Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 10 mai 2016 à 14h30
Répression des abus de marché — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi réformant le système français de répression des abus de marché se caractérise par trois éléments : l’urgence à légiférer ; la nécessité de combler un vide juridique ; le consensus des dispositions proposées et l’accord des acteurs, notamment des deux principaux concernés, le Parquet national financier et l’Autorité des marchés financiers. Il faut s’en féliciter.

Ce texte est discuté dans l’urgence et sous une double contrainte temporelle. S’il est urgent de légiférer, c’est parce que cette proposition de loi, dont les dispositions faisaient à l’origine partie, monsieur le ministre, du projet de loi dit « Sapin II », répond à la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015. Le Conseil avait déclaré contraire à la Constitution les dispositions légales en vigueur. Si nous ne légiférons pas, l’ensemble du système répressif en matière d’abus de marché risque d’être inopérant à compter du 1er septembre 2016, date d’effet de la décision du Conseil constitutionnel. Il nous faut donc nous mettre en conformité avant cette date.

Les abus de marché, dont le plus connu est le délit d’initié, portent atteinte à la transparence des marchés boursiers et au bon fonctionnement des échanges qui s’y déroulent.

L’urgence est double, puisque ces mêmes dispositions doivent évoluer, afin d’être conformes aux dispositions de la directive européenne dite « MAD » et du règlement européen dit « MAR » du 16 avril 2014 relatifs aux abus de marché, leur transposition devant intervenir au plus tard le 3 juillet prochain.

La proposition de loi est donc essentielle : si les mesures législatives qu’elle contient n’étaient pas adoptées, notre pays prendrait le risque de créer un vide juridique fortement préjudiciable à la continuité de la lutte contre la délinquance financière. D’ordre technique, elle réforme le système français de répression des abus de marché, afin de mettre notre droit en conformité avec les jurisprudences tant constitutionnelle que conventionnelle. Il s’agit de permettre que les abus de marché continuent d’être poursuivis et jugés par la voie administrative ou pénale.

Compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel, le principal enjeu de la proposition de loi était de trouver la bonne articulation entre les procédures administratives et judiciaires en matière financière, afin de mettre notre droit en conformité avec les jurisprudences constitutionnelle et conventionnelle, tout en préservant l’efficacité du système existant.

Rappelons que tant la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Grande Stevens de mars 2014, que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 mars 2015, ont jugé contraire au principe non bis in idem de poursuivre et de sanctionner administrativement et pénalement une même personne pour un même fait en matière financière. Yvon Collin vient de rappeler le délit d’initié dans l’affaire EADS.

De fait, le système français dual de répression des abus de marché en vigueur, où coexistaient la procédure administrative de l’Autorité des marchés financiers et la procédure pénale du Parquet national financier, devait être modifié.

Ainsi, la proposition de loi vient actualiser les bases légales de répression des abus de marché en maintenant deux voies, administrative et pénale, de poursuite et de sanction, tout en évitant le cumul des poursuites. Tel était l’objet des décisions citées. Le choix a été fait, parmi plusieurs propositions, de maintenir deux procédures possibles, l’une pénale et l’autre administrative, pour réprimer les abus de marché, chacune d’entre elles ayant ses avantages et ayant fait la preuve d’une certaine efficacité, avec deux instances distinctes.

En outre, ce choix nous paraît la traduction d’un consensus entre les deux autorités concernées, l’AMF et le Parquet national financier, sur la procédure de concertation, sur le système d’aiguillage et d’arbitrage par le procureur général près la cour d’appel de Paris en cas de désaccord – M. le rapporteur général de la commission des finances l’a rappelé – en fonction des affaires à poursuivre et à juger, selon la qualité des auteurs, la nature, la gravité et les conséquences éventuelles des faits incriminés. L’idée est de réserver la voie pénale aux cas les plus graves, commis par exemple en état de récidive ou en bande organisée, et à partir d’un certain montant de préjudice.

Précisons que le système semble fonctionner, les deux autorités ayant opportunément déjà commencé à mettre en pratique ce système de concertation depuis la décision du Conseil constitutionnel.

Au-delà de la question juridique du cumul des poursuites liée à la jurisprudence constitutionnelle, la réforme du système de répression des abus de marché qui nous est proposée est l’occasion d’améliorer celui-ci par la transposition du paquet dit « MAD-MAR ». Ces dispositions européennes visent à « renforcer la répression pénale en matière d’abus de marché dans les États de l’Union européenne en établissant des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives ».

Utiliser ce véhicule législatif pour transposer la nouvelle directive et le nouveau règlement européens sur les abus de marché nous semble cohérent, puisque ces textes traitent du même corpus juridique et participent à l’amélioration du système répressif en matière d’abus de marché.

Ces textes européens refondent les périmètres des trois délits principaux en matière d’abus de marché, afin de les rendre plus précis et plus opérants. Ils uniformisent et renforcent également les sanctions administratives et pénales, puisque les délits seront désormais punis d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement, contre un ou deux ans aujourd'hui, et d’une sanction pécuniaire d’un montant égal à celui de la sanction administrative, soit 100 millions d’euros.

L’uniformisation de la qualification des délits et des sanctions pécuniaires administratives et pénales à laquelle procède ce texte permettra d’améliorer l’efficacité du système répressif. En outre, la transposition des textes européens permet de clarifier le champ d’application des délits et de l’étendre à l’ensemble des marchés, ainsi que de renforcer le dispositif répressif en créant des infractions autonomes.

Je salue bien sûr le travail des rapporteurs de la commission des finances et de la commission des lois. Leurs propositions de modifications – je pense notamment à la création d’une circonstance aggravante lorsque les délits boursiers sont commis en bande organisée – permettent d’accroître encore l’efficacité, la rapidité et la sévérité de la répression, en particulier pénale, des abus de marché.

Améliorer la coordination entre l’Autorité des marchés financiers et le Parquet national financier est nécessaire. Alourdir les sanctions de ces infractions qui faussent le marché l’est également. Nous approuvons ces dispositions dont l’objectif est d’assurer une répression effective, rapide et dissuasive de ces pratiques. C’est pourquoi le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi.

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