Nous voici un peu à la croisée des chemins, mes chers collègues.
Je rappellerai en préambule que le Sénat, pratiquement à l’unanimité, a adopté le même dispositif lors de la discussion du dernier projet de loi de finances, à l’automne. J’espère bien que nous ferons de même ce matin !
Lors de la discussion générale, j’ai indiqué que la révolution numérique devait appeler une révolution fiscale. Cela ne signifie pas qu’il faut créer des impôts nouveaux ; il faut se donner les moyens de vérifier que la révolution numérique ne consistera pas, pour l’État, à voir s’évaporer les bases d’imposition.
Je ne m’attarderai pas sur la question de l’impôt sur les sociétés – Mme Marie-Noëlle Lienemann, me semble-t-il, a déposé un amendement qui nous permettra de reparler du projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, dit « BEPS » –, mais il y a là un vrai sujet.
L’évaporation des bases de TVA, du fait du commerce en ligne en est un autre, dont Bruxelles est en train de se préoccuper.
Le développement de l’économie collaborative, permettant à des particuliers de tirer des revenus, certes plus ou moins élevés, constitue aussi un sujet, madame la secrétaire d’État.
On ne peut pas, d’un côté, souhaiter que cette économie prenne son essor et, de l’autre, refuser de donner à l’administration les moyens de vérifier que les règles du jeu sont respectées. Édicter des règles, c’est bien, mais quelle est l’utilité réelle si l’on est dans l’incapacité de vérifier qu’elles sont appliquées ?
Il n’est donc pas du tout anormal, à mon sens, de demander aux plateformes concernées de communiquer ces informations.
Vous évoquez une complexité technique… Le chef de projet en informatique que je fus voilà quelques années doit pouvoir vous rassurer, avec certitude, sur ce point : la mise en œuvre d’une telle mesure n’est pas très complexe, elle est tout à fait envisageable et ne constituera pas, je pense, un gros sujet pour ces plateformes.
Encore une fois, il ne s’agit pas d’aller taxer et surtaxer celui qui loue sa voiture ou qui la partage une fois par an. D’ailleurs, vous semblez dire que la situation des loueurs de voitures diffère de celle des loueurs d’appartements. Détrompez-vous, madame la secrétaire d’État, le phénomène est le même !
Nous nous retrouvons désormais avec des personnes mettant en location quatre, cinq, six, dix voitures. Lors d’un groupe de travail de la commission des finances, nous avons reçu les principales entreprises du secteur de la location de véhicules, qui nous ont expliqué que le plus gros loueur de voitures, aujourd'hui, ce sont les plateformes, et non Hertz ou Avis. Certains utilisateurs de ces plateformes sont effectivement des professionnels déguisés en particuliers. Comment comptez-vous lutter contre cela ?
Si vous ne vous donnez pas les moyens, et si vous ne mettez pas votre administration en position de pouvoir contrôler, nous sommes condamnées à voir s’évaporer nos bases d’imposition. Or je ne pense pas que cette belle République ait les moyens de voir fondre l’impôt qu’elle collecte.
Donc, j’y insiste, il s’agit, non pas de créer des impôts nouveaux, mais simplement de doter l’administration d’outils lui permettant de vérifier que les impôts dus sont bien versés par les redevables.
L’avis de la commission est donc forcément défavorable.