Je mets quiconque au défi de pouvoir mettre en exergue la moindre différence d’appréciation entre nous.
La situation a également progressé sur le plan politique, notamment sur deux points.
Il n’y avait pas, voilà quatre mois, de consensus autour du Conseil national de transition. Nous avons été les premiers à reconnaître sa légitimité, non pas, monsieur Chevènement – je vous rassure ! –, du fait de je ne sais quelle « inspiration philosophique », mais au terme d’une analyse politique qui nous a conduits à considérer le CNT comme un interlocuteur incontournable.
Les principaux responsables, que nous avons reçus, nous ont impressionnés non seulement par leur approche de la situation, mais aussi par leur attachement aux valeurs démocratiques que nous partageons.
L’exemple de la France a été suivi, puisque, aujourd'hui, le Conseil national de transition est reconnu par plus d’une trentaine de pays et d’organisations, et non des moindres : l'ensemble des membres du groupe de contact, d’abord, lesquels ont convié, dès le départ, le CNT à leurs travaux et l’associeront, bien sûr, à leur prochaine réunion prévue le 15 juillet prochain à Istanbul ; l’Union africaine, aussi, qui a entamé des discussions avec le CNT ; les Nations unies, sans oublier la Turquie, l’un des derniers grands pays à avoir reconnu le CNT.
Le Conseil national de transition, dont la crédibilité politique a ainsi été affirmée, s’est ensuite organisé, car il est vrai qu’il s’agissait, au début, d’un groupe de révolutionnaires sans réelles structures. Nous l’avons aidé, sur le plan civil comme sur le plan militaire.
Il s’est alors implanté sur l'ensemble du territoire libyen, et il n’est pas exact de prétendre qu’il ne représente que Benghazi. Le CNT a en effet des correspondants dans d’autres villes de Libye, mais ceux-ci sont parfois tenus à une certaine discrétion, leur identité n’étant révélée que tardivement pour des raisons que vous comprendrez facilement, en particulier à Tripoli.
Au cours des nombreux débats que nous avons eus avec eux, ces représentants ont affiché leur attachement à un certain nombre de pratiques démocratiques. Dans la « Charte pour la Libye nouvelle » qu’ils ont publiée, le modèle auquel il est fait référence est celui, non d’un d’État islamiste, mais d’un État démocratique.
Pour conforter le Conseil national de transition, il nous faut encore avancer, notamment sur la question du financement. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, les dirigeants du CNT ont besoin d’argent, et je dois dire que, de ce point de vue, nous avons mis beaucoup de temps à répondre à leurs attentes. Cet argent, c’est de l’argent libyen : il existe, il provient du gel des avoirs détenus dans les comptes d’un certain nombre de banques. Toutefois, nous nous sommes rendu compte qu’il était extrêmement difficile de « dégeler » ces fonds. J’espère pouvoir annoncer, vendredi prochain, que la France est enfin en mesure de verser 290 millions de dollars, conformément à ce que nous avions annoncé à Abou Dhabi. D’autres pays vont faire un effort similaire.
Je n’irai pas plus loin sur le Conseil national de transition. Il s’agit, je le répète, d’un partenaire incontournable, même si ce n’est pas le seul.
J’en viens au second point que j’entends développer : la situation au cours des quatre derniers mois a également beaucoup évolué en ce qui concerne l’attitude que nous devons adopter vis-à-vis de Kadhafi.
Au départ, il n’y avait pas consensus pour demander son abandon du pouvoir, et il est parfaitement exact qu’une telle requête ne figure ni dans la résolution 1970 ni dans la résolution 1973.
Cependant, un changement s’est très rapidement produit compte tenu de l’attitude du dirigeant libyen et de la répression sauvage qu’il a exercée sur sa population.
N’oublions pas, tout de même, que ce sont d’abord et avant tout les bombardements de ses troupes sur les populations civiles, en particulier à Misratah, qui ont fait le plus grand nombre de victimes en Libye. Certes, l’intervention de la coalition ne peut se faire sans occasionner des dégâts collatéraux, toujours très regrettables – tout mort est un mort de trop –, mais ceux-ci restent extrêmement limités.
Par conséquent, même si elle n’était pas inscrite formellement dans les résolutions, l’idée que Kadhafi ne pouvait pas rester au pouvoir s’est imposée extrêmement vite. Je le dis à Jean-Pierre Chevènement, l’objectif, aujourd'hui, c’est effectivement d’obtenir son départ.
Ce n’est pas seulement l’objectif de la France. Les pays du G8, y compris la Russie, ont très clairement affiché leurs intentions voilà maintenant plus d’un mois à Deauville, de même que le Conseil européen, à l’unanimité des vingt-sept États membres, lors de sa dernière réunion, à la fin du mois de juin.