Intervention de Annie David

Réunion du 31 janvier 2008 à 9h45
Service public de l'emploi — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Annie DavidAnnie David :

... il est prévu dans le projet de loi que « dans un délai de douze mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les modalités du transfert éventuel à l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 du code du travail des personnels de l'association pour la formation professionnelle des adultes chargés de l'orientation professionnelle des demandeurs d'emploi ».

La rédactrice de cet amendement a pris soin de recourir au terme « éventuel ». Mais les salariés ne savent que trop, depuis le rapport Marimbert de 2004 et celui, plus récent, de nos collègues Seillier et Carle, quel sort leur sera réservé. Ils savent que votre majorité veut en finir avec le service public de l'emploi et que, pour ce faire, il faut tout démanteler. Ils savent pertinemment que vous souhaitez détricoter la structure actuelle en séparant la formation et l'orientation.

Comment soutenir un seul instant que ce projet puisse être viable ? Comment soutenir que ces deux missions, pourtant très liées l'une à l'autre, puissent être exercées par des structures différentes ? Je comprends d'ailleurs mal votre logique. D'un côté, celui de l'ANPE et des ASSEDIC, il faut fusionner, de l'autre, celui de l'AFPA, il faut au contraire dissocier.

Pour mon groupe, la cohérence est totale. Nous sommes pour un service public de l'emploi, qui recouvre toutes les missions et soit un outil utile à l'employeur, au salarié actif et à celui privé d'emploi. Les salariés ne s'y sont d'ailleurs pas trompés et ils étaient nombreux à rejoindre leurs collègues qui manifestaient devant le Sénat durant nos travaux.

Comment ne pas mettre en corrélation cet amendement avec ce que les salariés de l'AFPA ont constaté ? Le 24 janvier dernier, les salariés élus du comité d'établissement ont interrogé la direction de l'AFPA sur la présence de la SOVAFIM « dans les murs de l'AFPA ». Je rappelle, pour mémoire, que la SOVAFIM est la société de valorisation foncière et immobilière, dont la mission est de valoriser et de vendre le patrimoine immobilier des agences ou institutions de l'État. À ce jour, les représentants élus des salariés n'ont reçu aucune réponse de la part de leur direction.

Je me tourne donc vers vous, madame la ministre, afin que vous nous confirmiez si l'État entend poursuivre et amplifier les ventes du patrimoine immobilier de l'AFPA, comme l'annonçait M. Jean-François Copé, alors ministre délégué au budget.

Ce que nous redoutons, et les faits sont têtus à cet égard, c'est la privatisation de la future institution, tout au moins de sa mission d'orientation. Aujourd'hui, vous vendez ses biens et transférez son personnel. Et demain ? Il ne restera plus qu'à vendre aux plus offrants la mission d'orientation.

Il en sera de même pour la mission de placement de la future institution et le risque est grand que les agents de l'AFPA n'aient plus pour mission, à l'avenir, que le contrôle et la lutte contre la fraude. D'ailleurs, je fais mienne la question posée dans le journal Le Figaro : qui va payer ?

Nous le savons, la réforme de la formation professionnelle qui va s'engager pose de vraies questions. Mais les salariés et leurs organisations ne sont pas les seuls à s'y intéresser. Le MEDEF y regarde aussi de près. Nul doute que la question de la part patronale du financement viendra en débat. Et si les déclarations récentes sur le financement de la part « formation professionnelle » par les employeurs ne sont pas de nature à nous rassurer totalement, autant dire que le silence sur la part « orientation » nous inquiète.

Je m'étais opposée à cet amendement lors de sa présentation en séance. Je regrette donc fortement que les députés ne soient pas revenus sur l'article en question et que celui-ci soit finalement adopté.

Madame la ministre, je souhaite, en conclusion, vous poser une question, à laquelle je ne doute pas que vous apporterez une réponse.

Le journal Les Échos en date du 30 janvier 2008 titrait : « À l'ANPE, plus d'un agent sur cinq est en contrat précaire ». On apprend, dans cet article, que l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP, ont remis un rapport conjoint faisant état de la précarisation des salariés de l'ANPE. Ce ne sont pas moins de 3 400 contrats à durée déterminée, 2 000 contrats aidés et 900 contrats temporaires qui se cumulent dans le service public de l'emploi. Pour Régis Dauxois, secrétaire général de Force Ouvrière-ANPE, « c'est une question structurante ».

D'après l'auteur de l'article, vous vous seriez engagée, madame la ministre, à requalifier tous les CDD de plus de dix-huit mois en CDI de droit privé. Or cela fait parfois plus de neuf ans que certains salariés sont en CDD, alors que la règle en la matière établit une limite de deux CDD maximum de trois ans, soit six ans tout au plus. À défaut, en cas de dépassement de ce délai, il conviendrait de requalifier ces contrats en contrats de droit public, à l'image de ceux de la majorité des agents.

Ce n'est pourtant pas ce que vous prévoyez. Vous proposez à ces salariés, qui ont participé au développement d'une structure publique, de bénéficier, après des années d'effort, non pas du statut de l'entreprise pour laquelle ils ont travaillé des années durant, mais de celui d'une agence à venir. Ne trouvez-vous pas socialement injuste de les renvoyer dans le secteur privé, quand leur activité professionnelle s'est déroulée pour l'essentiel dans le secteur public ? Vous connaissez notre opposition à votre projet de fusion. Mais, avec cette dernière mesure, vous méprisez les salariés et bafouez leur histoire personnelle au sein de ce service public.

La reconnaissance des salariés est un élément fondamental de la motivation, et nous en avons longuement débattu lors de l'examen de ce projet de loi et de celui pour le pouvoir d'achat. Il va sans dire que votre décision ne participe pas de ce mouvement de reconnaissance, et c'est fort regrettable.

Madame la ministre, quel sort entendez-vous réserver aux contrats atypiques et aux contrats temporaires dans la future institution ? Entendez-vous faire des salariés sous contrat précaire, comme cela semble se profiler à l'horizon, les leviers économiques de votre triste fusion ?

Je reste donc opposée, avec l'ensemble des sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, à ce projet de loi qui, au final, ne sera pas créateur de droits nouveaux pour les demandeurs d'emplois et privatisera plus encore ce qui reste du service public de l'emploi. J'émettrai donc, au nom de mon groupe, un vote d'opposition à votre projet de loi.

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