Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun d’entre nous a à l’esprit l’importance de ce débat. L’histoire de notre République, c’est d’abord l’histoire d’un combat pour l’éducation – Daniel Percheron le rappelait judicieusement. L’éducation est en effet le premier moyen d’action pour instaurer la justice, l’émancipation et le progrès.
Ce fut tout d’abord, aux premières heures de la IIIe République, le combat pour l’école gratuite, laïque et obligatoire.
Ce fut ensuite le combat pour l’unification de l’enseignement secondaire, à une époque où le lycée était réservé aux seuls favorisés.
Ce fut, dans les années quatre-vingt, le combat mené par François Mitterrand pour assurer l’accès le plus large possible au baccalauréat.
Maintenant, grâce à la STRANES, grâce à la feuille de route dont le Président de la République a voulu doter l’État, nous menons le combat pour l’élévation du niveau de qualification de notre jeunesse, l’objectif étant de porter, d’ici à dix ans, à 60 % d’une classe d’âge le taux de diplômés de l’enseignement supérieur.
La STRANES s’inscrit dans cette histoire pluriséculaire, mais elle est aussi complètement immergée dans les enjeux du monde d’aujourd’hui. Elle prend en compte les tendances lourdes que nous observons au niveau mondial. Le Président de la République, en déclarant que les quarante propositions du rapport, rassemblées autour de cinq axes stratégiques, constituaient la feuille de route du Gouvernement pour faire de la France une société apprenante, dynamique et juste, a donné le cap.
Je tiens donc à remercier chaleureusement le groupe socialiste et républicain, et tout particulièrement Dominique Gillot, d’avoir proposé ce débat. Je remercie tous les intervenants d’y avoir contribué par leurs idées, leurs réflexions et parfois leurs critiques, animés par une volonté partagée de bâtir le système le plus performant et le plus efficace possible, dans le respect de nos valeurs communes.
Le rapport de la STRANES n’est pas un document indicatif, assorti de quelques objectifs chiffrés. Il est intitulé « Stratégie nationale pour l’enseignement supérieur » et a été présenté par deux rapporteurs qui, entourés de leur équipe, ont fait un travail remarquable. Je tiens tout particulièrement à saluer la présidente, Sophie Béjean, le rapporteur général, Bertrand Monthubert, et, à travers eux, l’ensemble du comité STRANES.
Ce rapport a en outre été soumis au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, la plus haute instance de l’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, et il a été très largement approuvé par l’ensemble de la communauté universitaire, dans toute sa diversité. Je tiens, à ce propos, à rassurer ceux qui, tout à l’heure, s’inquiétaient de la place des établissements, notamment M. Grosperrin : la Conférence des présidents d’université, la Conférence des grandes écoles et la Conférence des écoles d’ingénieurs ont approuvé ce document, qui lie la communauté universitaire, le Président de la République et le Gouvernement dans la mise en œuvre de cette stratégie.
Cette discussion, qui a d’ailleurs souvent glissé vers l’actualité du pilotage gouvernemental de l’enseignement supérieur, ne porte pas sur le sexe des anges, mais sur des choix qui forment la matrice de la réflexion stratégique. Au demeurant, je n’ai entendu s’exprimer aucun désaccord frontal avec cette stratégie, sauf peut-être de la part de M. Grosperrin. J’en conclus que les objectifs fixés par la STRANES sont aussi les vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs, même si la lecture de certains articles de presse peut m’amener à m’interroger.
Quels sont, précisément, ces objectifs ?
Premièrement, nous sommes animés par une volonté absolue de démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse de l’université ou de toutes les formations post-bac qualifiantes. C’est le choix fondateur de cette stratégie : nous souhaitons que la jeunesse de notre pays accède encore plus largement qu’aujourd’hui aux formations d’enseignement supérieur, l’objectif étant que le taux de diplômés du supérieur au sein d’une classe d’âge atteigne 60 % d’ici à dix ans.
Deuxièmement, nous ne voulons pas de sélection par l’argent dans notre système d’enseignement supérieur. Sur la question des droits d’inscription, le débat est aujourd’hui mondial. Cet après-midi même, un cabinet d’études a publié des travaux portant sur les politiques menées par un certain nombre de pays qui appliquent des droits d’inscription à l’université élevés, comme le Royaume-Uni. Un diplômé de l’enseignement supérieur britannique commence sa vie professionnelle avec une dette de 55 000 euros – elle est de 40 000 euros pour un diplômé aux États-Unis –, que bien souvent il ne peut pas rembourser. Cela constitue une forme d’injustice, qui éloigne de l’accès à l’enseignement supérieur des couches entières de la population. Ce cabinet anglo-saxon, par ailleurs plutôt animé par une vision libérale des choses, attire l’attention du Gouvernement britannique sur les conséquences de cette situation.
