rome, que nous avons adopté et qui étend l’obligation d’informer sur la qualité de l’annonceur, le satisfait d’ailleurs en très grande partie. J’en demande donc le retrait.
En tout état de cause, je voudrais faire observer que cette série d’amendements est mal placée : l’article 23 est consacré à ce que l’on nomme communément la soft law, ainsi qu’aux bonnes pratiques. Il ne porte pas sur la création de nouvelles obligations légales d’information. Les deux logiques sont différentes. Par conséquent, il ne faudrait pas les mélanger.
Les deux autres amendements ont la même problématique. J’en demande également le retrait.
Tous ces amendements visent à introduire une obligation pour les plateformes d’indiquer si l’annonceur est un professionnel ou un particulier.
On comprend tout à fait l’objectif ici, car il est partagé par tous, y compris le Gouvernement. Cependant, en pratique, cela signifie que vous confiez aux plateformes le rôle de décider qui est un professionnel et qui est un particulier. Or on ne peut pas le déterminer à l’avance : il faut interpréter la loi en fonction d’une série de critères. Il semble assez risqué de confier ce rôle à la plateforme, qui est une entreprise privée.
Le choix fait par le Gouvernement dans ce texte est de renforcer la transparence de l’information pour savoir non pas quelle est la nature de l’annonceur, mais quelle est la raison pour laquelle un lien est favorisé. En tant que consommatrice, ce que je veux savoir lorsque je vois les résultats d’un référencement, c’est si quelqu’un a payé pour apparaître en premier. Qu’il soit professionnel ou particulier m’importe peu. Je veux savoir si le référencement a été non pas contourné, mais influencé ou acheté. Tel est bien l’objectif de la transparence de l’information.
Il me semble que, pour atteindre un objectif tout à fait louable, on utilise ici un moyen qui est moins efficace. Je suis donc défavorable à tous ces amendements.
Madame la secrétaire d'État, une partie au moins de votre raisonnement n’aboutit pas forcément à sa conséquence logique. Comme vous l’avez expliqué précédemment de manière très convaincante, les régimes de droit qui s’appliquent à une transaction entre des particuliers et des professionnels ou entre deux particuliers sont fondamentalement distincts. Il est donc préférable, dans un but de bonne information du consommateur, de lui faire comprendre à toute phase du fonctionnement du système de transaction s’il est dans un régime ou dans l’autre.
Quant au fait que ce soit la plateforme qui doive publier qui est professionnel et qui est particulier, cela ne pose pas de difficulté particulière, puisque, pour le faire, elle demandera forcément à chacun de se placer dans l’une de ces deux catégories. Si une personne fait une fausse déclaration, elle engage sa responsabilité. Selon moi, il n’y a donc pas de véritable obstacle.
Si je comprends bien, vous prononcez la mort du Bon Coin !
Le Bon Coin, qui est la plateforme la plus utilisée par les Français, est une plateforme d’intermédiation totalement neutre. Contrairement à d’autres, elle n’opère pas de classements, de référencements : c'est un outil technologique neutre, qui met en lien des particuliers ou des professionnels. Libre aux particuliers et aux professionnels en question de s’autoqualifier.
Naturellement, si l’on est un professionnel, on paye des impôts en conséquence, qui sont beaucoup plus élevés. La tentation est donc grande de ne pas se déclarer comme tel.
L’adoption de cet amendement imposerait à une plateforme comme Le Bon Coin de modifier complètement son rôle, en s’insérant dans une possible relation contractuelle qui n’existe pas forcément. En effet, il n’y a pas forcément de contrat.
Aujourd'hui, il y a simplement des annonces et des réponses. C’est justement parce que les conséquences juridiques de ces qualifications entre professionnels et particuliers sont radicalement différentes…
… qu’on ne peut confier ni aux plateformes ni aux professionnels ou aux particuliers en question le rôle de définir cette qualification. C'est à la loi de le faire.
Comme je l’expliquais, ce travail est en cours à Bercy. Il faut commencer par définir ce qu’est un professionnel et ce qu’est un particulier.
Ah non ! Par exemple, sait-on aujourd’hui à quoi correspond un professionnel sur Airbnb ? La preuve a été suffisamment faite que nombre de particuliers contournaient ce système pour toucher des revenus.
Mais à qui incombe-t-il de déterminer le statut de particulier ou de professionnel de l’utilisateur ? À Airbnb ?
