Intervention de Barbara Pompili

Réunion du 17 mai 2016 à 14h30
Usage des drones civils — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, on assiste en France et dans le monde à un essor des usages des drones civils professionnels et de loisir. Le développement de la filière a été très dynamique. À la fin de 2012, elle ne comptait que 50 opérateurs ; à la fin de 2015, ce sont plus de 2 300 opérateurs de drones qui sont déclarés en France. Ils exploitent plus de 4 200 drones et représentent environ 6 500 emplois.

L’usage des drones de loisir est également en plein essor, avec plusieurs centaines de milliers de drones vendus pour la seule année 2015 en France.

Le développement rapide de la filière française est le fruit d’une longue tradition aéronautique, d’un tissu de PME particulièrement dynamiques et d’utilisateurs visionnaires qui ont bénéficié d’une réglementation équilibrée et innovante.

Depuis 2012, de nombreuses utilisations professionnelles des drones civils se sont développées dans différents domaines, permettant l’émergence de multiples activités qui, pour certaines d’entre elles, étaient difficilement imaginables avant l’essor des drones. Les activités les plus connues sont les prises de vue pour les médias, le cinéma et la publicité. Mais les drones sont aussi utilisés pour de nombreuses autres activités professionnelles comme les inspections de bâtiments et d’infrastructures, la supervision des cultures, le suivi de chantiers, les missions de surveillance et de sécurité civile.

À titre d’exemple, le recours aux drones au service de la surveillance des incendies de forêt tend à se généraliser. Les drones sont ainsi venus renforcer le dispositif d’une cinquantaine de caméras de vidéosurveillance mises en place dans le massif des Landes depuis 2007. C’est un moyen à la fois efficace et économiquement compétitif au service de la sécurité de nos concitoyens et de l’environnement.

Le développement de cette filière s’accompagne toutefois de nouveaux enjeux liés à la sécurité et à la sûreté. Les préoccupations de sûreté sont notamment consécutives aux signalements de survols illicites de zones sensibles. Ces dernières semaines, les signalements de drones par des pilotes de ligne ont fait émerger des inquiétudes sur la sécurité du trafic aérien.

Indépendamment des questions de réglementation, l’État doit bien entendu se doter d’un certain nombre de moyens pour être en mesure de faire cesser des survols indésirables. Cela demande le développement de technologies adaptées ainsi que l’acquisition de nouveaux équipements. Des essais ont déjà eu lieu et des travaux de recherche financés par le Gouvernement sont en cours. Nous sommes également en contact très étroit avec nos voisins européens afin de partager ensemble les pistes prometteuses en matière de lutte contre les drones malveillants.

Parallèlement, il est également nécessaire, bien sûr, qu’un corpus de règles adaptées accompagne l’essor de cette nouvelle industrie. Ces règles doivent répondre à l’objectif délicat de concilier la sécurité, la sûreté, la protection de la vie privée et le soutien au développement d’une filière émergente, source de réelles opportunités de croissance économique et de création d’emplois.

L’ensemble du Gouvernement est très impliqué dans le maintien de cet équilibre, qui est la condition pour que le secteur français du drone civil reste, comme c’est le cas aujourd’hui, le plus dynamique d’Europe, qu’il s’agisse de construction ou d’exploitation.

Le Conseil pour les drones civils, installé en 2015, rassemble, avec les services de l’État, les acteurs de la filière. Il permet, sur la base d’objectifs partagés, de progresser dans la recherche des voies réglementaires, technologiques et économiques susceptibles de contribuer à cet équilibre.

Un cadre réglementaire national existe déjà. La France a ainsi été parmi les tout premiers pays au monde à se doter, dès 2012, d’une réglementation spécifique pour les usages professionnels des drones civils. La mise en place de ce cadre juridique novateur, qui a permis d’accompagner et de promouvoir l’émergence de ces activités, a été saluée par la profession et nos voisins européens. Ce choix ambitieux nous confère une véritable avance par rapport à d’autres grands pays industriels ; il est essentiel de la conserver.

Cette réglementation se voulait délibérément évolutive. Elle a ainsi été améliorée à la fin de 2015 en tenant compte du retour d’expérience des premières années, et est désormais mieux adaptée aux usages professionnels actuels.

La France participe également activement aux réflexions sur la mise en place de règles partagées relatives aux drones civils aux niveaux européen et international, dans le cadre des travaux de la Commission européenne et de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, ainsi que de l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’OACI.

