Le présent projet de loi, s'il confirme les lois précédentes de 2003 et de 2006, marque néanmoins une rupture sans précédent avec la politique de l'immigration de la France et avec la traditionnelle conception d'accueil de notre pays.
Ce tournant n'est ni anodin ni fortuit. Il est à mettre en perspective avec votre politique libérale, qui s'attelle jour après jour à mettre en pièces un à un les acquis sociaux qui ont construit notre modèle social : ceux de 1789, de 1936, de 1945 et de 1968. À cet égard, la meilleure méthode ne consiste-t-elle pas à opposer les hommes entre eux, en l'occurrence les étrangers aux Français, et, parmi les étrangers, les réguliers aux irréguliers ? On connaît l'adage : diviser pour régner !
Ce tournant est également à mettre en perspective avec l'annonce de la révision constitutionnelle visant à permettre la mise en place de quotas par origine géographique, avec l'externalisation des camps de réfugiés aux frontières de l'Europe dans le but d'empêcher les migrants de pénétrer sur le territoire français et européen ainsi qu'avec le rôle croissant donné à l'administration française pour mettre en oeuvre votre politique.
Je pense notamment ici à l'injonction faite aux préfets d'atteindre les objectifs chiffrés en matière d'expulsions du territoire - 25 000 en 2007 et 28 000 en 2008 -, au rattachement de l'OFPRA au ministère de l'immigration, qui traitera ainsi les questions liées à l'asile, droit fondamental qui n'a rien à voir avec les questions d'immigration. Je pense également à l'affaiblissement du rôle du juge dans des matières aussi sensibles que le prolongement du maintien d'une personne en centre de rétention administrative ou en zone d'attente, alors qu'il est question en l'occurrence de la liberté fondamentale d'aller et venir, dont le juge est en principe le seul garant. Je pense enfin à la suppression des magistrats dans les commissions départementales des titres de séjour.
Pour mettre en oeuvre cette politique, il vous faut aussi des moyens matériels, que vous êtes en train de vous procurer grâce à la multiplication des places en centres de rétention administrative, qui deviennent de vraies machines à expulser les étrangers. La Cimade a notamment relevé dans son rapport de 2006 qu'il y avait de plus en plus de familles qui y étaient maintenues avec leurs enfants, alors qu'en principe ces derniers ne sont pas soumis à l'obligation d'avoir des papiers. Mais là, vous invoquerez évidemment l'intérêt supérieur de l'enfant, qui doit demeurer avec ses parents.
Comme on le voit, on se dirige tout droit vers une « industrialisation » des expulsions du territoire. L'attestent l'évolution des centres de rétention administrative, la politique du chiffre, les instructions données aux préfets et le recrutement dans tous les domaines d'auxiliaires de police.
Dans ces conditions, il n'est guère étonnant, monsieur le ministre, que la Cité internationale de l'immigration ait été inaugurée dans la discrétion la plus absolue et en l'absence des membres du Gouvernement.
Le projet de loi que vous vous apprêtez à voter, mes chers collègues, est la suite logique du discours colonialiste prononcé par Nicolas Sarkozy à Dakar. À coup sûr, avec un tel condensé de mesures dirigées contre le continent africain, les relations franco-africaines risquent fort de se dégrader.
Monsieur le ministre, je terminerai mon allocution par des questions.