Je crois que l’on ouvrirait là une brèche dont les conséquences ne sont pas mesurées.
Il faut appliquer le droit secteur par secteur, situation par situation, pour coller au plus près des réalités, car c’est ainsi que le droit devient effectif et qu’il peut être sanctionné. Sinon, je le répète, il s’agit de se faire plaisir.
Vous commettez une erreur de raisonnement, madame la secrétaire d'État.
Il existe des plateformes, madame la secrétaire d’État, qui cherchent à détecter les faux particuliers, par exemple dans le domaine de la vente de voitures.
Certaines plateformes essaient de repérer les utilisateurs qui ont cinquante voitures à vendre et qui exercent manifestement un commerce en se faisant passer pour des particuliers. Elles tentent même de repérer le trafic de voitures volées, car c’est leur propre réputation qui est en jeu.
Il existe donc des mécanismes qui permettent de distinguer les particuliers des professionnels, et je suis persuadé qu’Airbnb a tous les moyens de faire la même chose. D’ailleurs, dans je ne sais plus quel pays, un chercheur a analysé les offres de cette plateforme et en a tiré une cartographie très précise sur le nombre et la localisation des biens proposés par telle ou telle personne. Tous les moyens informatiques existent donc pour ce faire.
Je n’en suis pas si sûr. On peut aussi imposer aux plateformes de s’autoréguler un minimum ou d’informer le consommateur au mieux. Sans cela, c’est la jungle ! Voilà le risque : on laisserait les plateformes faire exactement ce qu’elles veulent et leurs utilisateurs pourraient ensuite tromper ensuite plus ou moins le consommateur.
On nous dit que cela ressortit alors au tribunal ; certes, cela peut toujours relever du tribunal, mais si l’on peut faire en sorte d’éviter que le consommateur soit trompé, ce n’est pas plus mal.
Tout ce débat souligne bien l’importance que nous accordons à l’information du consommateur, mais je souhaite tout de même apporter une précision.
Nous avons adopté un amendement de M. Rome – c’est son moment de gloire, ce soir –, et avons ainsi modifié l’article 22 du texte. L’adoption de cette disposition a permis d’insérer dans le projet de loi une définition de la mise en relation entre le consommateur et le professionnel ou le non-professionnel ; je n’y reviens pas.
Il me semblerait quelque peu inutile de réintroduire le sujet au sein de l’article 23, puisque la définition existe déjà à l’article 22. Il me semble donc que l’on peut en rester là et que l’objet de cette série d’amendements n’a pas sa place au sein de l’article 23.
Je souhaitais simplement apporter cette précision, pour mettre un terme à nos échanges.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 73 rectifié et 98 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 307, présenté par M. Yung, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2018, sans préjudice de dispositions législatives ou réglementaires plus contraignantes, les opérateurs de plateformes en ligne sont tenus d’agir avec diligence en prenant toutes les mesures raisonnables, adéquates et proactives afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de contenus et de produits contrefaisants, tels que définis aux articles L. 335-2 à L. 335-4-2, L. 521-1, L. 615-1 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle.
La parole est à M. Richard Yung.
Il s’agit ici de la lutte contre la contrefaçon ; cela rejoint d’ailleurs une partie de nos débats concernant la défense des consommateurs. En effet, c’est clairement l’un des points sur lesquels notre législation est un peu faible.
Internet est maintenant le canal principal de distribution des produits contrefaisants ; ceux-ci circulent par des paquets express, en petites quantités. Le droit actuel n’est pas satisfaisant à cet égard, je l’ai dit, car il appartient aux titulaires des droits, ceux qui possèdent les marques ou les brevets, ou aux consommateurs de rester vigilants pour détecter les contenus illicites et les signaler, en vue de leur suppression. Il s’agit tout de même d’une lourde responsabilité : on achète un produit sur Internet, puis l’on découvre que c’est un faux ou un produit piraté. Et en pratique, on n’a aucun recours.
Que peut-on faire ? Différentes solutions existent. J’avais proposé la création d’une troisième catégorie d’acteurs sur Internet, celle d’intermédiaire entre l’hébergeur et le producteur de valeur ajoutée, mais je n’ai pas été suivi par le Gouvernement et j’ai compris que, la semaine dernière, le commissaire européen Andrus Ansip a aussi écarté cette voie, qui est donc bloquée pour l’instant. Nous voulons aussi impliquer davantage les intermédiaires de paiement – cartes de crédits ou autres –, puisque l’argent doit bien transiter d’une manière ou d’une autre.
