Intervention de Roger Madec

Réunion du 10 mai 2016 à 9h30
Questions orales — Droit au logement opposable et disparité dans la mobilisation du contingent préfectoral entre les départements

Photo de Roger MadecRoger Madec :

Madame la ministre, la situation du logement en France est une préoccupation majeure pour un grand nombre de nos concitoyens.

Dans un rapport qu’elle a publié en janvier dernier, la Fondation Abbé Pierre précise que plus de 15 millions de personnes sont touchées par le mal-logement. Elle considère même qu’il y a une aggravation de ce phénomène, qui touche avant tout les ménages aux revenus modestes.

Des mesures ont été prises par le Gouvernement pour répondre à cette crise, avec notamment l’ambition de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, mais on peut regretter que cet objectif n’ait pas été totalement atteint.

La loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « loi DALO », fait obligation à l’État de trouver un logement décent aux personnes résidant en France qui ne peuvent parvenir elles-mêmes à se loger correctement. On ne peut donc que déplorer, au vu de la faiblesse de l’offre, que des résultats tangibles se fassent toujours attendre.

Pourtant, des solutions existent. Dans le rapport, rendu public en 2015 par le comité de suivi de la loi DALO, il est ainsi constaté qu’une fois réservés les logements sociaux disponibles du contingent préfectoral ne sont pas toujours utilisés pour reloger les ménages prioritaires.

Malgré l’absence de statistiques au niveau national, les observations du comité de suivi font apparaître des disparités importantes selon les départements. Ces différences peuvent s’expliquer par le choix opéré par les représentants de l’État entre les différents modes de gestion du contingent préfectoral : la gestion en direct, une gestion en stock déléguée aux bailleurs sociaux, ou une gestion en flux, elle aussi déléguée aux organismes d’HLM. Pour ce dernier cas, la gestion du contingent préfectoral peut être confiée au maire.

Si l’intérêt de la délégation peut présenter des avantages dans le traitement des demandes à l’échelle d’un territoire, elle peut être utilisée par certains pour limiter la venue de ménages reconnus éligibles au titre du DALO sur leur territoire. On peut ainsi déplorer que la gestion déléguée devienne un obstacle à l’application du droit au logement.

Dans la région Île-de-France, que vous connaissez très bien, madame la ministre, puisque vous y avez exercé avec talent des fonctions en matière de logement, les statistiques de la DRIHL, la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement, en sont l’illustration.

Ainsi, les logements relevant du contingent préfectoral sont affectés aux ménages prioritaires à hauteur de 90 % à Paris, de 75 % en Seine-et-Marne, de 76 % en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne, de 42 % dans les Yvelines, de 43 % dans le Val-d’Oise, de 54 % dans l’Essonne. Dans le département des Hauts-de-Seine, ce taux n’est plus que de 23 %.

Le taux de mobilisation, extrêmement faible dans ce dernier département, met en évidence, selon le comité de suivi de la loi DALO, un détournement de la vocation du contingent préfectoral. Le fait que le contingent des Hauts-de-Seine soit délégué aux municipalités apparaît préjudiciable pour le relogement des familles prioritaires DALO. La sous-utilisation du contingent préfectoral dans les départements possédant un faible taux de relogement met en évidence les progrès qui pourraient être réalisés simplement en ayant recours à l’offre existante.

Il apparaît urgent d’engager une mobilisation efficace de ce contingent, qui serait suffisant pour reloger les ménages prioritaires.

Si je ne suis pas partisan d’une remise en cause de la gestion en flux délégué, dont le mode est d’ailleurs appelé à se généraliser, je considère que les contrôles du représentant de l’État sont perfectibles.

Madame la ministre, vous avez présenté au conseil des ministres du 13 avril dernier un projet de loi ambitieux intitulé « Égalité et citoyenneté », dont le volet relatif au logement social aura pour ambitieux d’atténuer la ghettoïsation de certains territoires, en imposant aux bailleurs sociaux des pratiques plus transparentes et équitables, et aux maires récalcitrants le respect de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU ».

Les mesures annoncées vont dans le bon sens. Je souhaite donc attirer votre attention sur ces difficultés dans la mobilisation du contingent préfectoral, afin de rendre le droit au logement opposable, qui est un droit universel, réellement efficace. Ces mesures permettront sans aucun doute d’accroître le volontarisme du Gouvernement dans le cadre de sa politique plus globale en matière de logement et de répondre en partie au million de nos concitoyens en attente d’un logement social.

Enfin, je tiens à vous remercier, madame la ministre, d’être venue en personne pour me répondre. Cette question était destinée à votre prédécesseur, à qui j’avais posé trois questions écrites sur le sujet et qui ne m’avait jamais répondu…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion