Intervention de Barbara Pompili

Réunion du 10 mai 2016 à 14h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Barbara Pompili, secrétaire d'État :

L’économie de la biodiversité, ce sont bientôt 40 000 emplois dans les parcs nationaux et régionaux et les aires marines protégées et plus de 150 000 emplois dans le secteur des jardins et des paysages.

Les activités fortement dépendantes de la biodiversité, comme la pêche, l’agriculture, la sylviculture et la première transformation pèsent 2 millions d’emplois en France. Les emplois indirects, induits par la protection et la valorisation de la biodiversité – par exemple, dans le tourisme, la filière du bois ou les cosmétiques – se chiffrent à près de 5 millions. Les travaux du dixième programme des agences de l’eau soutiennent près de 70 000 emplois.

En outre, soutenues par le plan d’investissements d’avenir, se développe, dans notre pays, un réseau de start-up et de PME qui sont à la pointe de l’ingénierie écologique dans le secteur du biomimétisme et de la bioinspiration. J’ajoute que la chimie verte, affranchie des hydrocarbures et qui mise sur la nature et sur l’industrialisation des bioprocédés, c’est l’avenir de la chimie française.

C’est tout cela, directement ou indirectement, par les cadres qu’il crée ou qu’il prévoit, par les synergies qu’il organise, dont il est question dans le projet de loi que vous examinez aujourd’hui. Et tout cela peut sembler consensuel. Dans les déplacements de terrain que j’effectue depuis quelques semaines, on me demande même parfois si c’est bien politique. Eh bien, ça l’est !

Tout d’abord, répondre à ces défis demande à adapter des comportements, à changer des habitudes, et cela par le dialogue, progressivement et en définissant des partenariats gagnants-gagnants. C’est ce à quoi s’emploie ce texte.

Ensuite, parce que ce projet de loi arrive en appui de décisions politiques concrètes, par exemple celles qui ont été prises pour l’interdiction de vente aux particuliers de pesticides nocifs ou pour les sacs plastiques, mais aussi en complément de décisions de soutien à l’investissement dans la recherche et l’innovation des entreprises.

Ce projet de loi s’inscrit ainsi dans une politique volontariste et cohérente, menée par Ségolène Royal à la tête du ministère de l’environnement. Enfin, ces questions sont des questions politiques, parce qu’y répondre impose de concilier des intérêts parfois divergents, de les faire converger et de résister à des intérêts puissants. Ces intérêts économiques ont toute leur légitimité : notre rôle, le vôtre, c’est de les entendre et de définir, au-delà, l’intérêt général.

On peut aussi se demander si les questions de biodiversité relèvent des pouvoirs nationaux. Et la tentation est grande de renvoyer un certain nombre de décisions à l’Union européenne.

Pour certains domaines, l’Europe est certes l’échelon pertinent, mais cette Europe a aussi besoin de pionniers. Sachons, sur les questions d’environnement, dès lors que nos décisions ne viennent pas, évidemment, mettre en danger la compétitivité de nos acteurs économiques, par les dispositifs que nous imaginons, par les structures que nous créons – je pense notamment à l’Agence française pour la biodiversité, dont le concept suscite un intérêt croissant hors de nos frontières –, oui, sachons faire de la France un pays pionnier.

En effet, pour la France, la biodiversité est aussi une question nationale, j’allais dire une question d’identité. Notre pays est l’un des plus riches au monde en merveilles de la nature, tout particulièrement dans les outre-mer, qui concentrent plus de 80 % de la biodiversité nationale.

Nous figurons parmi les dix pays du monde qui abritent le plus grand nombre d’espèces ; notre domaine maritime est le deuxième de la planète et nous sommes le quatrième pays au monde pour ses récifs coralliens.

Toutefois, nous sommes aussi au sixième rang des pays abritant le plus grand nombre d’espèces menacées. Nous avons donc une responsabilité particulière à assumer.

Cette responsabilité singulière et cette ambition que porte ce projet de loi viennent de loin, et Ségolène Royal a associé, lors de sa conception, de nombreux acteurs de la société civile : associations, ONG, usagers et gardiens de la nature, entreprises, etc. Cette volonté de coproduction a également prévalu lors des étapes précédentes de l’examen parlementaire du projet de loi.

Avant d’aborder les points qui restent à trancher et qui feront l’objet de cette deuxième lecture, je voudrais rappeler qu’une partie du projet a déjà été adoptée en termes identiques par les deux assemblées et que d’autres dispositions semblent avoir atteint, à l’issue des travaux de votre commission, un point d’équilibre qui devrait, sans difficulté, trouver l’assentiment de tous.

Ce socle constitue une fondation solide pour ce qui deviendra, à l’issue des débats parlementaires, la loi.

Je veux en premier lieu, évidemment, saluer le maintien de la vision dynamique de la biodiversité et de sa définition à l’article 1er. C’est essentiel, car cela permet d’identifier le défi qui est le nôtre de donner à voir la nature, non comme une sorte de juxtaposition d’espèces végétales et animales, mais dans sa dimension d’interactions. Mais c’est essentiel, aussi, parce que cela démontre la volonté du législateur de ne pas mettre la nature sous cloche, comme certains le craignent parfois.

Je salue également, même s’il conviendra sans doute de le préciser encore à la marge, le travail de votre commission des lois et de votre commission du développement durable sur la question de la réparation du préjudice écologique.

Nous avons là une avancée du droit, due à l’initiative du président Retailleau, qui permettra d’inscrire dans la loi la jurisprudence de l’Erika, donc de la sécuriser juridiquement, tout en garantissant aux acteurs économiques un cadre stable et clair.

J’aurais pu parler de la non-brevetabilité des gènes natifs – levier pour lutter contre le brevetage du vivant et la biopiraterie –, de la nouvelle gouvernance de l’eau – plus équilibrée pour les usagers non professionnels – ou du point d’équilibre proche sur le régime d’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.

J’aurais aussi pu parler, de manière très concrète, du maintien de l’obligation, pour les centres commerciaux, de répondre à des critères environnementaux dans leurs nouveaux bâtiments : cela portera sur les sources d’énergie privilégiant le renouvelable, sur la végétalisation de toitures ou encore sur la perméabilité des sols.

Demeure en suspens la question du délai d’application, mais le principe semble désormais rencontrer un large assentiment.

J’ajoute, bien entendu, et c’est un point essentiel du projet de loi, que l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, est sur de bons rails. Le président de la République a garanti, dans le discours prononcé lors de la dernière conférence environnementale, que l’agence bénéficierait des moyens nécessaires à son action et annoncé un renforcement des moyens, notamment humains, qui seront mis à sa disposition.

Je rappelle que le Gouvernement a tenu à faire preuve, sur ce projet, d’une grande souplesse et d’un grand pragmatisme. J’assume le choix opéré de ne pas intégrer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, dans l’Agence française pour la biodiversité, même s’il m’est souvent reproché, je ne vous le cache pas, lors des visites de terrain que j’effectue.

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