Toutefois, je pense qu’il serait également opportun de créer pour les plateformes en ligne, au sens large, un devoir de diligence. Ces opérateurs auraient l’obligation de prendre des « mesures raisonnables, adéquates et proactives afin de protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, la commercialisation et la diffusion […] de produits contrefaisants ». Tel est l’objet de mon amendement.
Par ailleurs, la Commission européenne réfléchit et travaille sur la question et elle envisage de procéder à des recommandations d’ici à la fin de l’année.
Aussi le présent amendement vise-t-il une entrée en vigueur au 1er janvier 2018, afin de laisser à la Commission le temps de formuler ses propositions.
Monsieur Yung, tout le monde connaît votre engagement dans la lutte contre la contrefaçon. Vous avez rédigé de nombreux rapports à ce sujet et vous en êtes devenus l’un des spécialistes au sein du Sénat.
Néanmoins, s’agit-il vraiment ici du rôle de la loi ? À mon avis, celle-ci n’a pas à rappeler les entreprises au respect de la législation, mais bien plutôt à prévoir les mécanismes pratiques qui permettront d’assurer le respect de la légalité. Or cet amendement est davantage une déclaration d’intention qu’une disposition concrète.
La commission des lois vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Je rejoins les arguments de M. le rapporteur. Monsieur Yung, je connais bien votre engagement en faveur de la lutte contre la contrefaçon, et je le salue ; vous avez d’ailleurs soutenu une proposition de loi spécifique en ce domaine.
Néanmoins, vous le savez, nous sommes aujourd’hui moins confrontés à la question de la précision des dispositions législatives – le sujet est déjà largement traité – qu’à celle de l’effectivité de la loi. L’un des principaux problèmes de la lutte contre la contrefaçon réside dans la difficulté à retracer les flux et l’origine des produits contrefaisants, et à poursuivre les personnes et les entreprises qui s’adonnent à ces pratiques frauduleuses.
Ce que vous suggérez est en réalité déjà satisfait par le droit existant ; vous vous contentez de rappeler une obligation existante, puisque les plateformes doivent retirer les contenus lorsqu’elles ont connaissance de leur caractère illicite, et cela s’applique aussi au droit de la propriété intellectuelle.
On sent bien que la situation actuelle n’est pas satisfaisante, mais, à mon sens, la solution réside moins dans le renforcement des dispositions législatives que dans le renforcement des moyens, notamment technologiques, de lutte. Par exemple, grâce à des calculs algorithmiques, on peut plus facilement géolocaliser les intermédiations et les flux de vente. Par ailleurs – je m’exprime là à titre personnel, et non au nom du Gouvernement –, il faudrait certainement renforcer les moyens technologiques des services douaniers.
Par conséquent, je vous demande, moi aussi, de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Yung, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
Un certain nombre de collègues de la commission des finances et moi-même avions, à l’occasion de notre premier rapport sur tous ces sujets, visité la plateforme aéroportuaire de Roissy pour vérifier la capacité de la douane à contrôler les millions de paquets qui y transitent chaque année. Eh bien, c’est tout simplement impossible !
Nous y étions allés pour observer comment les taxes étaient perçues. Première surprise, la valeur de tous les produits était déclarée sous le seuil de 22 euros, ce qui ne correspond pas, on le sait, à la réalité du contenu du paquet… Seconde surprise, les douanes étaient uniquement focalisées sur la contrefaçon – cela vous rassurera peut-être, monsieur Yung – et sur le trafic de faux médicaments. Cela dit, leurs moyens sont dérisoires en comparaison des quantités de paquets qui circulent.
Par conséquent, je ne pense absolument pas que le renforcement des effectifs des douanes de Roissy ou d’autres points d’entrée réglera le problème, d’autant que ce n’est pas dans l’air du temps. Il faut travailler sur tous les aspects, y compris imposer aux plateformes d’essayer de détecter les contrefaçons.
D’ailleurs, comme je le soulignais pour ce qui concerne les voitures, certaines plateformes font déjà ce travail – nous les avions reçues au Sénat –, parce qu’elles ne souhaitent pas, par égard pour leur propre réputation, que des particuliers vendent de faux sacs de grandes marques à des prix défiant toute concurrence. En effet, leur responsabilité est alors mise en cause. Aussi, même si certaines plateformes font déjà volontairement ce travail, il est nécessaire de renforcer la loi pour contraindre celles qui ne le font pas à y procéder.
