Nous avons travaillé main dans la main avec Jérôme Bignon pour réécrire totalement l'article 2 bis adopté par l'Assemblée nationale. Chacun connaît les catastrophes écologiques, ou a pu en être victime. Comment en répare-t-on les dommages ? On a su réparer ceux de la tempête Xynthia, qui portaient sur les personnes ou les propriétés, en s'appuyant sur le code civil ou le code pénal. En revanche, que faire des dommages sans préjudice à la personne ? La mort de l'ourse Cannelle - dernier exemplaire de sa lignée, tuée par un chasseur - constitue un dommage à l'environnement. Comment le réparer, puisque personne n'en tirait profit ? Il faut inventer du droit.
La loi du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale modifiant le code de l'environnement - transposition d'une directive européenne -, a posé le principe du pollueur-payeur, précisé que la réparation est à la discrétion du préfet et établi une liste des dommages et des faits. Or une liste expose aux oublis et à l'obsolescence. Ainsi, le déversement d'hydrocarbures en haute-mer n'est pas mentionné. Cette loi est restée largement inappliquée, car inapplicable.
La Cour de cassation a rendu une décision majeure, le 25 septembre 2012 : dans l'arrêt Erika, elle a bricolé en forçant le droit existant. Une telle solution jurisprudentielle n'est pas durable.
Il fallait redonner l'initiative au législateur. La proposition de loi de Bruno Retailleau, qui avait pour originalité d'insérer dans le code civil un nouvel article portant sur la réparation du préjudice écologique, a été adoptée à l'unanimité au Sénat mais n'a jamais été examinée par l'Assemblée nationale. Jérôme Bignon a décidé de l'insérer dans le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. Nous nous sommes attachés, avec lui, à la retravailler.
Les doctrines de l'Assemblée nationale et du Sénat divergent. Les députés inventent un nouveau régime de responsabilité spécifique au préjudice écologique, mais nous ne souhaitons pas réinventer l'eau chaude. Les articles 1 382, 1 383 et 1 384 du code civil règlent déjà les questions de responsabilité. Mieux vaut s'appuyer sur ce qui existe, afin que la jurisprudence soit plus facilement transposable.