Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 10 mai 2016 à 14h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la discussion au sein de la commission, un amendement, non retenu, visait à supprimer le mot « reconquête » du titre de ce projet de loi. Ce n’était pas absurde, car plusieurs amendements adoptés la semaine dernière en commission ont effectivement vidé en partie le projet de loi de cette ambition.

Les signaux d’alerte sur l’effondrement de la biodiversité en France sont pourtant nombreux, comme la baisse massive des populations de passereaux – moins 30 % en 13 ans en Île-de-France, le chiffre vient d’être donné – ou le fait que les trois quarts des habitats naturels en France soient aujourd'hui considérés comme en état de conservation défavorable.

De toute évidence, malgré l’urgence, ce projet de loi est encore jugé démesuré dans son ambition par un certain nombre de sénateurs. Au sein de la commission, nous avons ainsi supprimé le principe de non-régression dans le code de l’environnement ou encore la précision selon laquelle les mesures de compensation visent un objectif de zéro perte nette de biodiversité.

Ainsi, d’amendement en amendement, nombre de sénateurs, principalement de droite, il faut bien le reconnaître, et heureusement pas toujours majoritaires – je salue ceux qui ont évité que ce texte ne soit encore pire et qui se reconnaîtront –, ont dessiné une vision qui ne considère toujours pas la préservation de la biodiversité comme un enjeu majeur pour notre propre avenir, notamment notre alimentation, notre santé et notre développement économique. Pour eux, la nature reste ce monde hostile qu’il s’agit de repousser aux lisières de la civilisation, de ne garder que pour quelques activités secondaires de loisirs, en se félicitant d’éradiquer les loups, les ours et les mauvaises herbes sur les trottoirs.

Dix ans après le Grenelle de l’environnement, ce rapport atavique à la nature trouve donc encore ici à s’exprimer. « L’environnement, ça commence à bien faire » est une musique à laquelle certains restent sensibles, surtout quand elle est reprise par de puissants chœurs de lobbys, pour lesquels l’enjeu immédiat de leur propre business passera toujours avant l’intérêt général.

L’exemple des néonicotinoïdes incarne cette position. Nous connaissons aujourd’hui, par des travaux scientifiques non contestés, leur toxicité, pour les abeilles bien sûr, mais aussi pour la santé humaine. Le coût de leur utilisation est considérable et ne se limite pas à la production de miel. C’est toute la pollinisation qui est concernée, avec notamment une baisse de la production de fruits. La responsabilité du législateur est donc bien de préserver l’intérêt général, ce qui passe par leur interdiction rapide, sans pour autant nier l’impact d’une telle décision sur les activités agricoles existantes.

L’Assemblée nationale a ainsi dessiné un compromis acceptable, et mon collègue Joël Labbé, que je salue pour son engagement sur ce dossier, vous proposera de le rétablir. Nous pouvons encore craindre que le Sénat ne cherche ici qu’à retarder les échéances, sans considération pour leurs effets négatifs globaux.

La taxation de l’huile de palme est un autre de ces sujets qui disent le poids des lobbys. Les gouvernements indonésien et malaisien, que nous avons rencontrés, se sont légitimement inquiétés de nos décisions audacieuses, prises au cours de la première lecture de ce texte au Sénat. Il ne s’agit pas de balayer leurs arguments, car leurs propres enjeux de développement doivent aussi être considérés.

Personnellement, je me méfie toujours de nos propres simplismes, de notre capacité à nous mobiliser pour exiger la protection des lions et des orangs-outans à l’autre bout du monde, alors que nous échouons à construire nos propres consensus collectifs pour relâcher quelques ours dans les Pyrénées.

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