J'approuve totalement le rapport de Valérie Létard, et avec le groupe socialiste, nous partagerons sa vigilance quant à un éventuel décalage entre l'ordonnance et les engagements de la ministre. Les textes sont toujours susceptibles de fluctuer au gré des vents, et le projet de loi de ratification sera l'occasion d'exercer notre vigilance.
En amont, il faudra insister sur trois sujets, qui doivent être pris en compte dans la rédaction de l'ordonnance. Le rôle, tout d'abord, du comité consultatif. Je rassure au passage Elisabeth Lamure, en rappelant que dès le départ, s'était exprimée l'exigence d'une instance susceptible de vérifier la manière dont se répartit la collecte, sachant que nous entendons éviter une tendance à laquelle porte le climat ambiant, et qui conduirait à mettre les moyens dans les zones tendues. J'ai toujours été opposée à la centralisation du 1 %, mais tous les partenaires sociaux ont fait ce choix. Il s'agit, via ce comité, de limiter la tendance à la concentration des moyens sur les seules zones tendues.
Mon deuxième sujet de préoccupation est d'ordre constitutionnel. Alors que la PEEC peut être considérée comme un prélèvement obligatoire d'intérêt général, on en capte une partie pour prendre des participations dans certaines sociétés HLM, au risque de créer une rupture d'égalité entre les organismes HLM. Il est clair qu'une société HLM dotée de fonds propres a d'autant plus de facilités à acheter du foncier onéreux. Pendant longtemps, on a argué que les organismes HLM avaient besoin de fonds propres. Mais le Président de la République a annoncé la mise en oeuvre de prêts de haut de bilan ouverts par la Caisse des dépôts à tous les organismes HLM. Je souhaiterais donc, pour le moins, qu'il soit précisé dans l'ordonnance que l'utilisation de la PEEC pour prendre des participations prévue par le projet de loi d'habilitation soit destinée à s'éteindre. On sait bien que ce sont avant tout les grosses sociétés, qui produisent beaucoup, qui seront ainsi capitalisées, ce qui ne sera pas sans effets, soit dit en passant, sur les territoires.
Ce qui m'amène à la question de la répartition de la PEEC dans les territoires. La structure faîtière va devenir l'actionnaire de toutes les sociétés locales. Or, nombreuses sont celles où les partenaires locaux réalisent un travail commun pour répondre aux besoins spécifiques de leur territoire. Si c'est désormais Paris qui décide des grands choix, tous les équilibres territoriaux qui s'opéraient ne reposeront plus que sur les collectivités locales - à supposer, de surcroît, qu'elles parviennent à trouver le bon échelon. Un tel changement d'actionnaire est contraire, par son automaticité, au droit des sociétés, a fortiori s'agissant de sociétés coopératives, pour lesquelles l'affectio societatis est très important. Je suis donc très réservée. Cela dit, l'Etat assurera un contrôle : il devra se montrer soucieux de préserver l'harmonie locale et, en cas de difficultés, jouer le rôle de médiateur de dernier recours.
Les territoires doivent être entendus, le groupe socialiste y insiste. Alors que la désertification menace, les bourgs-centres, les villes moyennes, les zones agglomérées ont le sentiment de ne pas être entendus ; ils ont pourtant plus que jamais besoin d'être accompagnés dans leurs mutations. Il y a là un enjeu important que le Sénat doit porter. La ministre a été impressionnée par notre convergence sur ce point et je crois qu'elle y sera sensible dans la rédaction de l'ordonnance. Il faudra y veiller.