Certes, on peut par ailleurs tenter de remonter la trace des contrefacteurs, mais quand ils agissent depuis le fin fond de je ne sais quel pays, je ne sais pas quels sont nos pouvoirs réels…
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 400, présenté par MM. Rome, Sueur, Leconte et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’autorité administrative compétente peut procéder à des enquêtes dans les conditions prévues à l’article L. 511-6 pour s’assurer du respect par les opérateurs de plateformes des obligations prévues par le présent article. Elle peut, à cette fin, recueillir auprès de ceux-ci les informations utiles à l’exercice de cette mission. Elle rend publique la liste des plateformes en ligne qui ne respectent pas leurs obligations au titre de l’article L. 111-7.
La parole est à M. Yves Rome.
Cet amendement vise à recentrer le rôle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, sur une mission de contrôle, via des enquêtes. L’objectif est d’assurer le respect par les opérateurs de plateformes en ligne de leurs obligations au regard du principe de loyauté.
La commission des lois, considérant que la DGCCRF bénéficiait de moyens plus puissants, tels que la sanction administrative ou l’injonction, a supprimé la possibilité pour cette direction de publier le résultat de ses contrôles. Notre amendement tend à rétablir cette possibilité, car nous pensons au contraire que la publication des résultats d’enquêtes permettrait de compléter efficacement les sanctions et d’exercer une plus forte dissuasion en jouant de la réputation des plateformes, comme l’évoquait notre collègue, M. Dallier.
Ce dispositif n’est pas nouveau. Il a été mis en place par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation pour ce qui concerne les sanctions de la DGCCRF en cas de non-respect des délais de paiement. En 2016, cinq grandes entreprises ont ainsi fait l’objet d’une telle mesure de publication.
Cette disposition concernerait les plateformes les plus influentes, c’est-à-dire quelques dizaines d’opérateurs, déterminés en fonction d’un seuil de nombre de connexions.
Monsieur Rome, vous nous proposez au travers de votre amendement de limiter le rôle de la DGCCRF au constat de l’élaboration des bonnes pratiques. En effet, la seule obligation créée par l’article 23 est d’imposer aux opérateurs de plateformes d’une certaine taille d’élaborer de bonnes pratiques. Le présent amendement vise à confier à la DGCCRF le soin de veiller à ce que les opérateurs élaborent ces bonnes pratiques, mais pas à ce qu’elles les mettent en œuvre.
Je vous ai connu plus ambitieux dans vos amendements, ce soir, monsieur Rome !
Sourires.
Nouveaux sourires.
L’amendement de la commission qui a conduit à la rédaction de l’article 23 avait pour objet que la DGCCRF compare les bonnes pratiques et les évalue ; le vôtre, non. Sans doute, nous faisons évoluer le rôle de la DGCCRF, mais nous ne sommes que des êtres humains et c’est le propre de l’être humain que d’évoluer ; la DGCCRF, étant une structure humaine, doit aussi évoluer.
En outre, cette évolution nous paraît nécessaire, surtout quand on passe d’un système de régulation légale à un régime de soft law.
J’ajoute qu’il n’y a pas besoin de prévoir que la DGCCRF puisse publier la liste des entreprises qui ne respectent pas les obligations de l’article L. 111-7, parce que c’est d’ores et déjà prévu par l’article L. 522-6 du code de la consommation.
Monsieur Rome, j’aimerais donc que vous nous rejoigniez sur le terrain ambitieux de la commission des lois, en retirant votre amendement au profit de la rédaction actuelle de l’article 23.
M. Yves Rome. Ma lucidité étant confirmée par l’avis favorable du Gouvernement, je le maintiens, monsieur le président.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Je mets aux voix l’amendement n° 400.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 207 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 399 rectifié, présenté par MM. Leconte, Rome, Sueur et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Marie et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une République numérique, le Gouvernement peut définir, par voie réglementaire, les conditions de mise en place et de gestion d’une plateforme d’échange citoyen qui permet de recueillir et de comparer des avis d’utilisateurs sur le respect des obligations des opérateurs de plateforme en ligne mentionnées à l’article L. 111-7.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Au cours de la discussion de l’article 23, qui porte sur les obligations des opérateurs de plateforme, et de l’examen des amendements y afférents, nous avons pu constater combien il est difficile d’assurer au moyen de dispositions législatives classiques le respect effectif des obligations que nous souhaitons imposer aux plateformes, car le numérique se joue des frontières.
C’est pourquoi le texte issu de l’Assemblée nationale prévoyait, à titre expérimental, la mise en place d’une plateforme d’échange citoyen, pour recueillir et comparer des avis d’utilisateurs sur le respect par les plateformes en ligne de leurs obligations de loyauté. Cela constitue peut-être une audace législative, mais, pour reprendre les propos antérieurs de M. Dallier, l’importance de la réputation des plateformes pour leur développement confère un certain intérêt à une disposition de cette nature.
Cette disposition faisait partie des propositions du Conseil national du numérique publiées dans son rapport intitulé Ambition numérique. La commission des lois, considérant que rien n’interdit au Gouvernement de mettre d’ores et déjà en œuvre une telle disposition, a malheureusement rejeté l’idée d’une plateforme citoyenne.
Toutefois, compte tenu des enjeux, il nous semble que l’inscription d’une telle disposition dans la loi aurait son utilité. Cet amendement tend donc à rétablir cette expérimentation, qui pourrait constituer une étape intermédiaire et participative entre l’autorégulation mise en place par les plateformes et le contrôle administratif. Ce dispositif joue sur la réputation des plateformes les plus influentes et s’inscrit dans une logique de dialogue ouvert avec les opérateurs.
Les modalités de l’expérimentation sont renvoyées au pouvoir réglementaire, notamment pour l’élaboration de bonnes pratiques et la définition des indicateurs permettant d’apprécier le respect des obligations des plateformes.
Face aux difficultés d’appréciation du respect des obligations incombant aux plateformes, il faut, me semble-t-il, faire preuve d’audace. Aussi, cette disposition mériterait d’être inscrite dans la loi.
L’expérimentation ! C’est un vaste sujet, monsieur Leconte… Toutefois, rien n’interdit au Gouvernement de mettre d’ores et déjà en œuvre cette plateforme.
Par ailleurs, cette disposition relève plus, à mon humble avis, du pouvoir réglementaire du Gouvernement que de la loi. Je m’en remettrai à l’avis de Mme la secrétaire d’État, mais à ce stade je ne puis que vous engager à retirer cet amendement.
Je trouve que cette disposition est une bonne idée. Dans le domaine du numérique, où les modèles sont émergents, il n’y a pas l’État d’un côté et les entreprises de l’autre. Il y a aussi la pratique qui consiste – pardonnez-moi pour cet anglicisme, d’autant que j’avais promis de ne plus en employer – à crowdsourcer, c’est-à-dire à s’appuyer sur la multitude, à aller chercher des informations à l’extérieur des structures pour démultiplier les sources d’analyse.
Voilà une forme ouverte de régulation qui me paraît judicieuse et qui pourrait en outre entraîner une montée en compétence de l’appareil de l’État, notamment en matière de traitement algorithmique et d’analyse des données, qui sont insuffisamment développés aujourd’hui.
J’évoquais précédemment les services douaniers ; on peut certes envisager une réponse uniquement fondée sur les ressources humaines – il ne m’appartient pas de me prononcer sur la capacité des douanes à faire face aux enjeux du moment –, mais nous pouvons aussi aller plus loin en matière d’outillage numérique, notamment avec le recours par l’administration de l’État aux calculs algorithmiques, pour répondre à des problèmes complexes.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 637, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit de supprimer une précision inutile. En effet, le Gouvernement est toujours compétent pour définir par décret les modalités d’application de la loi.
L’amendement est adopté.
L’article 23 est adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 106 amendements au cours de la journée ; il en reste 279 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Je rappelle au Sénat que le groupe écologiste a présenté une candidature pour l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Hervé Poher membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de Mme Marie Christine Blandin, démissionnaire.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 29 avril 2016, à neuf heures trente et de quatorze heures trente à dix-neuf heures trente :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) ;
Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 534, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 535, 2015-2016) ;
Avis de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances (n° 524, 2015-2016) ;
Avis de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 525, 2015-2016) ;
Avis de M. Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 526, 2015-2016) ;
Avis de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 528, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le vendredi 29 avril 2016, à zéro heure trente.