À l’issue de cette deuxième lecture au Sénat, mes sentiments sont extrêmement mitigés.
Tout d’abord, je veux remercier M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et M. le rapporteur de leur accueil, très républicain, et de leur travail. Nous avons pu travailler ensemble, dans l’écoute et le respect mutuel, pour construire un texte, même si celui-ci n’est pas parfait. Ancienne députée, je peux vous dire que cela ne se déroule pas toujours ainsi à l’Assemblée nationale…
Outre les services du Sénat, je remercie ceux du ministère, qui ont été malmenés ce soir sur certains amendements, mais qui ont abattu un travail énorme. Je tenais à leur rendre hommage.
Plutôt habituée aux joutes oratoires très passionnées et pleines de postures de l’Assemblée nationale, j’avais entendu parler de la première lecture au Sénat de ce projet de loi. On m’en avait dit le plus grand bien. On m’avait parlé d’un état d’esprit constructif, d’une écoute et d’un respect mutuel. Il est vrai que les résultats étaient intéressants, et des mesures qui méritaient toute notre attention en étaient sorties.
Tout cela me laissait espérer un débat d’une aussi grande qualité. C’est la raison pour laquelle je suis aujourd’hui partagée.
Contrairement à Mme Didier, qui n’a pas la même expérience que moi, je tiens cependant à dire que les débats au Sénat sont bien plus argumentés, sereins et respectueux qu’à l’Assemblée nationale, qui est nettement plus théâtrale. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai apprécié de pouvoir échanger avec vous et d’apprendre à mieux vous connaître lors de ce qui fut, pour moi, une première lecture au Sénat. J’ai apprécié ce climat qui permet, quand même, d'argumenter, de s’écouter et de se respecter, même quand on n’est pas d’accord.
Maintenant, sur le fond du texte, la secrétaire d’État que je suis, avec des convictions chevillées au corps et qui se bat depuis des années pour ces questions d’écologie et de biodiversité, ne peut forcément qu’être un peu déçue – c’est même, vous l’aurez compris, un euphémisme.
Cet enjeu est tellement important, il conditionne tellement notre avenir, celui de nos enfants comme celui de notre système économique ou agricole ! J’ai les plus grandes difficultés à accepter que l’on en soit encore à certaines considérations, que je croyais dépassées. Je rejoins ceux d’entre vous qui ont exprimé le même sentiment. J’avais l’impression que la question de la biodiversité était plus intégrée.
Forcément, cela aboutit à des mesures qui sont en deçà de ce que l’on est en droit d’attendre quand on a une exigence normale des enjeux auxquels nous sommes confrontés.
J’essaye de rester positive et je note tout de même certains progrès. En ce qui concerne le préjudice écologique, vous avez réalisé un indéniable travail. Il y a aussi d’autres éléments, comme les gènes natifs, pour lesquelles il y a eu des évolutions positives. Le travail au Sénat n’a donc pas été inutile, loin de là.
Toutefois, les reculs sont bien trop nombreux, par exemple sur l’AFB et son financement, sur l’APA, sur les objectifs ou sur certaines mesures emblématiques, par exemple s'agissant des néonicotinoïdes. Même si on ne peut pas parler de recul, ce dernier sujet est emblématique de ce que je disais à l’instant : malgré l’urgence à agir, il serait urgent d’attendre… Il va vraiment falloir travailler de nouveau sur ces questions !
Je reste, malgré tout, une incorrigible optimiste, et c’est peut-être ce qui fait de moi une écologiste un peu spéciale. Je continuerai donc de travailler avec tous ceux qui le souhaitent pour aboutir à un équilibre plus satisfaisant sur ce texte. J’espère que nous pourrons y arriver en commission mixte paritaire, mais je vous avoue que, à ce stade, j’ai quelques doutes.
Si la commission mixte paritaire n’aboutit pas, nous ferons une nouvelle lecture. J’y suis prête et j’y viendrai pleine de volonté et de conviction, pour réussir à tirer vers le haut ces exigences absolument essentielles que sont la préservation de notre biodiversité et sa reconquête. Car, oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à ce dernier terme !