Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, protéger la nature sans entraver le progrès, préserver l’existant tout en préparant l’avenir, concilier biodiversité et activités humaines, assurer la compatibilité de ces dernières entre elles pour garantir un accès équitable de tous au patrimoine commun, tel est le périlleux exercice auquel nous nous soumettons à nouveau au sein de cet hémicycle.
Les deux assemblées ont pleinement joué leur rôle et apporté des améliorations notables à chaque lecture de ce projet de loi, pour lequel la procédure accélérée n’a pas été engagée. Au cours de cette dernière lecture par le Sénat, nous continuerons d’agir ainsi.
La création de l’Agence française pour la biodiversité, sa composition en cinq collèges représentant tous les acteurs socioéconomiques et la très grande majorité de ses missions ont été actées.
L’instauration de nouveaux instruments dans notre droit que sont les obligations réelles environnementales ou les mesures de compensation permettra de préserver la biodiversité sans remettre en cause les activités humaines. Des sujets d’une grande complexité à la fois technique et juridique ont été au cœur de nos débats.
Il en a été ainsi de la mise en place du dispositif d’accès aux ressources génétiques et du partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation. La « biopiraterie » doit être combattue, et nous avons tous à l’esprit des exemples tels que la stévia, édulcorant naturel, dont les effets gustatifs et thérapeutiques ont été découverts par des Indiens guarani d’Amérique du Sud. Elle fait désormais l’objet de demandes de brevets déposés par les grandes firmes.
Nous maintiendrons notre position en proposant, une nouvelle fois, de limiter les contributions financières dues par les entreprises utilisant les ressources génétiques à des fins commerciales à 1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes, au lieu des 5 % proposés par l’Assemblée nationale. À notre sens, c’est une réponse plus équilibrée si l’on ne veut pas entraver la recherche, qui bénéficie, elle aussi, à tous.
Je me félicite en outre de la réintroduction en commission des dispositions relatives à l’entrée en vigueur du dispositif, car ce n’est pas en ignorant le problème que celui-ci disparaît.
Par voie d’amendement, le Sénat a intégré dans le débat des questions essentielles, qui ont toute leur place au sein du présent projet de loi. J’en évoquerai deux : la brevetabilité du vivant et la reconnaissance du préjudice écologique.
S’agissant du préjudice écologique, le dispositif a été utilement complété par l’Assemblée nationale, puis en commission, grâce au travail de nos collègues Alain Anziani et Jérôme Bignon. Après une longue gestation, juridictions, juristes et législateurs auront permis la reconnaissance par le droit du préjudice écologique pur, devant être réparé en priorité en nature. Ce qui nous fera encore défaut pour l’application de ce texte, c’est la nécessaire expertise de tribunaux et de juges spécialisés dans un droit qui demeure complexe.
Sur la brevetabilité du vivant, nous ne contestons pas, par principe, les évolutions intervenant en matière de biotechnologie. Nous aurons, dans les prochaines années, à relever un défi alimentaire, en augmentant la production agricole tout en produisant durablement.
Il reste du chemin à parcourir pour simplifier et adapter le droit national et le droit européen aux nouvelles techniques, alors que la frontière entre ce qui est brevetable et ce qui ne l’est pas est ténue et que des dérives peuvent toujours avoir lieu.
Enfin, je tiens à évoquer les dispositions concernant les produits phytopharmaceutiques de la famille des néonicotinoïdes. Si nos points de vue convergent s’agissant de la nécessité de trouver des moyens de substitution lorsque l’évaluation scientifique établit que certains usages et substances comportent des risques avérés sur la santé et/ou l’environnement, ils divergent pour ce qui concerne les solutions.
Faut-il interdire toutes ces substances ? Ne peut-on pas encadrer leur usage efficacement ? Peut-on véritablement le contrôler ? Mes chers collègues, gardons à l’esprit que les néonicotinoïdes sont venus remplacer les organophosphorés et les carbamates à fort impact neurotoxique chez les mammifères. Le pragmatisme s’impose : le progrès scientifique est aussi une réalité, qu’il ne faut pas refuser.