L’objectif d’un changement de régime n’est pas dans la résolution 1973, mais il s’inscrit, depuis le début du printemps arabe, dans l’air du temps, tel que le comprennent beaucoup de dirigeants occidentaux.
Force est, cependant, de rappeler que l’évolution vers la démocratie ne peut se faire de la même manière dans tous les pays. Ce qui est concevable pour de vieilles nations, comme la Tunisie et l’Égypte, ne l’est pas partout.
La révolution démocratique s’opère beaucoup plus difficilement, malheureusement, là où les divisions d’opinion se superposent à des fractures tribales ou confessionnelles, comme au Yémen, à Bahreïn, en Syrie, au Liban ou en Libye.
En chacun de ces pays, la guerre civile menace et l’intervention militaire extérieure ne peut qu’exacerber certaines tensions ou aller, en raison du nombre de victimes qu’elle peut occasionner, à l’encontre du but recherché, qui est de protéger tous les civils, sans exception.
La France, je le rappelle, est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle dispose, à ce titre, d’une influence importante.
On peut bien sût interpréter à loisir la résolution 1973, dont les termes sont sans doute trop généraux. Mais est-ce l’intérêt de la France ? La souveraineté nationale a été une conquête de la Révolution de 1789. Elle reste la base de l’ordre international. Ce n’est pas pour rien que l’on parle d’« Organisation » des Nations unies !
La Libye est un État fragile, aux prégnances tribales encore fortes – je ne m’étendrai pas sur ce point. Toute guerre est déstabilisatrice, à plus forte raison si elle se prolonge. La dissémination des armes, notamment dans le Sahel, ne peut que favoriser les activités terroristes. On a ainsi découvert des missiles SAM-7 au Niger…
Par ailleurs, l’afflux des réfugiés, le retour des migrants installés en Libye, fragilisent les États voisins. On évalue à 470 000 le nombre de réfugiés qui s’entassent à la frontière tuniso-libyenne. À proportion des populations, c’est comme si la France devait accueillir 3 millions de réfugiés sur son sol !
Qu’a fait la France, face à ce drame humain ? Elle a proposé de revoir les accords de Schengen… Plus de 1 000 réfugiés au moins ont péri noyés au large de l’île de Lampedusa, dans l’indifférence générale.
On attend de la France une attitude moins myope, dirais-je, et en tout cas plus généreuse. Partout, le désordre et l’anomie menacent. Ils ne sont dans l’intérêt de personne, et surtout pas du nôtre.
Nous devons donc faire respecter, partout, la souveraineté des nations, sous réserve de cette notion de « responsabilité de protéger » qu’une interprétation extensive de la résolution 1973 ne pourrait qu’affaiblir.
Quand donc le Conseil de sécurité acceptera-t-il d’y recourir sans que l’un de ses membres permanents y fasse obstacle par l’usage de son droit de veto ?
La France doit rester le soldat du droit !