Troisièmement, monsieur Dupont, nous ne voulons pas la démocratisation pour la démocratisation : notre conception de la démocratisation du système universitaire est exigeante. Nous ne souhaitons pas seulement que le plus grand nombre possible de jeunes accèdent dans les meilleures conditions à l’enseignement supérieur ; nous voulons aussi qu’ils réussissent et qu’ils obtiennent des diplômes de qualité.
Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve, ni ce que feront, dans quelques années, celles et ceux qui auront à diriger les politiques d’enseignement supérieur. Ils doivent toutefois savoir que ces orientations ne sont pas celles d’un gouvernement, à l’encontre duquel certains d’entre vous ont tenu des propos particulièrement violents, qui serait partisan du nivellement par le bas, d’une université de masse qui se préoccuperait peu de la qualité des enseignements dispensés : elles ont été approuvées par toute une communauté composée des universités, des grandes écoles, des écoles d’ingénieurs et des partenaires sociaux. Au passage, je le redis, personne ne s’est opposé frontalement aux principes directeurs de la STRANES. Si, demain, certains avaient cette tentation, je pense qu’ils seraient confrontés à un blocage total ; il vaut mieux qu’ils soient conscients de cette réalité.
Ce rapport et ces objectifs nous obligent. Je le reconnais sans détour : quand une nation se fixe un objectif aussi ambitieux, elle s’oblige, et tout d’abord d’un point de vue financier. La quasi-totalité des orateurs, sur toutes les travées, l’a signalé : la Nation ne peut pas s’assigner des objectifs élevés sans avoir à l’esprit qu’elle devra accompagner budgétairement cet effort. La phrase de la lettre du Président de la République que vous avez citée ne dit rien d’autre.
Quand viendra l’heure de la loi de finances, quand nous pourrons constater les premiers succès de cette volonté de démocratisation, avec la progression continue des effectifs dans l’enseignement supérieur, il faudra à l’évidence aller au-delà des efforts budgétaires réalisés ces dernières années et donner un sérieux coup de pouce au budget des universités.
Même si des progrès particulièrement importants ont déjà été réalisés de ce point de vue, il faudra aussi accompagner plus nettement la vie étudiante, afin d’assurer les meilleures conditions d’études et les plus grandes chances de succès aux étudiants qui sont les plus fragiles socialement. Je rappelle néanmoins que ces crédits, regroupés dans le programme 231, intitulé « Vie étudiante », selon notre nomenclature budgétaire, ont connu une très forte augmentation, d’environ 500 millions d’euros, depuis le début du quinquennat, ce qui montre notre volonté d’anticiper sur ce mouvement auquel la STRANES nous oblige.
Je rappelle aussi le plan de logements étudiants, évoqué par l’un d’entre vous à très juste titre. Il est tout à fait important d’accueillir dans de meilleures conditions les étudiants grâce à des logements adaptés. Vous le savez, le Gouvernement, sous l’impulsion de Mme Fioraso, avait adopté un plan de construction de 40 000 logements d’ici à la fin de 2017. Il s’agit d’un effort de construction massif, jamais vu dans l’histoire de notre université. Les chiffres intermédiaires, à la fin de 2015, montrent que plus de 22 000 de ces logements ont d’ores et déjà été livrés et sont habités. La feuille de route, sur laquelle j’ai encore travaillé en début de semaine avec la ministre du logement, montre que cet objectif sera respecté.
Le budget ne se limite pas à la discussion des crédits de l’année. Il comprend aussi des moyens exceptionnels dont l’État s’est doté, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, le PIA, que l’on appelait précédemment « grand emprunt », géré par le Commissariat général à l’investissement, le CGI. M. Percheron a bien fait de mettre l’accent sur ce point. Il nous a présenté une proposition quelque peu radicale, même si je la respecte, consistant à « tourner la page » du PIA. Ce n’est évidemment pas la position du Gouvernement, mais un peu de lucidité ne nuit pas, dans ce domaine comme dans tous les autres.
Quelques jours après les décisions prises pour les premiers appels à projets concernant les initiatives d’excellence, ou IDEX, qui visent à labelliser dans la durée les pôles universitaires et de recherche de rang mondial ou d’ambition mondiale, il faut reconnaître que quelques questions se posent.