Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 4 mai 2016 à 14h45
Stratégie nationale de l'enseignement supérieur — Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les membres du groupe socialiste ont pris la bonne initiative de proposer un débat sur la stratégie nationale de l’enseignement supérieur.

C’est une bonne initiative, car nous allons enfin pouvoir nous occuper d’une partie de la jeunesse française. Je rappelle que la jeunesse était présentée en 2012 par le candidat François Hollande, désormais Président de la République, comme l’une des priorités de son quinquennat. Autour de moi, je n’ai pas rencontré beaucoup de jeunes ayant le sentiment d’être une priorité du Président de la République… Et ce ne sont pas les engagements de fin de mandat qui vont les rassurer !

Mais ce débat est bienvenu, parce que les jeunes Français s’interrogent. Ont-ils encore un avenir en France ? S’ils le pouvaient, 51 % des jeunes de 25 à 30 ans interrogés aimeraient quitter la France… N’est-ce pas préoccupant ? Je crains très sincèrement que, en plus d’être menacés par le déclin industriel, commercial et culturel, nous ne soyons aussi menacés par le déclin intellectuel, si nous ne parvenons pas à rompre avec un certain nombre de tabous. C’est pourquoi notre système d’enseignement supérieur doit au moins faire preuve d’audace.

Je rappellerai simplement que, en 2007, nous avions fait le pari de replacer l’université au centre des savoirs, au centre de l’enseignement supérieur, au centre de la recherche et de l’innovation. Nous avions décidé, en quelque sorte, d’émanciper l’université de la tutelle un peu trop pressante de l’État. Nous avions enfin décidé de faire confiance à la communauté universitaire. C’était un choix audacieux. La loi LRU a fait couler beaucoup d’encre, elle a bousculé les habitudes, elle a entraîné des contestations, mais il fallait la faire. Nous avons tenu nos engagements et affirmé nos convictions face à la rue et aux conservatismes.

Partout dans le monde, la maîtrise des connaissances scientifiques et la capacité à innover sont la clé des succès économiques et sociaux. Partout dans le monde, les universités sont un vivier où s’opèrent ces mutations.

Mais il nous faut aller encore plus loin dans l’approfondissement de l’autonomie des universités, huit ans après l’entrée en application de la loi. Vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d’État : il est toujours difficile d’avoir une parfaite autonomie lorsque vous n’avez pas une lisibilité dans le temps de vos finances et que vous n’avez pas la maîtrise de vos ressources humaines.

Ainsi, si des mesures disciplinaires doivent être prises à l’égard d’un membre du personnel d’une université, le président doit en référer soit au recteur, soit au ministre… C’est tout de même curieux !

Aussi, comme dans la plupart de collectivités locales d’ailleurs, les dépenses de personnel pèsent beaucoup trop lourdement sur le budget des établissements. En moyenne, elles correspondent à 83 % du budget. L’objectif serait, par exemple, de revoir les modalités de promotion des personnels, afin de permettre une réorganisation interne et d’offrir la possibilité de réinventer le fonctionnement de nos universités. Mais, là encore, ces modalités relèvent toujours de la compétence de l’État.

Notre système d’enseignement supérieur est devenu trop complexe et l’innovation est bien souvent bridée.

Vous avez annoncé une clarification et une simplification, voire un renouveau de la relation entre l’État et les établissements d’enseignement supérieur. Qu’appelez-vous « renouveau » ? Est-ce refuser de reconnaître la diversité des talents de notre jeunesse étudiante ? Est-ce préférer la médiocrité pour tous au succès du plus grand nombre ? Votre conception du renouveau confond beaucoup trop égalité et égalitarisme, mérite et nivellement par le bas. Le socialisme abîme cet idéal républicain qui fait de chaque jeune un espoir pour notre pays. Notre jeunesse étudiante est notre espoir, elle vaut bien que notre pays se préoccupe de son sort.

Pour conclure, nous ne devons pas craindre de renforcer le lien entre l’enseignement supérieur et le monde de l’entreprise, cela dès le premier cycle. Faisons preuve d’ouverture et de bon sens, faisons confiance aux acteurs de l’enseignement supérieur.

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