Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 12 juillet 2011 à 14h30
Demande d'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en libye — Débat sur une déclaration du gouvernement suivi d'un vote

Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, mon intervention sera brève, car le ministre d’État a fort bien présenté, avec autorité et talent, cette construction permettant de rassembler des nations solidaires, en vue de régler la situation libyenne.

Si la résolution 1973 avait d’abord et avant tout pour objet de protéger des populations civiles, un accord se fait actuellement pour constater que l’unité et la paix libyennes passent par l’abandon par le colonel Kadhafi de ses responsabilités politiques.

S’agissant des questions purement militaires, vous m’avez demandé, mesdames, messieurs les sénateurs, si nous n’avions pas sous-estimé la résistance des troupes de Kadhafi et surestimé les capacités des opposants et de ceux qui, en Libye, aspirent à la liberté.

Le problème ne se pose pas en ces termes.

Il existe depuis quarante ans, en Libye, une réalité kadhafiste. L’armée du colonel Kadhafi était considérablement équipée. Nous avons totalement neutralisé son aviation, sa marine, et sans doute les deux tiers de ses forces terrestres de type traditionnel, c’est-à-dire les blindés lourds et les pièces d’artillerie lourde.

Cela étant, nous avons, en face de nous, un adversaire qui dispose de moyens matériels considérables, et qui a constitué autour de lui, en quarante ans, un réseau de solidarités très fortes reposant sur des bases très diverses : liens tribaux sans doute, politiques peut-être, financiers à coup sûr. Outre ces liens solidement établis, le pouvoir dispose d’une unité de commandement sur la base géographique qu’il contrôle, car il n’a pas dispersé ses troupes : la majeure partie des forces sont concentrées à Tripoli, ce qui permet au colonel Kadhafi de « tenir »et d’encadrer la population locale.

Le miracle libyen, c’est qu’en Cyrénaïque les populations civiles aient été capables d’organiser progressivement une véritable force, qui est en mesure aujourd’hui de tenir le front à Brega.

Le miracle, c’est qu’à Misratah ces populations aient pu desserrer l’étau qui les enserrait, notamment celui constitué par les troupes les plus professionnelles du pays, comme la 32 e brigade, dirigée par l’un des propres fils de Kadhafi.

Le miracle, enfin, c’est que des populations montagnardes de tradition berbère aient su s’organiser de façon autonome dans un espace qu’elles maîtrisent désormais totalement. Cela leur permet de contrôler l’approvisionnement de la seule raffinerie de produits pétroliers de Libye, située à l’ouest de Tripoli, ainsi que le carrefour routier reliant Sebha, dans le sud du pays, le Fezzan, c’est-à-dire le désert libyen, et le secteur de Tripoli. Sur le plan stratégique, ce n’est pas négligeable.

Comme c’est le cas sur le terrain diplomatique, la situation militaire évolue. Vous reconnaîtrez cependant que le contexte initial était très favorable à Kadhafi, qui avait construit l’État tout entier autour de son armée, si proche de lui qu’on pourrait la qualifier, selon la formule consacrée, de « garde prétorienne ».

J’en viens à la réintégration de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN.

S’il est vrai que l’Union européenne est insuffisamment présente sur le plan militaire et diplomatique, en revanche, tous les États européens se retrouvent au sein de l’OTAN.

La réintégration de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN, décidée par le Président de la République, porte aujourd’hui ses fruits, puisqu’elle nous permet de participer activement à la coalition, et même de former, avec le soutien la Grande-Bretagne, l’élément directeur de cette coalition.

J’indique à M. Pozzo di Borgo, avec toute la sympathie naturelle que j’ai pour lui, qu’il ne doit pas considérer que les États-Unis sont seuls à la tête de l’OTAN.

Il est intéressant de constater qu’en l’occurrence, s’agissant de la chaîne de commandement de l’OTAN, les États-Unis ont assez rapidement décidé, pour des raisons qui leur sont propres, de ne pas contribuer à l’effort de frappe, tout en apportant un soutien logistique. Pourtant, le système a tout de même continué à fonctionner, avec le soutien de la Grande-Bretagne et de la France, naturellement, mais aussi de pays plus modestes qui se sont très fortement impliqués, comme la Belgique et le Danemark. La Norvège qui, je le rappelle, ne fait pas partie de l’Union européenne, avait aussi, jusqu’à récemment, manifesté son engagement.

Je peux témoigner de la réalité de la coopération des chefs d’état-major de l’OTAN. Ces responsables militaires, qui sont de grands professionnels, savent travailler ensemble. La réintégration de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN est pour eux un formidable ballon d’oxygène, car ils ont le sentiment que les Britanniques ne sont plus seuls, à l’intérieur de l’Organisation, à vouloir prendre des responsabilités sur le terrain militaire. Désormais, ce sont les Français et les Britanniques qui donnent le ton.

Quant aux Allemands, ils sont profondément divisés. Loin de moi l’idée de faire de la politique étrangère en cet instant ; mais force est de reconnaître que la coalition au pouvoir en Allemagne passe par une entente des libéraux et de la CDU-CSU. Or les libéraux allemands sont traditionnellement profondément pacifiques, voire pacifistes.

Je ne crois pas que la position du ministre des affaires étrangères allemand, qui est un libéral, sur la situation en Libye, reflète le sentiment de la majorité de la coalition parlementaire ; celle-ci existe néanmoins.

C’est pourquoi, cher Josselin de Rohan, nous devons rendre hommage au général de Gaulle d’avoir su nous doter d’institutions qui permettent à notre pays, en matière de politique étrangère et de politique de défense, de faire preuve de solidarité. Le libéral que je suis salue cette construction !

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