Intervention de Alain Milon

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 mai 2016 : 1ère réunion
Bilan annuel de l'application des lois — Communication

Photo de Alain MilonAlain Milon, président :

Comme chaque année à la même époque, les présidents des commissions permanentes procèdent à une communication sur le bilan de l'application des lois. L'ensemble des informations collationnées par les commissions font l'objet d'un rapport de synthèse annuel présenté en conférence des Présidents. Celui-ci donne lieu à un débat avec le Gouvernement qui aura lieu cette année le mardi 7 juin.

Ce bilan est réalisé à partir du suivi permanent, par chaque commission, des textes réglementaires relevant de son domaine de compétences. Il présente pour partie un caractère statistique, en renseignant divers indicateurs sur la mise en application des textes qui nous sont soumis. Il permet aussi des appréciations qualitatives sur les raisons des retards constatés ou la conformité des textes d'application à l'intention du législateur.

L'intérêt de ce bilan réside dans la méthode homogène suivie par les sept commissions permanentes, dans son caractère annuel et systématique, et dans le débat qu'il permet d'engager avec le Gouvernement.

Il ne résume pas le travail de contrôle de l'application des lois effectué par les commissions. Pour prendre quelques exemples récents, les auditions auxquelles nous avons procédé sur l'application de la législation sur la transparence et les liens d'intérêt en matière sanitaire, ou encore sur le cadre législatif applicable aux essais cliniques, participent pleinement de l'application des lois. C'est le cas également de l'évaluation de la loi de 2010 sur les maisons d'assistants maternels que nous avons confiée à Caroline Cayeux et Michelle Meunier. Cet exercice vient donc en complément du travail de contrôle habituel des commissions.

Le bilan annuel que je vous présente aujourd'hui porte uniquement sur les lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2014-2015, c'est-à-dire entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015. Il intègre les mesures d'application publiées jusqu'au 31 mars 2016, c'est-à-dire six mois au-delà des dernières lois prises en compte. Cette borne de six mois correspond à l'objectif retenu par une circulaire du 29 février 2008 pour le délai d'édiction des mesures réglementaires nécessaires à l'application des lois.

Une note détaillée d'une quarantaine de pages, avec des analyses texte par texte, est destinée au rapport d'ensemble qui sera publié au mois de juin. Elle vous sera envoyée pour information dans les prochains jours.

Je vais donc me limiter aujourd'hui aux constats principaux qui résultent du contrôle arrêté au 31 mars dernier pour les textes de l'année parlementaire 2014-2015.

Durant celle-ci, le Parlement a adopté seulement cinq lois examinées au fond par notre commission des affaires sociales. C'est beaucoup moins que pour chacune des deux années précédentes, où nous avions examiné quatorze lois, soit un niveau un particulièrement élevé au par rapport à la moyenne.

Deux explications à ce fléchissement l'an passé : un ralentissement naturel de l'afflux de textes législatifs après le pic du début de législature d'une part, et plusieurs textes importants dont l'examen s'est prolongé sur la session suivante : la protection de l'enfant, l'adaptation de la société au vieillissement, la fin de vie, la modernisation du système de santé. Ces textes seront pris en compte sur l'année parlementaire suivante.

Quatre des cinq lois votées en 2014-2015 résultaient d'une initiative gouvernementale : la loi sur la désignation des conseillers prud'hommes, la loi annuelle de financement de la sécurité sociale, la loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014 sur la mise en accessibilité des établissements recevant du public pour les personnes handicapées et la loi relative au dialogue social et à l'emploi. La cinquième loi résultait d'une initiative sénatoriale : c'est la loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap, issue d'une proposition de loi du président Didier Guillaume.

La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques n'entre pas dans notre bilan, car elle a été renvoyée à une commission spéciale. J'en dirai néanmoins un mot, car notre commission est chargée du suivi de la mise en oeuvre du volet social de cette loi, soit près de 80 articles sur les 308 du texte final.

Sur cinq lois examinées par notre commission, trois n'appelaient pas directement de mesures réglementaires. La loi sur le stationnement des personnes en situation de handicap, la loi sur l'accessibilité et celle sur la désignation des conseillers prud'hommes sont ainsi immédiatement devenues applicables.

