Intervention de Alain Houpert

Réunion du 30 novembre 2015 à 21h00
Loi de finances pour 2016 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Alain HoupertAlain Houpert :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous est proposé de doter la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » de 2, 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2, 7 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une contraction marquée des dotations par rapport à 2015 : 9 % en autorisations d’engagement et 6 % en crédits de paiement.

L’exercice 2016 est en réalité très peu marqué par le plan de soutien à l’élevage annoncé le 22 juillet dernier, qui prévoit notamment des allégements et reports de charges pour un montant estimé à au moins 600 millions d’euros. Les mesures devraient être imputées sur 2015 et largement financées par le dégel de la réserve de précaution. À la fin de l’été 2015, seuls 110 millions d’euros ont ainsi été « dégelés ».

Monsieur le ministre, nous souhaitons en savoir plus sur les modalités de mise en œuvre de ce plan, en particulier ce qui a trait à son financement. C’est un sujet que nous suivrons avec vigilance, et nous attendons du Gouvernement des précisions.

Dans la mesure où ce plan semble en tout état de cause insuffisant – il ne contient, par exemple, quasiment rien en matière de réforme structurelle –, plusieurs de mes collègues et moi-même avons fait le choix de déposer le 16 octobre 2015 une proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire. Nous l’examinerons en séance publique le 9 décembre prochain.

Comme cela a été souligné en 2013 dans le rapport d’information sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires de Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin et André Ferrand, l’agriculture française reste insuffisamment compétitive et tournée vers l’export. Notre balance commerciale agricole et agroalimentaire se détériore. Elle est même négative, si l’on en retranche les exportations de vins et d’alcools. Nous perdons chaque année des parts de marché.

Dans ce contexte alarmant, je déplore que le soutien à l’export ne soit pas une priorité pour le Gouvernement. Non seulement la recommandation d’une réforme profonde du dispositif n’a pas été suivie, mais les moyens mêmes de ce dispositif sont en forte baisse : 5, 85 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016, contre 10, 2 millions d’euros en 2015, soit une réduction de près de 42 % de la dotation.

Mes chers collègues, une telle évolution ne peut qu’être défavorable à la présence des produits agricoles et agroalimentaires français sur les marchés internationaux.

Je relève par ailleurs que les moyens alloués à la gestion des crises et des aléas disparaissent quasiment en 2016, passant de près de 30 millions d’euros à moins de 4 millions d’euros. Le Gouvernement argue du transfert du financement de la gestion des risques au second pilier de la politique agricole commune, à l’image de l’aide à l’assurance récolte, mais je doute de la sincérité de cette prévision. Il n’est qu’à voir le niveau de nos refus d’apurement communautaires !

Ces corrections ont atteint 429 millions d’euros en 2014 et devraient s’établir à 871 millions d’euros en 2015. En 2016 et 2017, il devait s’agir d’un minimum d’au moins 360 millions d’euros à la suite de l’identification en début d’année 2015 de 1, 1 milliard d’euros de corrections dues pour l’année en cours et pour les deux exercices suivants. Cependant, le Gouvernement a fait le choix de faire porter le coût des deux tranches 2015 et 2016 sur l’exercice 2015 et de reporter le versement de la troisième tranche à 2017.

Monsieur le ministre, vous nous expliquerez les motifs de ce choix de gestion, d’autant moins justifié que vous aviez demandé à la Commission européenne un paiement en trois tranches annuelles.

Au-delà de ces acrobaties budgétaires, dont je comprends toutefois l’intérêt en termes d’amélioration du solde 2016, je regrette que le Gouvernement continue de faire le choix de mouvements ex post pour couvrir des dépenses qui devraient faire l’objet d’une dotation en loi de finances initiale. Une fois de plus, ce n’est pas le cas, même s’il est certain que la France subira de nouvelles corrections l’année prochaine.

Je conclurai par une remarque positive sur le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », dit « CASDAR ». Je me félicite de l’augmentation du financement d’actions par le biais de procédures d’appels à projets : 29 % des crédits du compte en 2016, contre 12, 82 % en exécution 2014. Je plaide pour la poursuite de cet accroissement de la part des dépenses destinées à ce type d’actions. En effet, la justification des dépenses reste encore insuffisante pour s’assurer que les crédits ne sont pas distribués en vertu d’une logique d’abonnement des organisations par lesquelles ils transitent.

Mes chers collègues, en raison de tous ces constats, la commission des finances vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». En revanche, elle vous invite à voter ceux du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

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