J’ajoute que le projet de budget pour 2016 ne peut être convenablement évalué sans la prise en compte des différents financements de l’agriculture, qu’ils soient européens ou nationaux. Ainsi, c’est par une lecture croisée avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, mais aussi avec le projet de loi de finances rectificative pour 2015 que nous pouvons appréhender avec précision l’ensemble des actions mises en œuvre par le Gouvernement en la matière.
J’en viens à mes observations sur deux des programmes de la mission dont j’ai la charge, le programme 149, « Forêt », et le programme 206, « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». Dans un récent rapport d’information sur la filière forêt-bois, Alain Houpert et moi-même avons souligné les enjeux et les réformes qu’il conviendrait selon nous de mettre en œuvre.
Si les actions entreprises par les pouvoirs publics vont incontestablement dans le bon sens, les préconisations qui sont présentées dans ce rapport d’information restent entièrement d’actualité. Il convient, par exemple, d’agir très fortement dans le soutien à l’innovation et à la stratégie de montée en gamme dans le domaine du bois. Lors de leur audition, les responsables du pôle de compétitivité Xylofutur l’ont confirmé et ont insisté sur l’intérêt de développer cette stratégie.
Pour le programme 149, « Forêt », les crédits sont quasiment stables en 2016. La légère diminution qui peut être relevée découle de la réduction de la subvention attribuée à l’Office national des forêts, l’ONF. Cette baisse est rendue possible par le redressement du cours du bois venant abonder les ressources de l’ONF.
Corrélativement, une dépense supplémentaire est constatée du fait de la réinscription au budget de la subvention au Centre national de la propriété forestière, le CNPF, supprimée en 2015. Cet organisme avait alors dû se financer grâce à son fonds de roulement excédentaire. En rétablissant ses financements au CNPF, l’État tient ainsi les engagements pris à son égard.
Cet exercice budgétaire est particulier du fait de la renégociation anticipée du contrat d’objectifs et de performance pour 2016-2020 entre l’État, l’ONF et les communes forestières. Selon mes informations, les évolutions entre le précédent contrat d’objectifs et de performance et le nouveau, qui devrait être signé avant la fin de l’année, seront marquées par des objectifs revus à la baisse de l’opérateur en termes de mobilisation de la ressource bois. On peut le regretter, tout en précisant que la nouvelle direction entend se fixer des objectifs réalistes et atteignables.
Le nouveau contrat d’objectifs et de performance devrait par ailleurs prévoir une stabilisation des moyens en personnel de l’ONF et son retour à l’équilibre financier, en cohérence avec les dotations budgétaires qui lui sont destinées.
À croire les craintes exprimées par ses responsables, à la fin de l’année 2015, le CNPF, autre opérateur majeur du programme forêt, pourrait faire face à des problèmes de trésorerie. Toutefois, ce n’est pas corroboré à ce stade. Il serait opportun que le Gouvernement soit attentif à cette situation.
Les onze dépenses fiscales rattachées au programme 149, « Forêt », sont de proportions inégales et devraient avoir un coût de 113 millions d’euros en 2016. Les deux mesures de fiscalité forestière les plus significatives sont les exonérations au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune et des droits de mutation à titre gratuit, dont le coût n’est pas strictement forestier. Le coût forestier de chacune de ces deux mesures fiscales patrimoniales serait en réalité plus proche de 20 millions d’euros, selon la Cour des comptes.
Le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt devrait représenter pour sa part un coût modeste de 9 millions d'euros, même si son efficacité est soulignée par les professionnels. De manière générale, s’agissant des mesures fiscales sur lesquelles s’appuie notre politique forestière et dont bénéficie la filière, il demeure pertinent de ne pas en réduire le coût global.
Je préconise un rééquilibrage progressif des soutiens publics vers les mesures fiscales à visée incitative telles que le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement ou le compte d’investissement forestier et d’assurance, que j’estime plus efficaces et plus à même d’atteindre les objectifs de performance fixés dans ce programme.
Le programme 206, consacré au fonctionnement de la direction générale de l’alimentation, la DGAL, et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, met en exergue l’attention que le Gouvernement porte à la mise en œuvre de cette politique publique. Il permet la reconduite des principales actions en 2016. Elles concernent les dépenses de fonctionnement et de personnels de la DGAL, les fonds consacrés à l’ANSES et les dépenses liées à la lutte contre les maladies animales.
Il faut remarquer que ce budget acte la création de 60 postes supplémentaires pour renforcer les effectifs en matière de contrôles sanitaires et phytosanitaires. En deux ans, 120 postes auront ainsi été créés. Ils seront complétés en 2017 par 60 postes supplémentaires. Ainsi, la baisse relative des crédits constatée ne correspond pas à une moindre rigueur en matière de sécurité sanitaire et alimentaire. Je constate que le Gouvernement persiste dans sa volonté de faire de cet enjeu un principe prioritaire d’action publique.
Enfin, je tiens à faire un point sur l’incidence de la tuberculose bovine et les moyens utilisés pour la combattre, en raison du risque qu’elle fait notamment peser sur l’agrément de nos exportations.
Le contexte sanitaire est par nature sujet à des tensions et à des crises toujours très préjudiciables à l’économie agricole. L’irruption de la fièvre catarrhale ovine est venue nous le rappeler.
J’appelle l’attention du Gouvernement sur le financement des mesures sanitaires qui, en l’état, se feraient à enveloppe réduite par rapport à 2015, d’autant que nous sommes dans un contexte prophylactique tendu. À cet égard, mon attention a été appelée sur les procédures d’indemnisation des producteurs et le montant de celles-ci. Certains éleveurs ont pu être frappés à deux reprises par des contaminations, ce qui a entraîné deux fois l’élimination totale de leur cheptel. Cette situation est insuffisamment prise en compte. Par ailleurs, j’ai été alerté sur le fonctionnement de la procédure elle-même, qui est jugée lourde, bureaucratique et peu adaptée aux réalités économiques de l’agriculture.
Pour conclure, à titre personnel – ce n’est pas la position de la commission des finances qu’a rappelée Alain Houpert –, je me déclare favorable à l’adoption des crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale.