Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 2 mai 2016 à 10h00
République numérique — Article 37 FC

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

Cet amendement vise à supprimer l’article 37 FC, introduit en commission.

Je tiens à rappeler ici quelles ont été nos méthodes de travail respectives, mesdames, messieurs les sénateurs. Lors de vos débats, vous avez introduit dans le texte des éléments qui n’y figuraient pas, donnant l’occasion au Gouvernement de réfléchir à la manière de traduire en droit celles de vos préoccupations qu’il partage.

Il y va ainsi de cet article 37 FC. Néanmoins, nous en demandons la suppression pour les raisons que je vais maintenant évoquer.

L’objectif est de consolider les engagements de couverture pris par les opérateurs en zones dites « AMII ».

Il est important de rappeler l’historique des engagements : ils datent de 2011. Pour les zones très denses, 106 communes sont concernées, les opérateurs s’étant également engagés à déployer la fibre d’ici à 2020 dans 3 500 communes situées dans les zones dites grises. À l’époque, aucun contrat n’a été signé et les engagements n’ont pas été matérialisés. Toutefois, la répartition a été décidée devant l’Autorité de la concurrence, et lesdits engagements ont été confirmés par les opérateurs en 2013, qui les ont étendus aux zones très denses.

Aucun flou ne subsiste donc quant au calendrier ou au périmètre des engagements, étant précisé que nous parlons ici de deux opérateurs – Orange et SFR –, les autres apportant un co-investissement dans ces zones.

L’article 37 FC tend à prévoir une renégociation de l’ensemble des conventions déjà conclues en zone AMII.

D’après moi, une telle mesure aurait un impact très négatif sur la dynamique engagée, que nous constatons au quotidien. Je rappelle, à cet égard, que l’état d’avancement des signatures de conventions entre opérateurs et collectivités locales est une information totalement publique, désormais consultable sur le site internet de l’Agence du numérique.

J’ai ici le document faisant état du conventionnement en zone d’initiative privée – zone AMII Orange et zone AMII SFR –, qui recense le nombre de communes couvertes et le nombre de logements concernés, qu’ils soient résidentiels ou professionnels.

D’après ce bilan, 66 conventions ont déjà été signées, représentant 4, 6 millions de logements et 1 160 communes sur un total de 3 600, soit 35 % de la zone AMII. Si l’on tient compte de toutes les conventions en cours de négociation – et nous sommes informés de la quasi-totalité de ces négociations lorsqu’elles ont bien lieu –, il faut ajouter 6, 5 millions de logements, soit 50 % de la zone AMII. On en arrive ainsi à un total de 85 %.

Je laisse chacun juge de l’énergie déployée et du travail, notamment de négociation, que cela suppose de la part des collectivités et des opérateurs. En résumé, les quatre cinquièmes de la zone AMII font désormais l’objet d’une convention signée ou en cours ; par ailleurs, nous avons vraiment ressenti une nouvelle dynamique dans les signatures de conventions à partir de 2015, une fois que la fusion entre SFR et Numericable commençait à être digérée.

Votre demande, me semble-t-il, découle de la perception que vous avez des zones à problèmes.

Effectivement, des difficultés demeurent dans 15 % des zones AMII. Elles peuvent être liées soit au fait que les opérateurs ne donnent pas d’informations sur leur volonté de conventionnement – c’est le cas de SFR : 38 % des zones dans lesquelles l’opérateur devrait être présent ne font l’objet d’aucune information relative à un conventionnement –, soit au fait qu’ils ne sont pas d’accord avec le calendrier et le maillage demandés par les collectivités. Dans ce dernier cas, compte tenu de l’existence d’un désaccord de fond, il n’y a aucune perspective de conventionnement.

Il faut veiller à ne pas faire de généralités à partir de ces cas problématiques, d’autant que ces derniers commencent à être surmontés.

Je pense au cas de Nantes Métropole ou de l’Île-de-France. On a longtemps parlé de problèmes dans les Yvelines ou l’Essonne, mais ils sont aujourd'hui débloqués. Dans les Alpes-Maritimes, le Gers, les Hauts-de-France, mais également dans d’autres territoires, les travaux en vue de la signature de conventions ont repris.

Il ne faut pas rompre cette logique de conventionnement en mettant un coup d’arrêt à la dynamique. En revanche, il faut se concentrer sur les cas où il n’y a pas de convention et, surtout, sur les cas où, durant la phase opérationnelle, ladite convention ne suffit pas à faire respecter leurs engagements par les opérateurs.

Une procédure existe, c’est celle du constat de carence : le premier a d’ailleurs été dressé à Lille, voilà moins d’un mois. L’État a ainsi entre les mains des armes très opérationnelles. Aussi, il est préférable de tester préalablement ces dispositifs, qui commencent tout juste à être mis en œuvre, avant de tout remettre en question.

Je n’ai pas abordé les aspects juridiques de cette question afin de ne pas être trop longue ; simplement, pour ne m’en tenir qu’au droit communautaire, je ne suis pas certaine que ce régime annexe dont il est proposé la création puisse être assimilé à une aide d’État dans la mesure où il en serait autonome.

Je ne suis pas non plus certaine que le dispositif que propose la commission ne contrevienne pas au principe de libre administration des collectivités territoriales, puisqu’il serait demandé à l’État de déterminer les conditions dans lesquelles le déploiement doit être assuré par un opérateur privé.

Cette démonstration a pour but d’expliquer que nous partageons le même objectif, mais que nous divergeons sur les moyens à mettre en œuvre. À mon sens, cet article est inopérant, voire contre-productif.

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