Nous avons adopté fin janvier une version modifiée, améliorée et enrichie du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Dans la mesure où la plupart des textes sont désormais examinés en procédure accélérée, nous sommes privilégiés d'en faire une deuxième lecture, ce qui l'enrichira de nos réflexions.
L'Assemblée nationale a examiné le texte voté par le Sénat en première lecture et a adopté un texte le 17 mars. Notre travail a été salué par des députés de toutes tendances politiques. Un très grand nombre de nos modifications ont été conservées par l'Assemblée nationale, telles que notre version du conseil d'administration de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) qui donne la majorité aux représentants des chasseurs, ou la suppression de l'interdiction de la chasse à la glu et de la chasse aux mammifères en période de dépendance et de reproduction, la ratification du protocole de Nagoya ou encore notre modification de la réforme des sites inscrits et classés.
Il faut conserver ces acquis. L'Assemblée nationale a fait un réel pas vers nous. À nous de marcher vers elle, dans un esprit de bicamérisme équilibré. Plaçons-nous dans l'optique d'un accord possible afin de conforter le rôle de notre institution, et surtout, d'éviter à tous les acteurs concernés qui nous font confiance l'adoption de mesures maximalistes qui les mettraient en sérieuse difficulté et sur lesquelles il ne serait pas forcément simple de revenir ultérieurement. Adopter un texte déséquilibré reviendrait à donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.
Nous ne sommes plus dans la même optique qu'en première lecture. La bonne attitude consiste à comprendre l'urgence de la situation et à prendre nos responsabilités pour que des solutions collectives soient mises en oeuvre. Ce texte a pour objet la vie et même la survie, la nôtre et celle de notre planète. La biodiversité concerne aussi bien l'air que nous respirons, l'eau que nous buvons, la nourriture que nous mangeons, que notre santé, nos maisons, notre énergie ou encore nos loisirs.
Que voulons-nous laisser à nos petits-enfants ? Je veux qu'ils puissent choisir d'être agriculteurs sans danger pour leur santé ni contraintes excessives. Je veux pouvoir leur montrer une « déesse précieuse », cette libellule menacée d'extinction en France. Ou des éléphants, menacés de disparition à cause du braconnage. Je veux qu'ils sachent que chacune de leurs activités devra être respectueuse des autres et de la nature, qu'ils puissent découvrir toutes les richesses de notre biodiversité ultramarine, voir des récifs coralliens, des mangroves. Je veux qu'ils sachent que nous aurons tout fait pour protéger nos forêts. Je veux aussi qu'ils puissent bénéficier de toutes les innovations du biomimétisme et de la recherche dans les fonds marins. Bref, qu'ils grandissent dans un monde qui respecte tous les usages de la nature.
J'ai été, comme vous sans doute, sollicité par un grand nombre d'organisations professionnelles, de syndicats, d'associations, mais pas seulement : toute la société civile est concernée. L'opinion publique est de plus en plus sensible à ces préoccupations. Personne ne nous attend pour prendre des initiatives. Regardez le succès du film Demain, qui va bientôt dépasser le million d'entrées en France. Que nous le voulions ou non, nous allons vers un nouveau modèle. Il est de notre responsabilité, à nous législateur, d'accompagner ce mouvement. Nous n'avons pas de temps à perdre.
L'Assemblée nationale a conservé un grand nombre de nos modifications aux titres I à III sur les principes et la gouvernance de la biodiversité, telles que la composition du conseil d'administration de l'agence, le renforcement de la composition du Comité national de la biodiversité, la composition du conseil d'administration de l'ONCFS, le principe selon lequel « le patrimoine commun de la nation génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage », et la suppression de la mention des sols à l'article L. 110.1 du code de l'environnement.
Sur les nouveaux principes comme celui d'action préventive ou de solidarité écologique, je serai favorable à des retours au texte, plus équilibré, du Sénat. Quant aux missions de l'AFB, je crois que nous pourrons parvenir à un équilibre sur la question de la police. Jean-Noël Cardoux et Claude Bérit-Débat ont déposé des amendements auxquels je serai favorable.
Sur la gouvernance de l'eau, l'Assemblée nationale a proposé une entrée en vigueur au prochain renouvellement des instances de bassin, ce qui paraît raisonnable. Nous reviendrons dans un instant plus longuement sur l'article 2 bis sur le préjudice écologique avec Alain Anziani. Sur le protocole de Nagoya, je vous proposerai de supprimer des dispositions non constitutionnelles sur les communautés autochtones et locales et de réintroduire les modalités d'entrée en vigueur de l'accès et du partage des avantages (APA) pour les collections existantes, dans l'esprit de ce que le Sénat avait adopté en première lecture. Sur la taxation de l'huile de palme, je donnerai un avis favorable aux amendements de suppression.
En ce qui concerne la compensation et les obligations réelles environnementales, je vous proposerai de revenir sur les dispositions risquant de peser sur l'efficacité opérationnelle du dispositif et de supprimer l'agrément pour les opérateurs de compensation afin de faciliter le développement du secteur.
Sur le sujet, encore en discussion, des néonicotinoïdes, nous partageons le constat qu'il est urgent d'agir. Sur les modalités, je vous proposerai une rédaction de compromis par rapport à la version excessive de l'Assemblée nationale, qui interdit ces produits dès 2018, en proposant 2022. Après cette date, certains usages resteraient autorisés dès lors que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) démontre qu'il n'y a pas d'alternative satisfaisante pour la santé et l'environnement.
En outre, je vous proposerai de supprimer l'interdiction de poser des poteaux creux et surtout, l'obligation de boucher tous les poteaux creux déjà installés : une telle mesure, très réglementaire, introduit une nouvelle norme qui sera très coûteuse pour les collectivités. Idem pour l'identification géolocalisée des grands prédateurs détenus en captivité, mesure très coûteuse également alors que cette détention est déjà très encadrée.