Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui plus que les crédits consacrés à l’agriculture dans le projet de loi de finances pour 2016. Car, derrière les chiffres, il y a toujours des fondements, des volontés affichées.
Je veux répéter en cet instant, après l’avoir exprimé à plusieurs reprises au sein de cet hémicycle, que l’État est là pour définir les grands axes face à des enjeux de concurrence mondiale, de développement durable et de mutation de la société, mais en aucun cas pour se substituer aux filières, qui ont le devoir et la responsabilité de faire bouger les lignes en construisant une véritable stratégie. Comment ? En analysant, avec réalisme et courage, leurs difficultés structurelles, en s’adaptant à l’évolution des marchés et en anticipant.
En effet, on ne peut pas toujours attendre des aides de l’État ou de l’Europe. Ce n’est ni raisonnable ni sain, a fortiori dans un contexte budgétaire tendu.
L’État doit donc accompagner les filières dans leurs mutations, en indiquant la voie.
Vous avez assumé cette part de responsabilité, monsieur le ministre, avec la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui offre une direction et une image à notre monde paysan : celles d’une agriculture durable et de qualité.
Soutenir un projet de budget est toujours un exercice délicat, car il enferme parfois cette volonté d’agir dans des chiffres.
La volonté d’agir pour notre agriculture s’est d’abord traduite à travers la loi précitée ; elle se traduit aujourd’hui à travers ce budget, mais elle se traduira aussi à travers d’autres mesures, qui seront détaillées prochainement lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
Pour en revenir au présent projet de loi de finances, nous savons que l’effort budgétaire de la nation en faveur de son agriculture ne saurait se résumer aux seuls 2, 8 milliards d’euros de crédits prévus pour 2016 au sein de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Il faut aussi prendre en considération les 147 millions d’euros du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » destinés aux personnels qui apportent leur support technique à l’activité agricole ou forestière ou à des financements à des mesures d’intervention, notamment en matière d’allégements de charges pour les travailleurs occasionnels.
Il faut aussi compter avec les crédits des budgets de l’enseignement scolaire comme de la recherche et de l’enseignement supérieur très importants pour préparer nos jeunes à prendre notre relais. Si l’on garde en tête la PAC et différentes aides fiscales destinées aux agriculteurs, on comprend que la mission que nous examinons aujourd’hui ne représente au final que 10 % de l’effort public fourni en direction de l’agriculture. Franck Montaugé détaillera ce point lors de son intervention.
Certains, dans un esprit partisan, ne s’attacheront qu’à noter la baisse des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2016. Le ministère de l’agriculture contribue ainsi, et c’est normal, à l’effort national.
Pour notre part, nous assumons ces choix, car le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre au plan national demande que chacun fasse des efforts.
Et nous ne pouvons cautionner toujours plus de moyens financiers pour pallier des fragilités structurelles, qui, si elles ne sont pas rapidement analysées et améliorées, déboucheront sur d’autres crises conjoncturelles, comme en 2009, sous la présidence de M. Nicolas Sarkozy, où rien n’a été résolu.
Je préfère souligner que, malgré ces contraintes, le Gouvernement a su non seulement mettre en place des mesures d’urgence pour faire face à la crise de l’élevage, mais aussi, et surtout, proposer des mesures structurelles en faveur de la compétitivité de l’agriculture française, dont la plupart seront détaillées dans le projet de loi de finances rectificative.
Le présent projet de budget offre aux filières les moyens d’un accompagnement de leur transformation. En effet, des moyens nouveaux ont été déployés pour soutenir l’investissement dans le secteur agricole et agroalimentaire.
Le plan de compétitivité et d’adaptation pour les exploitations agricoles, ou PCAE, permettait déjà de mobiliser 200 millions d’euros par an. Une rallonge a été annoncée au mois de septembre pour porter ces moyens, assurés conjointement par l’État et les régions, à 350 millions d’euros par an. L’effet de levier de cette enveloppe d’aides publiques devrait permettre de mobiliser des financements à hauteur de 1 milliard d’euros par an pour investir dans l’agriculture, ce qui est une revendication forte du monde agricole.
Le programme des investissements d’avenir a été renforcé pour dégager 120 millions d’euros en faveur de l’industrie agroalimentaire, en particulier des abattoirs et des serres.
Au final, l’ensemble des instruments sont mobilisés pour répondre à l’urgence de la crise dans les filières d’élevage, et en même temps préparer leur avenir.
La baisse des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ne compromet aucune des priorités de la politique agricole. Je prendrai à cet égard quatre exemples.
Les crédits en faveur de l’installation sont globalement conservés et calibrés pour financer 6 000 installations par an, même si une partie de la prise en charge est transférée sur les crédits européens.
L’enveloppe consacrée à l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, progresse, passant de 232 millions d’euros à 256 millions d’euros entre 2015 et 2016, conformément à l’engagement de revalorisation pris par le Gouvernement en 2014. Compte tenu des cofinancements européens, l’ICHN représentera plus de 1 milliard d’euros en 2017, soit 300 millions de plus qu’en 2013 pour l’ICHN et la prime herbagère agro-environnementale, deux dispositifs qui ont depuis été fusionnés.
L’ambition de développer l’agro-écologie et d’encourager de nouvelles pratiques agricoles est confortée, avec 57 millions d’euros de crédits budgétaires en faveur des mesures agro-environnementales, mais aussi grâce au maintien des moyens du CASDAR. C’est d’ailleurs la quasi-totalité de l’enveloppe de ce compte d’affectation spéciale qui, à travers les programmes et actions financés, est mise à disposition de l’agro-écologie.
La mise en place des groupements d’intérêt économique et environnemental, ou GIEE, innovation de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014, progresse d’ailleurs sensiblement : au 1er octobre dernier, 128 d’entre eux avaient été agréés, couvrant 1 500 exploitations. Vous avez d’ailleurs, monsieur le ministre, visité mardi dernier un GIEE dans l’Hérault, spécialisé dans l’enherbement durable.