En France, ce combat est l’affaire de tous : travailleurs sociaux, personnels soignants, forces de police et de gendarmerie, magistrats, associations et élus, bien sûr, comme en témoignent vos travaux et ce débat.
C’est aussi la responsabilité de chaque citoyen qui est engagée face à cette négation organisée de l’humanité, qui humilie, torture et parfois tue. Le ministère dont j’ai la charge est évidemment en première ligne pour combattre cette violence de l’esclavage dit « moderne », auquel la France est de plus en plus exposée, en tant que pays de destination, mais aussi de transit, de ces trafics.
Le nombre des victimes de la traite des êtres humains augmente à proportion des profits engendrés par cette forme de criminalité, qui ne cessent de croître. Comme le confirme votre rapport, les femmes et les mineurs sont les premières cibles et les premières victimes de ces trafics, qui visent très majoritairement l’exploitation sexuelle.
Ce n’est pas un hasard si c’est la délégation aux droits des femmes qui a donné de la visibilité à ce sujet, dans la continuité du travail déjà effectué sur la prostitution, en dialogue permanent avec le Gouvernement.
De 85 % à 90 % des personnes prostituées identifiées en France sont d’origine étrangère et victimes des réseaux de proxénétisme. Nous assistons aussi à une inquiétante augmentation du nombre de mineurs exploités, contraints à la mendicité forcée, à la commission de délits et à l’exploitation sexuelle.
Dans le droit fil de ses engagements européens et internationaux, la France est pleinement mobilisée pour combattre, par tous les moyens, cette forme d’esclavage. C’est à cette fin que le Gouvernement a adopté, en 2014, un plan triennal d’action national contre la traite des êtres humains, fondé sur un triple objectif de prévention, de protection des victimes et de répression des trafiquants. Ce plan a commencé à porter ses fruits ; j’y reviendrai.
Toutefois, nos efforts, consentis à l’unisson de la communauté internationale, se heurtent aux bouleversements auxquels l’Europe fait face à l’occasion de la crise des réfugiés et des migrants. Votre rapport et vos interventions l’ont parfaitement mis en lumière : les déplacements massifs de populations liés à la multiplication des conflits ont une incidence avérée sur l’évolution du phénomène de la traite.
Bien entendu, les femmes et les enfants qui fuient leur pays sont particulièrement exposés à l’exploitation, notamment à des fins sexuelles, puisqu’on observe un véritable continuum entre traite, prostitution et violences. Surtout, avec l’afflux massif de migrants plongés dans une situation de vulnérabilité extrême, la traite change non seulement d’échelle, mais aussi de nature.
C’est donc un double objectif qui nous est assigné : anticiper la menace d’une expansion des réseaux, favorisée par la présence de migrants, et mettre la traite des êtres humains au centre de notre réflexion sur la régulation de ces flux migratoires.
Nous disposons aujourd’hui d’outils efficaces, qui ont permis des avancées tangibles dans la lutte contre la traite des êtres humains. Pour la première fois, en effet, notre pays dispose en la matière d’une véritable politique publique interministérielle, que le Gouvernement s’est attaché à développer depuis 2012.
Ce volontarisme inédit s’est exprimé selon trois axes majeurs : le renforcement de l’arsenal législatif, la création, en 2013, de la MIPROF, qui assure la coordination nationale de notre politique, et l’adoption du premier plan d’action national contre la traite des êtres humains, pour la période 2014-2016.
Nous entrons dans la dernière année de mise en œuvre de ce plan. La publication de votre rapport nous donne l’occasion d’en tirer un premier bilan et de tracer quelques perspectives pour l’avenir.
Tout d’abord, je tiens à revenir brièvement sur les avancées législatives qui ont contribué à étendre et à renforcer l’efficacité de notre action.
La loi du 5 août 2013, vous le savez, a permis de compléter le droit pénal et de le rendre pleinement conforme aux textes internationaux, en étendant notamment la définition de la traite des êtres humains à différentes formes d’exploitation : la réduction en esclavage, la soumission à du travail ou à des services forcés, la réduction en servitude, le prélèvement d’organes.
Vous recommandez, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette définition intègre les cas de mariages forcés. Je tiens à vous rappeler que la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée ne définit pas explicitement le mariage forcé comme une forme d’exploitation. Pour autant, un mariage forcé qui n’aurait pas pour but l’exploitation de l’épouse peut-il réellement ne pas être considéré comme relevant de la traite des êtres humains ?