Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 30 novembre 2015 à 10h00
Loi de finances pour 2016 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la solidarité, l’insertion et l’égalité des chances, dans une république fraternelle où chaque citoyen doit non seulement pouvoir trouver sa place, mais aussi contribuer selon ses capacités à la réussite collective, sont des valeurs que le groupe UDI-UC défend avec conviction.

En ce sens, nous pouvons nous réjouir de la revalorisation de 16 % des crédits de cette mission. Nous saluons en particulier l’inscription de crédits pour aider à la réinsertion familiale et sociale des vieux travailleurs immigrés, que la publication du décret d’application d’une loi votée en 2007 a enfin permise.

Le transfert à l’État du financement de la protection juridique des majeurs est également une bonne chose, car il permet une simplification et une plus grande lisibilité du dispositif.

Les crédits destinés à la prévention et à la lutte contre la prostitution ont doublé, ce qui constitue une avancée positive dont nous nous réjouissons. Cependant, dans la mesure où ce fonds est notamment abondé par des transferts d’autres départements ministériels, nous serons vigilants à une pérennisation sur les prochains exercices budgétaires des crédits alloués.

À y regarder de plus près, madame la secrétaire d’État, nous restons, oserais-je dire, au milieu du gué. Certains crédits sont sous-dotés et ne tiennent pas leurs engagements.

Vous annoncez la mise en place de la prime d’activité, moins stigmatisante puisqu’elle sera considérée comme un complément de revenu et non plus comme un minimum social, et dont la procédure sera simplifiée. Le problème est que vous avez bâti votre réforme sur l’hypothèse d’un taux de recours de 50 %. Ce taux peut sembler faible, mais, eu égard au fait que le taux de recours actuel du RSA activité s’établit à 32 %, cette hypothèse semble optimiste.

En effet, même si la procédure à suivre pour la prime d’activité devrait être plus simple, elle s’effectuera sur une base déclarative trimestrielle, à l’instar des prestations que la prime d’activité a vocation à remplacer. Le taux de recours sera donc vraisemblablement beaucoup moins élevé que vos estimations.

De deux choses l’une, madame la secrétaire d’État : soit nous considérons que le taux de 50 % est vraisemblable, et les crédits sont alors sous-calibrés ; soit nous partons du principe que le taux de recours sera sensiblement similaire à ce qu’il était auparavant – au moins pour la première année – et, dans ce cas, les crédits sont surdotés.

La seconde hypothèse semblant la plus probable pour cette année, l’amendement de la commission des finances visant à diminuer de 650 millions d’euros les crédits pour l’année à venir se justifie pleinement dans un contexte de contraction budgétaire. Il conviendra néanmoins d’être vigilant quant à l’évolution de la montée en charge de cette prime d’activité pour les prochaines années.

Les crédits de l’allocation aux personnes handicapées sont stables pour 2016. Si l’on peut s’en réjouir dans un contexte budgétaire contraint, il convient de mettre les choses en perspective. Nous savons en effet que le nombre de bénéficiaires est en augmentation, alors que le budget, lui, reste constant. Dans ces conditions, il est aisé de comprendre que la dotation est largement sous-estimée. Un abondement supplémentaire de plus de 313 millions d’euros a d’ailleurs été prévu pour 2015, l’enveloppe initiale ayant été sous-estimée. On peut dès lors prédire que les crédits annoncés seront loin d’être suffisants.

Pour autant, madame la secrétaire d’État, nous nous réjouissons que vous ayez renoncé au projet de modification des modalités de calcul des ressources des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés qui prévoyait de prendre en compte les revenus du patrimoine non fiscalisés. Cette réforme, plus que douteuse, aurait abouti à une baisse notable de l’allocation mensuelle de 210 000 personnes dont beaucoup vivent déjà sous le seuil de pauvreté !

Le financement par l’État des maisons départementales des personnes handicapées est loin du compte. Leur activité, comme l’a rappelé mon collègue, ne cesse de croître, alors que leurs moyens tant humains que financiers stagnent. Les départements seront encore très sollicités, alors que chacun sait ici la précarité de leur budget.

Que dire également des ESAT, madame la secrétaire d’État ? Le nombre de places offertes dans ces établissements a été gelé. Il faut rappeler avec force que la population handicapée reste très éloignée du marché du travail : seuls 35 % des personnes âgées de quinze à soixante-quatre ans reconnues handicapées sont en situation d’emploi, contre 66 % pour l’ensemble de la population. En juin 2015, on comptait près d’un demi-million de personnes handicapées au chômage !

Face à ce constat alarmant et indigne, on ne peut admettre l’absence de places supplémentaires dans les ESAT, car la véritable égalité des chances, pour les personnes handicapées, se trouve dans l’accès à l’emploi, seul vrai levier d’intégration et d’autonomie. Les ESAT représentent en effet un mode fiable et très pertinent de réinsertion par l’emploi et l’accompagnement social nécessaire.

Il nous faut également soulever la question des personnes handicapées vieillissantes. Que deviennent les personnes sortant des ESAT ? Les départements, qui n’ont d’autre choix que de compenser le manque de financements, tentent, comme ils le peuvent, d’assurer cette prise en charge, non sans difficulté.

La plupart des personnes handicapées vieillissantes sont accueillies dans des établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD. Mais nous savons tous que ces structures ne sont pas forcément adaptées.

L’avancée en âge des personnes handicapées pose une problématique à la fois nouvelle et majeure en termes d’accueil et de qualité d’accompagnement. Cette question nécessite un vrai projet de conception de structure spécialisée que les départements les plus pauvres ne pourront pas satisfaire.

Dans le domaine de l’insertion par le travail, les entreprises du secteur adapté sont également dans une situation préoccupante.

Certes, il convient de reconnaître – et nous le faisons bien volontiers – l’effort consenti par le Gouvernement à travers la création de 500 emplois supplémentaires. Mais soyons lucides, cet effort sera encore largement insuffisant. Le budget de la subvention spécifique n’évolue pas depuis plusieurs années, aboutissant de fait à une nouvelle diminution de l’intervention moyenne par salarié handicapé.

Madame la secrétaire d’État, faisant le constat que la situation du chômage des personnes handicapées n’a jamais été aussi compliquée et que le modèle de l’entreprise adaptée est une réponse très efficiente à cette situation, il paraît là aussi incontournable de réfléchir à un nouveau plan de développement du secteur adapté.

Vous prônez un discours d’égalité des chances, auquel nous adhérons ; mais si le dire est juste, le faire est encore plus nécessaire. Il faut poursuivre avec conviction, constance et force une véritable action pour garantir dignité et autonomie aux personnes les plus fragiles.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, malgré ce bilan en demi-teinte, ainsi que la prudence requise sur certaines dépenses et les insuffisances de certains programmes, le groupe UDI-UC, prenant note des améliorations proposées, votera les crédits de cette mission.

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