Toutefois, la loi sur les prud'hommes habilitait le Gouvernement à prendre une ordonnance, qui a été publiée le 31 mars 2016. Celle-ci détaille les modalités de nomination des conseillers prud'hommes, tous les quatre ans, par arrêté conjoint du ministre du travail et du ministre de la justice, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles. Cette nomination s'effectuera durant l'année qui suit le cycle de mesure de l'audience des organisations. Elle interviendra pour la première fois en mars 2017 et le renouvellement des conseils actuels, en fonction depuis 2008, pourra ainsi s'effectuer en décembre 2017.

S'agissant de la loi relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public pour les personnes handicapées, elle aussi directement applicable, je rappelle qu'elle ratifiait, en la modifiant, une ordonnance du 26 septembre 2014. Les mesures d'application ne concernent donc pas la loi elle-même, mais cette ordonnance. Pour l'essentiel, les décrets ou arrêtés d'application sont bien intervenus.

Enfin, les deux dernières lois examinées par notre commission sur la période appelaient un total de 144 mesures d'applications, dont 79 pour la loi de financement et 65 pour la loi relative au dialogue social et à l'emploi.

Au total, 97 mesures avaient été prises au 31 mars 2016, soit un taux de 67 %, inférieur à celui constaté l'an dernier (78 %) à la même période pour un nombre de dispositions à appliquer beaucoup plus important.

La moitié des mesures d'application ont été prises dans les six mois de la promulgation, c'est à dire dans le délai fixé par la circulaire gouvernementale de 2008. La quasi-totalité ont paru dans un délai d'un an.

Pour la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, le taux de mise en application au 31 mars dernier atteint 80 %. L'essentiel des dispositions est donc applicable.

Parmi les articles en attente d'application, on peut relever plusieurs dispositions que notre commission avait approuvées parce qu'elles visaient à renforcer l'efficience des prises en charge par l'assurance maladie. C'est le cas par exemple, de la mise en place de dotations complémentaires pour l'amélioration de la qualité des soins dans les établissements de santé ou la régulation de l'offre de taxis conventionnés pour le transport assis de patients. Ces retards sont d'autant plus regrettables que ces mesures avaient été affichées, au moment de la présentation du PLFSS, comme participant à la maîtrise des dépenses de l'assurance maladie.

De même, à l'initiative de notre rapporteur général, nous avions prévu une procédure d'achat groupé de vaccins, négociée par l'assurance maladie, au profit des établissements de santé ou des centres de vaccination relevant des collectivités locales. C'était une des rares mesures voulue par le Sénat qui avait été conservée par l'Assemblée nationale, moyennant des précisions apportées par le Gouvernement. Malheureusement, le décret d'application n'est toujours pas intervenu.

Nous avions également salué la mise en place d'un financement mixte, combinant la tarification à l'activité et une dotation forfaitaire, pour les hôpitaux de proximité. Il s'agissait d'une proposition de la Mecss formulée dans le cadre du rapport sur la T2A en 2012. Le décret d'application reste toujours en attente de parution.

La mise en oeuvre de l'application de la loi relative au dialogue social et à l'emploi s'est avérée plus laborieuse : 52 % seulement des mesures attendues avaient été prises au 31 mars. C'est peu si l'on considère qu'une négociation interprofessionnelle, certes non conclusive, était intervenue durant plusieurs mois avant le dépôt d'un projet de loi. Le Gouvernement avait donc le temps d'anticiper bien des textes d'application.

Le retard a en partie été comblé ces tous derniers jours, avec la parution de plusieurs textes qui portent désormais à 75 % le taux de mise en application.

C'est le cas d'un décret paru la semaine dernière et relatif à la mesure de l'audience des organisations syndicales pour les entreprises de moins de onze salariés. Un scrutin sur sigle organisé tous les quatre ans au niveau régional par voie électronique ou par correspondance permettra la mesure globale de l'audience des organisations syndicales. Elle servira notamment à répartir les sièges entre organisations syndicales au sein des futures commissions paritaires régionales interprofessionnelles qui avaient donné lieu à un long débat lors de l'examen du texte.

Parmi les mesures en attente de publication, il faut signaler celles nécessaires à l'application de l'article 21 de la loi. Celui-ci permet la conclusion d'accords collectifs dans les entreprises dépourvues de représentation syndicale, notamment via le mécanisme du mandatement.

