Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 29 avril 2016 à 9h30
République numérique — Articles additionnels après l'article 23 ter

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Oui, vous avez raison, monsieur Requier, nous devons avoir un débat sur l’impact de la transition numérique sur l’organisation économique plus ancienne de notre société, qui peut affecter un certain nombre de professions. Nous avons déjà mentionné les buralistes, mais nous aurions pu tout autant évoquer les chauffeurs de taxi ou les hôteliers.

Les amendements que nous allons examiner concernent la location d’appartements via des outils et des plateformes numériques, sans passer par la traditionnelle petite annonce chez le boulanger ou l’agence immobilière.

D’emblée, je veux dire que nous devons avoir un débat équilibré sur ce sujet. Il faut savoir entendre les préoccupations des pouvoirs publics, qui tiennent essentiellement au logement et à la fiscalité.

En matière de logement, il est tout naturel que les villes, en particulier certaines très grandes métropoles, s’inquiètent des effets de la massification de ce phénomène sur la disponibilité du parc immobilier, notamment du parc locatif. Cela aboutit en effet à exclure de l’accès au parc immobilier de nombreuses catégories de la population, notamment les plus jeunes, singulièrement les étudiants.

En matière de fiscalité, se pose la question de savoir si les revenus engendrés par le recours à ces pratiques d’intermédiation sont occasionnels – le particulier qui veut arrondir ses fins de mois – ou s’il s’agit d’un contournement de la loi, avec des revenus professionnels et la fiscalité qui doit s’y attacher.

Voilà le décor planté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne soyons pas trop lourds ou trop régulateurs inutilement ! Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas encadrer cette pratique. J’ai rappelé les objectifs de politique publique qui doivent être les nôtres. Mais veillons à l’impact sur les personnes potentiellement concernées, notamment les plus jeunes : on ne saurait comparer la situation d’un propriétaire de quatre immeubles à Paris, qui louerait ses logements de manière systématique, à celle d’un étudiant qui mettrait son logement en location quelques jours ou quelques semaines par an.

Madame la sénatrice, je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu longue et en viens à votre amendement.

Dans celui-ci, vous évoquez les résidences secondaires et les meublés de tourisme, qui sont déjà soumis à une obligation de déclaration en mairie depuis la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR ». Vous souhaitez assortir cette obligation de déclaration de l’obligation pour les plateformes de délivrer un numéro d’enregistrement à l’appui de cette déclaration.

On peut discuter de cette idée, mais vous introduisez ainsi un traitement différencié, selon que la location est réalisée en ligne ou conclue entre personnes physiques. La constitutionnalité même d’une telle mesure pourrait donc être contestée.

Par ailleurs, vous voulez imposer cette nouvelle obligation aux mairies. Or je crois qu’il convient de retenir une approche prudente en la matière, dans la mesure où les situations concernées sont très différentes d’un territoire à l’autre. Certaines bourgades rurales, par exemple, notamment celles qui ne comptent aucun hôtel, ont ainsi connu un afflux touristique inattendu grâce à l’économie collaborative, lorsque des particuliers ont commencé à louer leurs biens immobiliers de manière temporaire. Cela a eu un effet très positif pour la campagne et pour le tourisme en France de manière générale : nous avons battu des records l’année dernière en accueillant 84 millions de touristes !

Demandons-nous également si les mairies souhaitent réellement se voir imposer cette nouvelle obligation. Pour ma part, je n’en suis pas sûre, dans la mesure où je ne pense pas que cette mesure ait fait l’objet d’une concertation avec les collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est, à ce stade, défavorable à votre amendement. Il me paraît inopportun d’appliquer de cette manière et partout un tel dispositif. Il vaudrait mieux laisser chaque mairie prendre les initiatives qui correspondent à ses proches choix.

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