Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat prend place dans un contexte particulier, puisqu’il intervient dans le prolongement de l’accident survenu à Rennes.
Cet événement nous pousse à examiner le cadre législatif et réglementaire qui entoure les essais cliniques. Il s’agit de s’assurer que ce cadre garantit aux personnes participant à ce type d’essai une protection suffisante.
Cette protection est d’autant plus importante durant les essais dits « de phase 1 » que ceux-ci constituent, après les études en laboratoire sur certains animaux, la première expérimentation d’un produit sur l’homme. C’est donc une phase à très haut risque. Mais c’est aussi une étape cruciale dans le développement de la recherche, et se jouent là d’importants enjeux industriels.
Dès lors, il s’agit d’assurer un équilibre entre sécurité des participants, développement et compétitivité de la recherche.
Le cadre européen occupe un rôle important dans la poursuite de cet équilibre. En France, c’est la loi Huriet-Sérusclat de 1988 qui a régi la recherche biomédicale, mais le besoin s’est rapidement fait sentir d’harmoniser le fonctionnement de celle-ci à l’échelle européenne. C’est une directive européenne du 4 avril 2001 qui tente cette harmonisation.
Très vite, le législateur français a rejoint le constat de l’industrie pharmaceutique : les contraintes trop lourdes imposées par cette directive et la transposition trop disparate de celle-ci avaient une incidence négative sur la recherche. Ainsi, entre 2007 et 2011, le nombre d’essais cliniques avait chuté de 25 %, tandis que les délais de démarrage avaient augmenté de 90 %.
Avec la loi Jardé, en 2012, la France, avant le législateur européen, a essayé de fixer un cadre juridique clair aux chercheurs, adapté aux évolutions de la recherche, tout en garantissant la sécurité des essais cliniques.
Alors que le cadre normatif était essentiellement tourné vers la recherche lourde sur le médicament, le principal apport de cette loi fut de définir trois niveaux de recherche – interventionnelle lourde, interventionnelle avec risque minime et observationnelle –, avec, pour chacun d’entre eux, un niveau de consentement correspondant.
Ces dispositions novatrices sont aujourd’hui en suspens, faute de décret d’application. En effet, l’Europe ne pouvant être en reste face à ce texte novateur, mais aussi par souci de compétitivité de la recherche européenne, il a été décidé de procéder à une refonte du système au sein d’un règlement.
Contrairement à la directive, qui laisse aux États membres une marge d’adaptation lors de la transposition, le choix du règlement améliore la sécurité juridique des promoteurs, qui peuvent se référer directement à ce texte.
L’application de la loi Jardé a, en conséquence, été suspendue à l’entrée en application de ce règlement, adopté en 2014, dont la transposition dans notre droit interne nécessite une intervention législative, qui se fera par ordonnance.
Mais quelles sont les avancées de ce nouveau cadre européen ?
En matière de transparence, l’accident de Londres survenu en 2006 dans le cadre d’une phase 1 avait mis en lumière les risques liés au manque de transparence et à la non-publication des résultats de la recherche chez l’homme. En l’espèce, ce n’est qu’après cet accident que l’on a découvert que le produit testé avait déjà fait l’objet d’un essai de phase 1, lequel avait mal tourné. Ainsi, 30 % des recherches chez l’homme ne seraient pas publiées, pour des raisons tenant au secret industriel, ou encore à la volonté des promoteurs de préserver leur notoriété.
Dans ce contexte, ce règlement pourrait constituer une avancée majeure quant au renforcement de la transparence sur le déroulement et les résultats des essais cliniques.
Le règlement prévoit la création d’un registre public européen des essais, accessible librement aux chercheurs et, plus largement, au public.
Toujours en ce qui concerne la sécurité des personnes, je note que la stratégie d’escalade des doses retenues était notamment en cause dans l’incident de Rennes.
Or, s’il existe bien des standards ou des guides de bonnes pratiques en la matière, il faudrait sûrement se pencher sur une clarification, à l’échelon européen, de la méthodologie relative aux séquences d’administration chez les volontaires, à l’espacement entre l’administration des traitements et la prise en compte des données nouvelles recueillies chez l’homme. Si cela relève du bon sens clinique, force est de constater que celui-ci n’est pas toujours respecté.
Enfin, je soulèverai encore un point tenant à la qualité des candidats aux essais cliniques.
Notre législation évite de faire de cette activité une profession. En effet, un plafond fixe à 4 500 euros le montant total des indemnités pouvant résulter d’une telle activité. Toutefois, dans un environnement européanisé, il est facile, pour dépasser ce plafond, de franchir une frontière. Aussi serait-il judicieux de fixer un plafond européen.
Ce souhait se heurte à la liberté relative aux données personnelles, puisque cette mesure implique la tenue d’un registre des personnes qui se soumettent, en Europe, à des essais cliniques. Toutefois, la question mérite d’être posée.