En attente également, le décret d'application de l'article 26 sur les services de santé au travail. Nous avions déploré le caractère éclaté et inabouti de la réforme de la médecine du travail, avec des dispositions dans la loi Rebsamen et d'autres dans loi santé, sans savoir à l'époque qu'un troisième volet interviendrait dans le projet en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Ceci explique certainement le retard de parution du texte d'application de cet article.

De manière générale, l'intervention en fin de législature d'un texte touchant à de multiples aspects du droit du travail conduit à revenir sur des sujets discutés dans des lois antérieures avant même qu'ils aient pu pleinement entrer en application. Cela ne peut qu'alimenter une critique régulièrement formulée, en droit du travail notamment : celle de l'instabilité de la législation.

Un mot en complément sur la loi Macron. Dans le champ des affaires sociales, 22 mesures d'application étaient attendues et 17 étaient intervenues fin mars, soit un taux de 77 % qui s'est amélioré depuis, avec la parution de nouveaux textes. La quasi-totalité des dispositions sociales du texte sont donc applicables, notamment celles relatives au travail dominical, aux salariés détachés et à l'épargne salariale.

Pour compléter ce bilan, je voudrais signaler qu'au cours de la période étudiée, près d'une soixantaine de mesures réglementaires sont intervenues en application de lois votées avant octobre 2014, dont cinq pour des lois votées avant 2012, sous la précédente législature.

Cela a permis de rendre totalement applicables neuf lois promulguées antérieurement au 1er octobre 2014, comme la loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l'emploi ou la loi du 27 septembre 2013 sur les soins psychiatrique.

C'est le cas également de la loi du 6 décembre 2013 sur l'expérimentation des maisons de naissance, issue de la proposition de loi déposée au Sénat par Muguette Dini. Nous avions d'autant plus fortement interpellé le Gouvernement l'an passé à ce sujet, qu'un délai de deux ans avait été fixé pour lancer l'expérimentation. Le décret indispensable à la sécurisation du cadre juridique et du financement des maisons de naissance a finalement paru le 30 juillet 2015 et la liste des neuf maisons de naissance autorisées à fonctionner de manière expérimentale a été publiée par un arrêté du 23 novembre dernier, moins de deux semaines avant le terme fixé par la loi.

Cinq lois promulguées antérieurement au 1er octobre 2014 sont maintenant applicables à plus de 90 % suite aux mesures prises au cours de l'année écoulée. Par exemple, 20 mesures sont intervenues pour la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, désormais applicable à 96 %.

Parmi les lois pour lesquelles nous attendons toujours un texte d'application figure celle visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire outre-mer, promulguée il y a bientôt trois ans, le 3 juin 2013. Michel Vergoz, qui avait été rapporteur du texte, l'a évoquée la semaine dernière, lors de l'audition du futur directeur général de l'Anses. Pour être précis, il n'y a en principe plus de différence de teneur en sucre pour les produits qui sont à la fois distribués dans l'hexagone et outre-mer. En revanche, le Gouvernement n'a toujours pas pris l'arrêté devant permettre d'imposer une teneur maximale en sucres ajoutés aux produits exclusivement distribués outre-mer. Il semblerait que l'une des difficultés tienne à la procédure de notification auprès de la Commission européenne, que le Gouvernement aurait dû engager avant, et non après l'adoption du texte par le Parlement. Je soulèverai la question devant le ministre chargé des relations avec le Parlement lors du débat en séance publique.

Tels sont les principaux enseignements pouvant être tirés de ce bilan annuel. Des informations plus détaillées figurent dans la note que vous recevrez et qui sera intégrée au rapport publié au mois de juin.

Globalement, nous pouvons constater, sur une grande majorité de textes, un effort pour publier les textes d'application dans des délais qui, en moyenne, peuvent paraître relativement raisonnables. Néanmoins, ce n'est pas toujours la procédure parlementaire qui s'avère la plus longue ou la plus problématique.

Trois mois seulement se sont écoulés entre le dépôt du projet de loi Rebsamen sur le dialogue social et l'emploi et son adoption définitive par le Parlement, après trois lectures à l'Assemblée nationale, deux au Sénat et une CMP. Huit mois plus tard cette adoption, la moitié seulement des décrets d'application avaient été pris.

Il y a donc encore des efforts collectifs à réaliser. Le suivi parfois un peu rébarbatif que nous effectuons reste à cet égard indispensable.

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