Intervention de Antoine Karam

Réunion du 11 mai 2016 à 21h30
Reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages — Article 18

Photo de Antoine KaramAntoine Karam :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons l’examen du titre IV, qui prévoit la mise en œuvre du protocole de Nagoya.

Il s’agit là d’un dispositif complexe, technique, mais plus que nécessaire.

Cette question a déjà été largement évoquée lors de la précédente lecture, mais j’aimerais vous sensibiliser, mes chers collègues, à l’importance du rôle des populations autochtones, auxquelles ce texte ne fait désormais plus référence.

En effet, en raison de freins constitutionnels, la commission a rétabli le terme « communauté d’habitants ». Celle-ci est définie comme « toute communauté […] qui tire traditionnellement ses moyens de subsistance du milieu naturel et dont le mode de vie présente un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité ».

Mes chers collègues, les personnes concernées ne vivent pas en marge de la société dite « moderne » ; elles ne vivent plus, comme au début du XXe siècle, de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Pour autant, elles revendiquent d’être considérées comme « autochtones » en raison de leur lien privilégié avec la terre, de leur histoire, de leurs pratiques, mais aussi de la conservation de leurs structures coutumières traditionnelles.

Les Amérindiens, premiers habitants de Guyane, ont préservé la biodiversité pendant des siècles à l’endroit même où a été créé ce parc amazonien – vous l’avez évoqué, madame la secrétaire d’État – qui fait la fierté de la Guyane, de l’Amérique du Sud, de la France et de toute l’Europe.

Aujourd’hui, malheureusement, c’est au sein de ce même parc que les populations font face à des réalités dramatiques : explosion des suicides chez les jeunes Amérindiens – j’en profite pour saluer l’excellent rapport de notre collègue Aline Archimbaud, présenté au Premier ministre il y a quelques semaines, et dont les conclusions, je l’espère, prendront effet très rapidement –, biopiraterie – vous l’avez signalé également, madame la secrétaire d’État –, violences liées à l’orpaillage illégal – il s’agit d’une question d’actualité –, isolement.

Tout le monde connaît les difficultés des Amérindiens de Guyane. Ils font partie intégrante de la République et de l’Union européenne, comme vous et nous. Nous ne pouvons donc pas légiférer en matière de biodiversité sans nous pencher sérieusement sur la situation des femmes et des hommes qui vivent depuis toujours dans ces milieux naturels, et qui ont besoin d’être reconnus, dans ce rôle, pour ce qu’ils sont.

En conclusion, je suis convaincu que les retombées du dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage juste et équitable des avantages liés à leur utilisation, ou APA, permettront de dessiner des perspectives de développement pour nos populations autochtones, et pour la Guyane tout entière.

Mais je suis tout aussi convaincu que la valorisation et la transmission de leurs savoirs passent par la reconnaissance de leurs droits.

Je souhaiterais donc, mes chers collègues, que nous examinions les amendements en nous inspirant de l’esprit du protocole de Nagoya, afin de ne pas oublier que, par-delà ce dispositif technique, il y va de l’histoire de femmes et d’hommes – cette histoire est aussi la nôtre.

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