Intervention de Jacques Muller

Réunion du 23 octobre 2007 à 10h00
Questions orales — Fermeture de la centrale de fessenheim

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le Grenelle de l'environnement aborde sa phase finale. Or je regrette profondément que ses travaux aient été amputés du débat de fond nécessaire sur le nucléaire civil français, qui était attendu par nos concitoyens.

Cela étant, je souhaite vous interpeller directement, madame la secrétaire d'État, au sujet de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Âgée de plus de trente ans, elle est la plus ancienne de France et pèse moins de 3 % de la production d'électricité nucléaire. Il s'agit d'un prototype devenu obsolète : ses deux réacteurs ont connu, et connaissent encore, des incidents multiples, dont l'un des plus graves a été la contamination de douze membres du personnel en janvier 2004.

Les indisponibilités qui en ont résulté ont entraîné entre 1999 et 2002 un manque à gagner de 278 millions d'euros, auquel il convient d'ajouter 200 millions d'euros pour le coût des visites décennales réalisées ces deux années-là. Une rallonge de 100 millions d'euros supplémentaires est prévue pour les visites décennales de 2009 et de 2010.

C'est devenu un secret de polichinelle : la centrale de Fessenheim n'est plus rentable. Par ailleurs, elle n'est plus en conformité avec les réglementations française et européenne sur l'eau. Elle n'est pas non plus conforme aux normes actuelles de résistance sismique, alors qu'elle est bâtie sur une faille active, dont la dangerosité a été rappelée par vingt et un experts internationaux engagés dans l'étude Pegasos.

En outre, les mesures de protection présentent des insuffisances préoccupantes. Je pense au risque de rupture de la digue du grand canal d'Alsace en contrebas duquel elle se situe ou au risque de chute, accidentelle ou provoquée, d'avions commerciaux très gros porteurs comme l'A380, qui n'avait pas été envisagée dans les scénarios de sécurité initiaux.

Rentabilité douteuse, questions de sécurité toujours en suspens, le dossier de la centrale nucléaire de Fessenheim a réussi à faire exploser les clivages politiques en Alsace. Ainsi, cent quarante-six élus alsaciens ont signé en 2006 un appel à la fermeture immédiate de la centrale nucléaire de Fessenheim. Je souligne que cet appel regroupait non seulement des élus sans étiquette, des centristes, des socialistes et des Verts, mais aussi des membres de la majorité présidentielle. Parmi ces derniers, figurait le défunt Charles Haby, député-maire honoraire UMP et président honoraire du conseil général du Haut-Rhin, qui fut le président du premier comité local d'information et de suivi, ou CLIS, de Fessenheim.

Certains signataires sont favorables à une relance du nucléaire en France à travers le programme EPR ; d'autres s'y opposent. Quoi qu'il en soit, tous se sont rassemblés pour parler d'une seule voix : le temps de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim est arrivé.

Fermer la centrale ne signifie pas fermer le site de Fessenheim, bien au contraire ! En effet, en France, il y a cinquante-huit réacteurs nucléaires, répartis sur dix-neuf sites. Toutes ces centrales devront être un jour fermées et démantelées, et les sites correspondants traités.

Aujourd'hui, nous ne maîtrisons pas cette technologie et ces savoir-faire. Si nous n'anticipons pas, nous serons conduits à importer l'ingénierie nécessaire, notamment d'Allemagne. Laisserons-nous, comme pour les énergies renouvelables, se creuser un retard technologique vis-à-vis de nos voisins, qui serait coûteux en devises et en emplois qualifiés ?

Madame la secrétaire d'État, je vous invite solennellement à entendre l'appel des élus alsaciens. Dépassons les clivages politiques ! Dépassons les clivages pro ou anti-nucléaires ! La prise en compte objective des considérations économiques et de sécurité nous invite à fermer rapidement la centrale de Fessenheim et à la reconvertir en un site pilote.

Êtes-vous prête à saisir l'opportunité de faire de Fessenheim un pôle de recherche-développement de hautes technologies qui permettra à la France d'acquérir les savoir-faire indispensables au démantèlement et au traitement des centrales nucléaires en fin de vie ?

Je souligne qu'il n'en va pas seulement du maintien d'une activité économique durable sur ce site reposant sur des emplois qualifiés : l'acquisition de tels savoir-faire doit permettre à la France de développer une ingénierie de pointe, parfaitement exportable dans un avenir proche compte tenu de l'étendue et de l'âge du parc nucléaire mondial.

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