Intervention de Annie David

Réunion du 31 janvier 2008 à 9h45
Service public de l'emploi — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Annie DavidAnnie David :

Madame la ministre, nous sommes réunis ce matin pour adopter deux textes hautement symboliques de votre volonté de modeler notre société à la sauce libérale. Vous le savez, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne veulent pas de cette société-là.

Nous débutons donc cette matinée par le projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, qui est, vous l'avez précisé, l'un des trois piliers de la réforme de l'emploi.

Je dois le dire, les hasards du calendrier font parfois bien les choses. Alors que nous nous apprêtons à adopter ce texte, la presse dévoile, depuis quelques jours déjà, un scandale financier et boursier sans précédent dans notre pays : vous aurez reconnu l'affaire de la Société générale.

Cette banque, considérée par de nombreux économistes et spécialistes du marché boursier comme l'une des plus sérieuses, a perdu près de 2, 9 milliards d'euros dans la crise des subprimes à la française et plus de 5 milliards d'euros dans cette immense affaire de détournement de fonds. Un trader, comme il est convenu de l'appeler, a, à lui seul, nous dit-on, fait perdre 5 milliards d'euros à cet établissement bancaire. Il aurait seul, nous dit-on encore, contourné toutes les procédures, violé toutes les protections et manipulé jusqu'à 50 milliards d'euros.

Il faudra tout de même nous expliquer comment, en France, un seul homme peut « boursicoter », car il n'y a pas d'autres termes, avec une somme équivalente au déficit cumulé de notre régime de protection sociale.

Madame la ministre, je devine que vous ne voyez pas le lien avec le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Il est pourtant bien réel.

Lors de l'examen du projet de loi initial, mon collègue Guy Fischer et moi-même avions dénoncé une politique de culpabilisation des demandeurs d'emploi. Nous critiquions alors, et continuons à le faire, le regard que vous portez sur les demandeurs d'emploi, les considérant plus comme des « clients », pour la part solvable, et comme des « coûts », pour ce qui relève de l'indemnisation, que comme des salariés privés d'emploi.

De la même manière, nous dénoncions et dénonçons encore votre insistance à vouloir « chasser » les fraudeurs. L'esprit de votre réforme et des lois successives votées par la majorité, « loi de cohésion sociale » en tête, n'ont pour seul objectif que d'organiser méthodiquement, trop d'ailleurs, une telle chasse.

C'est un constat que nous faisions déjà lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, par lequel, au nom encore de la lutte contre la fraude, à l'assurance maladie cette fois-ci, vous organisiez la privatisation des missions de contrôle, confiant aux médecins pratiquant pour l'employeur la contre-visite la mission de donner une évaluation sur la possible réintégration du salarié et, donc, sur le maintien du versement de ses indemnités journalières.

Par conséquent, c'est, pour vous, tout le temps la même logique : la coercition pour les uns, victimes de votre politique libérale, et la tranquillité, pour ne pas dire l'impunité, pour les autres, grands maîtres en matière de libéralisme.

Ce que nous affirmions durant l'examen de ce texte se vérifie aujourd'hui : pour vous, les fraudeurs sont toujours des salariés, jamais des employeurs ou des dirigeants.

Les propos tenus par le Président de la République confirment d'ailleurs notre analyse. Il veut revenir, sans réelle concertation, sur la notion d'offre valable d'emploi, en lui substituant celle, plus floue et, on le devine, plus libérale, d'offre acceptable d'emploi. Ce faisant, il revient sur une définition issue de l'Organisation internationale du travail et strictement encadrée par la jurisprudence, pour lui privilégier une nouvelle définition, issue non des normes internationales, mais de la « boîte à idée » du MEDEF. Je regrette d'ailleurs sincèrement que certains sénateurs aient repris l'esprit de ce glissement sémantique.

Notre Haute Assemblée, dont on reconnaît souvent la qualité des travaux, n'a toutefois pas résisté à la tentation de la culpabilisation des demandeurs d'emplois, et il aura fallu la sagesse des députés pour que l'amendement de M. About soit supprimé. Il s'agissait de revenir sur un dispositif utile et protecteur pour le salarié.

Ainsi votre majorité a-t-elle voté, en ces lieux, pour que la non-présentation du salarié à son poste soit qualifiée démission plutôt que licenciement, rompant avec la jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle, rappelons-le, la démission ne se présume pas. Cet amendement n'avait en fait qu'un objectif, celui de durcir plus encore les conditions d'accès au régime d'indemnisation du chômage des demandeurs d'emplois.

La réalité, nous la connaissons. Le Président de la République veut, d'ici à 2012, parvenir au plein emploi et réduire le chômage jusqu'au taux particulièrement bas de 5 %. Or, comme il ne peut compter ni sur la relance économique ni sur sa propre politique en matière d'emploi, il lui faut nécessairement trouver des stratagèmes. La solution réside ni plus ni moins dans la radiation massive des demandeurs d'emplois. Les deux exemples préalablement cités, à savoir l'amendement déposé par M. About, fort heureusement retiré, ...

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