Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous vous apprêtez à examiner en deuxième lecture s’inscrit dans une histoire législative.
Je ne peux pas ne pas penser, depuis cette tribune, à celles et ceux qui, ici même, il y a quarante ans, adoptèrent la première grande loi de protection de la nature. Cette loi de 1976, dont chacun reconnaît aujourd’hui les bienfaits, fut adoptée par de larges majorités dans les deux chambres. On aurait tort de croire, pour autant, que les débats qui se déroulèrent alors furent toujours empreints d’un esprit d’unanimisme béat.
Le chef de file du principal groupe de l’opposition parlementaire de l’époque avait apporté, je cite, « un soutien critique et, d’une certaine manière, désabusé » à un projet qu’il jugeait « trop timide pour être significatif ».
À l’inverse, un parlementaire de la majorité de l’époque s’était écrié : « Je suis affolé par la masse de règlements et d’interdictions que nous introduisons dans notre droit dans le souci de protéger la nature. » Il disait redouter que, je cite encore, « dans quelques siècles, les historiens puissent dire : “Ces hommes édictèrent librement une réglementation qui fit de leur génération la dernière qui pût agir en toute liberté” ».
À l’occasion des dix ans du vote de la loi, en 1986, le journal Le Monde écrivait : « Ceux qui la redoutaient le plus – industriels et aménageurs – la jugent aujourd’hui “excellente”. Ceux qui sont chargés de l’appliquer se disent “désarmés”. Quant aux protecteurs de la nature, qui plaçaient dans cette loi les plus grands espoirs, ils se partagent entre “déçus” et “impatients”. »
Pourtant, ensemble, nous allons célébrer, en juillet prochain, les quarante ans de cette loi, les quarante ans de ce que chacun s’accorde à considérer aujourd’hui, et à juste titre, comme une grande loi.
Si j’ai tenu à commencer par ce rappel ce propos introductif à l’examen du projet de loi qui va occuper nos prochaines journées et nuits, c’est qu’il me semble utile de replacer ce texte dans son contexte.
La loi de 1976 sur la protection de la nature, celle de 1993 sur les paysages, présentée, déjà, par Ségolène Royal, ont doté notre pays d’un arsenal législatif, qu’il convient aujourd’hui de compléter et d’adapter aux enjeux d’aujourd’hui.
La biodiversité est essentielle non seulement à notre qualité de vie, mais désormais, tout simplement, à la survie même de l’humanité.
Cette vie est la résultante de l’interaction entre les espèces : la conscience de l’importance des pollinisateurs, par exemple, s’est imposée dans le débat public, et nous devons nous en réjouir.
La diversité des espaces naturels concourt à l’équilibre de la planète : le débat sur le climat, par exemple, a mis en évidence l’importance des forêts et des zones humides pour les écosystèmes. Et chacun a bien conscience que cette biodiversité est menacée. Le rythme actuel de disparition des espèces animales et végétales est 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel d’extinction !
Notre action publique – ce projet de loi nous y invite – doit viser à lutter contre les facteurs qui menacent la biodiversité. Ces facteurs, on les connaît. Ils sont au nombre de cinq : la disparition des habitats et des milieux naturels dans lesquels les espèces évoluent ; la surexploitation des ressources ; les pollutions ; le développement d’espèces exotiques envahissantes ; le réchauffement climatique.
La biodiversité, c’est un enjeu pour la planète, mais également pour notre quotidien : elle conditionne notre santé, la qualité de notre alimentation, mais elle est également un facteur de développement économique. C’est pourquoi l’action publique ne doit pas seulement être défensive. Elle doit également favoriser le développement de l’économie de la biodiversité, parce que le génie écologique, c’est de l’emploi durable, non délocalisable et rentable.