Le Conseil d’État étant le conseiller du Gouvernement et la CNIL une autorité administrative indépendante, libre de répondre à toutes les sollicitations du Parlement, on ne peut pas transposer à la seconde la procédure de saisine du premier.
Au reste, les limites de cet exercice apparaissent à l’avant-dernier alinéa de l’amendement : « À défaut de délibération dans les délais, l’avis de la commission est réputé avoir été rendu ». En effet, si le Gouvernement est obligé de consulter le Conseil d’État sur tout projet de loi, le Parlement, lui, n’est aucunement tenu de consulter la CNIL avant le dépôt d’une proposition de loi.
Surtout, il n’est nullement nécessaire d’inscrire dans la loi la possibilité pour le Parlement de consulter une autorité administrative indépendante. D’ailleurs, la CNIL est très régulièrement consultée par les commissions permanentes des assemblées parlementaires, sur les projets de loi comme les propositions de loi, sans que la loi prévoie un avis formalisé.
De plus, le droit d’opposition qu’il est proposé de reconnaître à l’auteur de la proposition de loi semble faire obstacle à l’exercice par la commission et son rapporteur de leur rôle constitutionnel dans l’examen du texte. La commission est libre de solliciter l’avis de qui elle veut !
J’ajoute que le délai envisagé, particulièrement long – jusqu’à douze semaines –, paraît peu compatible avec le droit parlementaire.
Dernière objection, qui est la principale : les dispositions proposées n’ont pas leur place dans le projet de loi sur le numérique, ni dans la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En effet, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis sur l’avant-projet de loi, de telles dispositions, relatives à la procédure législative, nécessitent de modifier l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Monsieur Rome, j’espère vous avoir convaincu, cette fois, de retirer votre amendement !
S’agissant enfin de l’amendement n° 239, qui tend à confier à la CNIL plutôt qu’au Comité consultatif national d’éthique une mission de réflexion sur les problèmes éthiques, il est, hélas, contraire à la position de la commission des lois.
S’il est légitime que la CNIL prenne en compte la dimension éthique dans ses missions, nous considérons qu’il est plus approprié de charger de cette mission un organisme habitué aux consultations – je parle bien de consultations – et qui a déjà une expérience en matière de réflexions éthiques.
Certes, comme vous l’avez signalé, monsieur Rome, le Conseil consultatif national d’éthique est, depuis sa création, orienté plutôt vers les sciences de la vie et la médecine. Toutefois, il ne tient qu’au législateur, c’est-à-dire à nous-mêmes, mes chers collègues, d’étendre son champ de compétences.
La composition du CCNE est d’ores et déjà pluridisciplinaire, et tous les ministères concernés par le numérique, directement ou indirectement, nomment une personnalité qualifiée en son sein. Il suffirait que le pouvoir réglementaire, dont c’est la compétence, organise le CCNE, par exemple, en deux collèges : l’un consacré aux sciences de la vie, l’autre aux sciences techniques et aux technologies du numérique.
Dans ces conditions, monsieur Rome, je ne puis que vous inviter à retirer également l’amendement n° 239.