Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Raison a fait honneur à son patronyme, puisqu’il s’est exprimé fort à propos sur l’enjeu agricole du présent budget.
Pour ce qui me concerne, je vais profiter du temps de parole qui m’a été alloué pour essayer de planter le décor global.
L’agriculture, pour le ministre chargé de ce secteur – cela vaut pour moi comme pour ceux qui m’ont précédé et ceux qui me succéderont –, c’est quelques grands sujets.
Le premier de ces sujets, c’est la politique agricole commune. Comme cela a été souligné, le budget que je vous présente aujourd'hui est le fruit du débat qui a entouré l’élaboration du budget de l’agriculture à l’échelle européenne. Qu’on se le dise, nous n’en serions pas là si nous n’avions pas aussi bien négocié le budget européen ! Les sénateurs de la majorité sénatoriale l’avaient d'ailleurs salué à l’époque. Premier et second piliers confondus, le budget européen de l’agriculture s’élèvera à près de 9 milliards d’euros en 2016 et à un niveau légèrement inférieur en 2017.
La politique agricole commune permet désormais d’octroyer des aides aux agriculteurs sur la base du nombre d’hectares, les références historiques ayant été abandonnées. Cela rejoint le sujet de la compensation des handicaps, qui a été évoqué. Je pense, d'ailleurs, que le fondement d’une politique publique conduite à l’échelle européenne doit consister à maintenir l’agriculture, par des aides, dans les territoires où les handicaps naturels la feraient disparaître.
Le deuxième sujet concerne les stratégies à mener en matière de compétitivité, comprise comme ce qui permet de produire et de vendre ses produits sur un marché. La compétitivité, ce n’est pas seulement une compétitivité-coût, que l’on évoque souvent ; c’est aussi une compétitivité hors coût. L’organisation des filières, les stratégies que chacune d’elles doit adopter, la capacité de chacune à satisfaire un intérêt général à la hauteur des enjeux des marchés et des exportations potentielles, cela fait partie des enjeux essentiels en matière de compétitivité, même s’ils ne dépendent pas uniquement du ministère de l’agriculture. Je vous renvoie, mesdames, messieurs les sénateurs, au débat sur la contractualisation, sur les évolutions nécessaires et sur les choix stratégiques qui ont pu être faits par le passé.
Je reviens d’un déplacement dans le Languedoc-Roussillon. Quand on se remémore la situation de la viticulture dans cette région voilà trente ans, l’impasse dans laquelle elle se trouvait alors et la difficulté qu’elle avait à se projeter dans l’avenir, on voit bien que les efforts extrêmement importants qui ont été consentis et les choix stratégiques qui ont été assumés sur la qualité ont fini par donner des résultats, pour aboutir au redressement que l’on constate aujourd'hui. Si celui-ci demeure fragile, les résultats obtenus démontrent l’importance de la compétitivité dans ses composantes coût comme hors coût.
Je veux, sur cette question de la compétitivité, livrer un sujet à votre réflexion : celui du pacte de responsabilité. Comme certains intervenants l’ont rappelé, baisser la dépense publique de 50 milliards d’euros et réinvestir 40 milliards d’euros dans l’économie via des allégements de charges, à hauteur de 4 milliards d’euros, au profit de l’agriculture et du secteur agroalimentaire était un enjeu stratégique. Ce transfert a pu être opéré grâce aux économies réalisées sur les budgets, en particulier sur le fonctionnement du ministère de l’agriculture. C’est ce qui a permis de redonner de la compétitivité aux entreprises, au travers du pacte de responsabilité.
Je l’ai rappelé en commission, au Sénat : 4 milliards d’euros, c’est l’équivalent de la totalité du budget dont nous discutons ce soir, enseignement agricole compris. Les 2, 8 milliards d’euros consacrés notamment aux actions forestières, agricoles et rurales représentent donc deux fois moins que ce qui est en jeu à travers le pacte de responsabilité et la baisse des charges, soit 4 milliards d’euros en 2016 et en 2017. Chacun doit en avoir bien conscience.
Au-delà de votre belle formule bretonne, monsieur Canevet, j’ai bien compris que les membres du groupe UDI-UC étaient favorables à la compétitivité. J’entends d’ailleurs les uns et les autres s’inscrire dans des logiques de réduction de la dépense publique qui vont bien au-delà de 50 milliards d’euros !
Encore faut-il savoir ce que l’on va faire de cet argent. Le Gouvernement a choisi d’en redistribuer une partie en faveur de l’économie, de la compétitivité. N’ouvrons pas de faux débat : nous souhaitons tous améliorer la compétitivité de l’agriculture française. Pour ce faire, celle-ci doit s’organiser selon une logique de filières, plus structurante. Nous n’y arriverons pas autrement.
Le troisième sujet concerne la gestion des crises. Je me souviens que, en 2008, le prix du lait était descendu encore plus bas qu’aujourd’hui. Je me souviens aussi que les mesures visant à soutenir les exploitations laitières étaient intervenues après la crise.
Or de telles crises sont une conséquence – pour ce qui est du lait, c’est une certitude – de l’ouverture du marché mondial et de la fin des quotas. Je ne rechercherai pas les responsabilités, mais nous savons tous à quel moment ces décisions ont été prises ; à nous d’être capables de les assumer. Nous ne pouvons en effet réclamer davantage de régulation juste après avoir dérégulé ! Dès lors, ne venez pas reprocher au Gouvernement la baisse du prix du lait en raison de l’ouverture à la concurrence ! Chacun doit assumer – et vous, en particulier – la responsabilité de la fin du système des quotas.