Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 6 mai 2010 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — État c

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

Cet article vise à permettre à l’État français d’effectuer un prêt à hauteur maximale de 16, 8 milliards d’euros pour la Grèce.

Tout d’abord, revenons au montant de la dette souveraine grecque. Il faut rétablir quelques vérités. Beaucoup ici vilipendent la dette de la Grèce comme étant le résultat de la fainéantise des travailleurs grecs qui préfèrent le « farniente », comme l’a dit le Premier ministre Papandréou, par ailleurs président de l’Internationale socialiste !

Cette dette s’élève à 300 milliards d’euros. En soi, cela ne veut rien dire, mais quand on sait que cela représente environ 2 % du PIB de l’Union européenne, on comprend mieux ! La dette grecque, ce n’est rien ! Rappelons également que la dette grecque est moins importante que celle du Japon et que le déficit des comptes publics n’y est pas plus élevé qu’en Italie, si l’on tient compte des déficits cumulés réels.

Pourtant, cette dette est aujourd’hui l’occasion pour le directeur général du FMI et pour l’Union européenne de faire saigner le peuple grec ! Relèvement de l’âge de la retraite, fin des treizième et quatorzième mois des fonctionnaires – qui n’avaient d’autre but que d’éviter une augmentation de leurs traitements –, licenciements facilités, gel des salaires, etc. C’est donc la « stratégie du choc » : profiter de la crise pour détruire tous les acquis sociaux des travailleurs !

En entendant le Premier ministre sur TF1, on peut comprendre que le Gouvernement français prépare les esprits à des mesures de rigueur comparables à celles qui sont imposées au peuple grec, mesures qui épargneront probablement les plus riches.

Relevons au passage quelque chose de troublant. Du fait de l’incapacité des élites européennes à mettre en place une politique de défense, la Grèce supporte les plus fortes dépenses militaires de tout le continent européen. Or aucune décision de réduction n’a été prise, sous le prétexte d’une menace turque, pays qui demande pourtant son intégration à l’Union européenne ! Ni la France ni l’Allemagne n’ont suggéré à Athènes de faire des économies sur son budget militaire. Et pour cause : ces deux pays sont les principaux vendeurs d’armes à la Grèce !

En effet, il s’agit bien de cela : les banques et les États vont profiter des « sacrifices » des Grecs pour empocher le pactole – 600 millions d’euros pour la France ! Cela équivaut au paiement de nombreux salaires que les Grecs n’auront pas, du fait de la cupidité des banques et des États ! Pourtant, madame la ministre, vous affirmiez à l’Assemblée nationale : « Le mécanisme de soutien proposé par la France est un mécanisme de solidarité à l’exclusion de toute arrière-pensée. Il n’est pas question de tirer un profit indu de notre soutien à la Grèce. » Pour nous, c’est un mensonge ! Prouvez-nous aujourd’hui que la France ne fera pas de bénéfices ! Prouvez au peuple grec que vous ne lui faites pas les poches avec ces 600 millions d’euros d’intérêts ! C’est impossible, et vous le savez !

De plus, nous avons dénoncé l’insanité de la procédure institutionnelle. Ce qui a été possible avec les banques l’année dernière est interdit aujourd’hui pour un État. D’ailleurs, les banques européennes, premiers créanciers de la Grèce, ont obtenu le 13 avril de la BCE une nouvelle ligne de refinancement à 1 % de 70, 5 milliards d’euros, c'est-à-dire pratiquement la totalité de ce que la zone euro a prévu de débloquer pour la Grèce à 5 %.

Voilà ce qu’est pour vous la solidarité : faire plier la Grèce pour empocher les profits !

Eh bien, notre groupe s’oppose frontalement à cette vision de la solidarité. Pour nous, la véritable solidarité consisterait à prêter à un taux égal à celui auquel la France emprunte. La véritable solidarité, ce serait d’ouvrir la possibilité à une consolidation de la dette grecque.

C’est le sens des amendements que nous avons déposés, et nous allons plus loin. Il faut casser les reins à la spéculation ! Casser les reins à ceux qui ont intérêt à ce que la Grèce fasse faillite grâce à ces CDS ! Taxer les banques, principales responsables de la situation. Voilà ce que serait une véritable solidarité !

Ainsi donc, seul notre groupe est solidaire du peuple grec ! D’ailleurs, ce dernier ne s’y trompe pas : toutes les enquêtes et les manifestations montrent que les Grecs refusent de telles aides et un tel plan de rigueur. Ils refusent, et nous aussi, que la Grèce perde sa souveraineté populaire.

Entre le diktat des banques et la démocratie, vous avez choisi les banques ! Nous, nous choisissons le peuple grec ! Et le jour où il y aura un véritable gouvernement de gauche, nous nous attaquerons aux spéculateurs ! Car, aujourd’hui, il s’agit non pas d’une possible « contagion » de la crise à d’autres États, mais bien d’une véritable attaque ! Et tant que les prédateurs n’auront pas été punis, ils continueront à s’attaquer aux États les uns après les autres. Si vous ne savez pas quoi faire contre eux, un gouvernement du Front de gauche saura le faire !

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