Intervention de Esther Benbassa

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 mai 2016 à 9h35
Lutter contre les contrôles d'identité abusifs — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Merci au rapporteur, dont cependant je ne partage pas l'avis sur l'absence de lien entre le récépissé et l'amélioration des relations avec la police. Lorsque j'avais déposé ma proposition de loi en 2011, le Défenseur des droits d'alors avait organisé un colloque avec la participation de policiers venus des États-Unis, d'Espagne et du Royaume-Uni. Lors de ce colloque qui avait duré une journée, les représentants espagnols avaient dit que l'expérimentation du récépissé avait réellement amélioré les relations entre les jeunes et la police dans les quartiers autour de Madrid. Les policiers américains avaient souligné que, malgré leurs craintes initiales vis-à-vis du récépissé, ce dispositif avait fortement réduit l'agressivité lors des contrôles. Ce n'est donc pas une vue de l'esprit.

Un ouvrage publié par deux chercheurs du CNRS, Fabien Jobard et René Lévy, fondé sur une année d'observations à la gare du Nord, a montré la fréquence des contrôles que subissaient les gens de couleur et ceux qui portaient une capuche ; au-dessus de 25 à 30 ans, les femmes, elles, n'étaient plus contrôlées. De même, les hommes âgés, maghrébins ou non, ne l'étaient pas non plus. Le contrôle au faciès est une discrimination. C'est un constat, et non une preuve de défiance à l'égard de la police. Aujourd'hui, dès que l'on ose dire quelque chose à l'encontre de la police, on est accusé d'ingratitude ; or nous apprécions le travail de la police lorsqu'il est bien conduit.

Lors des auditions conduites à l'occasion de l'examen de ma proposition de loi, le ministre d'alors, Manuel Valls, avait promis la mise en place de caméras portatives fixées sur la veste des policiers. C'était un compromis viable, or nous ne voyons rien évoluer, même si la proposition a de nouveau été formulée.

L'État a perdu un procès contre un collectif de personnes qui estimaient avoir été contrôlées abusivement ; il s'est pourvu en cassation. Voilà une nouvelle preuve que le problème ne peut être nié.

Dans le rapport d'information que j'avais rédigé avec Jean-René Lecerf - que l'on ne peut qualifier de gauchiste ! - sur la lutte contre les discriminations, nous recommandions de trouver une solution au phénomène des contrôles au faciès. C'est pour moi l'occasion de rendre hommage à cet homme de droite capable d'écouter ceux qui ne sont pas de son avis.

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