Je pourrais, invoquant Sieyès, résumer d’une phrase mon intervention : au cœur de la loi NOTRe, il y a l’intercommunalité – communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines –, absolument consacrée, reconnue et célébrée.
Il est vrai aussi que, à partir de la loi Chevènement, ce n’est pas la fin des terroirs que nous avons connue, contrairement à ce qui a pu être écrit, mais la renaissance des territoires. L’intercommunalité permet la rencontre régulière, réconfortante, de l’intelligence territoriale collective.
La promotion du tourisme est au cœur, bien sûr, de l’une des responsabilités de l’intercommunalité, de l’une des chances qu’elle offre au pays tout entier. Car nous sentons bien aujourd’hui, en voyant les centaines de millions de visiteurs venant des pays émergents, que le tourisme est l’un des moyens, pour notre pays, qui doute tant de son modèle, de se redéfinir et de préciser son identité par rapport à la mondialisation. Par conséquent, vive l’intercommunalité, et vive la compétence partagée !
J’ai parlé d’intelligence collective territoriale : ayons confiance ! L’intercommunalité saura dialoguer avec les départements, a fortiori avec les régions. Elle saura déléguer, elle saura harmoniser. Ne rêvons pas du modèle allemand ! Regardons l’intercommunalité à la française, son ADN : l’intercommunalité possède les gènes des majorités d’idées ; osons le mot, elle sait fabriquer le consensus.
En termes de promotion du tourisme, il y a une véritable possibilité, une véritable chance. Les enjeux économiques, les chiffres ont été rappelés : nous pouvons continuer à avancer.
Je voudrais évoquer brièvement trois éléments du contexte.
Monsieur le ministre, connaissez-vous le « théorème de Piketty » ? Je ne parle pas de son pavé à la Karl Marx §mais de son analyse, menée il y a une dizaine d’années, des populations actives de la France et des États-Unis. Il les a trouvées comparables en termes de répartition par secteurs d’activité. La seule différence, en termes d’emploi, tenait au développement des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du commerce et de la distribution : elle suffisait à expliquer que les États-Unis connaissent une situation de plein emploi.
Lorsque nous redéfinirons – c’est très difficile, mais nécessaire – le modèle social français, nous devrons y penser. Nous avons manqué l’occasion, pour le secteur de la restauration, avec la baisse de la TVA. Aux États-Unis, les charges sociales pesant sur des millions d’emplois peu ou pas qualifiés sont nettement moins élevées. Lors du Congrès de Vienne, Talleyrand faisait venir du fromage français. Quant à Laurent Fabius a intégré le tourisme dans la diplomatie française. Faisons en sorte d’être au rendez-vous.
J’évoquerai maintenant la ruralité, sous l’œil vigilant du sénateur de la Lozère. §La dérégulation de la politique agricole commune est-elle compatible avec la ruralité française, l’exploitation familiale à la française ? Quoi de plus intelligent que l’action menée par le général de Gaulle, Edgard Pisani ou Michel Rocard – je pense aux quotas laitiers – pour résoudre la quadrature du cercle en obtenant des prix garantis pour des quantités illimitées, la protection communautaire, des subventions à l’exportation ?
La dérégulation de la PAC met en cause le modèle agricole français, c’est évident ! Or il n’y a pas de tourisme, dans le pays le plus beau, le plus équilibré, le plus harmonieux au monde, sans une ruralité et une agriculture rayonnantes.
Depuis les lois de 2000, nous avons la ruralité la mieux équipée au monde. C’est le moment où jamais de nous en préoccuper et, lors des grands débats, je souhaite que les grandes associations d’élus se mobilisent sur ce thème de la dérégulation de la PAC. À la limite – c’est paradoxal et excessif ! –, sans la PAC, la place de la France en Europe ne serait plus tout à fait ce qu’elle est. N’abandonnons jamais les mécanismes de la PAC ! Pour les collectivités locales, l’économie mixte est une bénédiction : 18 milliards d’euros de subventions publiques ont été attribués à ce titre en 2014, dont 10 milliards d’euros alloués par l’Europe à l’agriculture française. L’intervention, la protection de l’État, fût-il européen, c’est quelque chose que nous connaissons bien ! Nous avons là une occasion d’avancer, car si notre agriculture est la première au monde, c’est aussi grâce – osons le dire ! – à la cogestion, à la co-animation entre le pouvoir politique et les syndicats agricoles.
Il est évident que, pour l’avenir, l’exercice de la compétence « tourisme », de la compétence développement économique appelle sinon une cogestion, en tout cas une co-animation de l’agriculture française au niveau des collectivités locales, en accord profond avec la profession. À défaut, l’avenir n’appartiendra plus à nos paysans.
J’évoquerai enfin ce que le professeur Davezies appelle « l’économie résidentielle ».
Permettez-moi de dire, moi qui ai passé trente ans au sein d’un exécutif régional, dont quinze à sa tête, à quel point l’économie résidentielle est fondamentale.
L’INSEE nous alerte, dans sa dernière étude, sur le fait que 3 000 entreprises sont à la base de la richesse dans les métropoles et que, dans le contexte de la compétition mondiale, la production de richesses est non pas éparpillée, mais concentrée.