Intervention de Philippe Bas

Réunion du 29 avril 2016 à 14h30
République numérique — Article 32

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président de la commission des lois :

Se pose à nous une question de principe essentielle, que notre rapporteur a, de mon point de vue, parfaitement formulée.

Vous avez raison, madame la secrétaire d'État : cette question ne doit nullement être tranchée en fonction de nos appartenances politiques.

Les nouvelles technologies de l’information font naître une sorte de vertige prométhéen, qui nous conduit à réinterroger les règles les plus fondamentales de la vie en société, comme si ces technologies avaient pour effet de les périmer du seul fait que nos contemporains y ont recours massivement. Les générations qui se les sont appropriées plus que les autres ont aussi le sentiment que tout est à construire, que nous sommes entrés dans un monde nouveau qui ne ressemble à aucun des mondes antérieurs.

Je crois, au contraire, que les règles fondamentales de la vie en société, que les droits fondamentaux de la personne humaine, d’une part, n’ont pas eu besoin des nouvelles technologies pour être affirmés et, d’autre part, ne sont pas invalidés par celles-ci. J’en tire la conclusion que dissocier deux régimes distincts de succession en fonction du support matériel de l’objet de la succession introduit une brèche extrêmement dangereuse dans notre droit et un doute interstitiel sur ce que sera le droit de l’avenir.

Je ne pense pas qu’en fixant toutes les règles qui touchent au secret de la vie privée nos anciens aient posé des règles contingentes, qui, aujourd'hui, seraient dépassées par les nouveaux instruments ; au contraire, je les considère comme étant indépendantes de ces instruments.

Chacun d’entre nous a ses secrets. Il lui appartient de les défendre par ses propres moyens.

La règle veut que, à notre décès, tout secret que nous n’avons pas confiné de telle manière que nul ne puisse y accéder soit accessible à nos héritiers. Je ne vois pas pourquoi cette règle pourrait être modifiée pour les seuls secrets conservés sur internet et maintenue, en revanche, pour ceux qui le seraient sur des supports différents des supports électroniques. Il n'y a strictement aucune raison tenant aux droits fondamentaux de la personne d’introduire cette différenciation. Je crains fort que, si nous entrions dans cette voie, nous n’entraînions une dissociation de nos règles fondamentales… Pourquoi ne pas modifier, demain, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en considérant qu’internet l’a périmée ? §Je mets en garde contre des remises en cause parfaitement latérales de droits fondamentaux.

En l’occurrence, il ne s’agit plus de régir internet ; il s’agit de régir le secret de la vie privée et les règles de la succession, dont je ne vois pas pourquoi elles devraient changer. C'est la raison pour laquelle je souscris totalement à l’exposé très brillant de notre rapporteur.

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