Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 29 avril 2016 à 14h30
République numérique — Articles additionnels après l'article 33 quater

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

Ces amendements visent à permettre aux personnes publiques ou morales de mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté, lorsqu’elles concourent à la recherche à des fins de prévention ou au développement de l’écoconduite.

Je perçois mal la pertinence de cette disposition. Pourquoi une personne morale devrait-elle avoir accès à un traitement de données à caractère personnel et non à de simples données agrégées pour des fins de recherche en matière de prévention ?

Actuellement, n’ont accès à ces fichiers d’infractions pénales que les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales, ainsi que les auxiliaires de justice et certaines personnes morales spécifiquement visées, notamment les sociétés de perception et de répartition des droits, pour la défense des droits d’auteurs et de la propriété intellectuelle.

On ne saurait ouvrir trop largement l’accès à ces fichiers, qui contiennent des informations sensibles puisqu’elles sont relatives à des infractions pénales. Le Conseil constitutionnel est très vigilant sur cette question « en raison de l’ampleur que pourraient revêtir les traitements de données personnelles ainsi mis en œuvre et de la nature des informations traitées » qui pourrait affecter « le droit au respect de la vie privée et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».

Aussi le Conseil constitutionnel a-t-il censuré dans une décision du 29 juillet 2004 une disposition de la loi relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Cette disposition visant à permettre à certaines personnes morales d’accéder à ces traitements a été jugée par le Conseil constitutionnel « ambiguë » puisqu’elle laissait « indéterminée la question de savoir dans quelle mesure les données traitées pourraient être partagées ou cédées, ou encore si pourraient y figurer des personnes sur lesquelles pèse la simple crainte qu’elles soient capables de commettre une infraction ; qu’elle ne dit rien sur les limites susceptibles d’être assignées à la conservation des mentions relatives aux condamnations ».

L’absence de définition de garanties par le législateur alors même qu’il donnait un accès à une personne morale a été jugée comme étant entachée d’incompétence négative.

Je ne crois pas que la rédaction de cet amendement réponde à toutes les exigences du Conseil constitutionnel en la matière.

À titre d’exemple, ces amendements, s’ils étaient adoptés, permettraient à un constructeur automobile d’avoir accès au fichier des personnes ayant provoqué un accident de voiture. Je ne comprends pas quelle serait la finalité de tout cela pour un constructeur automobile, ou plutôt je ne la saisis que trop bien.

Je suis donc extrêmement réservé sur ces deux amendements. Je demande leur retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

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