En octobre dernier, le Gouvernement a remis au Parlement un rapport intitulé L’essor des drones aériens civils en France : enjeux et réponses possibles de l’État.

Ce rapport a mis en évidence la nécessité d’adopter des règles de nature législative et a formulé certaines propositions.

Ces propositions ont constitué la base de réflexion des deux auteurs de la proposition de loi dont vous débattez aujourd’hui. Je remercie donc MM. Xavier Pintat et Jacques Gautier d’avoir inscrit leur initiative dans le prolongement de cette réflexion partagée.

La proposition de loi pose les principes d’un nouvel encadrement de l’activité drone : l’immatriculation et l’enregistrement des appareils permettront d’en assurer une meilleure traçabilité, tandis que des dispositifs de signalement permettront d’améliorer la sécurité des tiers dans les espaces aériens.

Définir la fonction de télépilote permet de consolider la création d’un statut des télépilotes, en cohérence avec les travaux en cours au sein de la filière qui ont conduit à la récente signature d’un avenant à la convention collective nationale des personnels au sol du transport aérien pour l’élargir à ces nouveaux métiers. Nous évoquerons tout à l’heure ce sujet plus précisément en examinant l’amendement déposé à propos de la définition du télépilote.

Pour les obligations de formation des télépilotes professionnels, ce texte inclut de nouvelles dispositions concernant des obligations de formation pour tous, y compris la pratique des activités de loisir. Il ouvre également la voie à l’élaboration d’un titre de télépilote, notamment pour les activités professionnelles les plus complexes, comme celles qui sont opérées hors de vue du télépilote.

En outre, à l’article 4, la commission a suivi la proposition du rapporteur et introduit un support prévoyant, pour certains drones, une obligation d’emport d’un dispositif de limitation de performance. Ce dispositif vise notamment à assurer la sécurité des vols habités et est en cohérence avec les réflexions en cours au niveau européen, notamment au sein de l’Agence européenne de la sécurité aérienne. Cet ajout est donc tout à fait bienvenu.

En pratique, les modalités de limitation des performances seront diverses. Elles pourront comprendre la limitation de la hauteur de survol, la limitation de la distance entre le télépilote et le drone, mais également le recours à un logiciel rendant impossible le survol de zones interdites en fixant des limites au volume d’évolution du drone. Certaines de ces technologies sont encore en cours de recherche et de développement. Les termes de la disposition qui figure dans le présent texte assurent qu’elles pourront être prises en compte lorsqu’elles seront devenues opérationnelles.

La proposition de loi sécurise le régime juridique de sanctions pour les contrevenants. Ce point est indispensable. En effet, une juste prise en compte pénale est absolument essentielle à la cohérence du dispositif juridique. Elle est complémentaire des actions d’information et de pédagogie. Il importe en effet de promouvoir les règles d’usage des drones en toute sécurité et d’en informer le grand public : les notices, que ce texte rendra obligatoires, y contribuent, en complément des actuelles actions menées par le ministère chargé des transports.

Un bon équilibre est assuré entre les principes, qui relèvent de la loi, et leur mise en œuvre, qui procédera de l’adoption de dispositions réglementaires. Cette approche pragmatique est pleinement cohérente avec la préoccupation du Gouvernement de promouvoir des normes réactives, adaptées au juste besoin. C’est une garantie de souplesse future, particulièrement nécessaire compte tenu de l’évolution rapide des technologies.

S’agissant des seuils de masse, ceux-ci devront être choisis de sorte que la contrainte qui pèsera ainsi sur les industriels et les utilisateurs soit correctement proportionnée aux objectifs de sûreté et de sécurité recherchés. Le rapport remis au Parlement à l’automne dernier préconisait de retenir 25 kilogrammes pour le seuil d’immatriculation, et 1 kilogramme pour les autres. Le travail interministériel se poursuivra également à ce sujet dans le cadre du travail réglementaire à venir.

La proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui répond, de façon efficace et équilibrée, aux préoccupations de sécurité publique émergentes liées au développement des activités drone.

Je tiens à remercier M. Cyril Pellevat, rapporteur du texte, d’avoir apporté, en concertation avec les professionnels et les administrations concernés, des améliorations à un dispositif qui permettra à la France de continuer à conjuguer dans ce secteur la réussite industrielle et la modernisation juridique.

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