Intervention de Éliane Houlette

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 mai 2016 à 9h46
Lutte contre l'évasion et la fraude fiscales internationales — Audition de Mme éliane Houlette avocat général à la cour de cassation procureur de la république financier près le tribunal de grande instance de paris

Éliane Houlette, procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris :

Je suis heureuse d'être parmi vous pour vous présenter le parquet national financier, une jeune institution dont le fonctionnement est très différent de celui des autres parquets de France, en raison du caractère éminemment technique des contentieux qu'il traite et de la complexité des procédures dont il est saisi. Celles-ci requièrent des investigations hors normes par leur ampleur géographique, leur dimension technologique et les enjeux qui y sont attachés.

Je suis ici accompagnée par Mireille Venet, procureur de la République adjoint, Vincent Filhol et Emmanuel Chirat, substituts financiers qui sont chargés de l'affaire des Panama Papers, avec deux autres magistrats qui, pris à leur tâche, n'ont pu se joindre à nous. Le parquet national financier, créé par la loi du 6 décembre 2013 et mis en place le 1er février 2014, est entré en fonction le 3 mars de la même année.

Quelle est la spécificité de ce parquet ? Une compétence territoriale nationale - métropole et outre-mer - et une compétence matérielle réduite à trois types d'infraction : les délits boursiers, les atteintes à la probité et la fraude fiscale complexe. Pour le premier type d'infraction, notre compétence est exclusive, tandis que pour les deux derniers, nous sommes en concurrence avec les autres parquets, et notamment ceux des juridictions interrégionales spécialisées.

Quelques données chiffrées : lorsque l'institution a été créée, nous étions cinq magistrats, dont le procureur que je suis, et un greffier stagiaire. Nous avons atteint aujourd'hui un effectif de quinze magistrats, quatre assistants spécialisés - dont deux administrateurs des finances publiques, un expert-comptable et un spécialiste en matière boursière -, un greffier en chef, cinq greffiers et une assistante administrative. Nous sommes organisés en trois groupes, dont chacun est dirigé par un procureur adjoint.

L'étude d'impact effectuée en mai 2013 estimait la capacité de traitement du futur parquet national financier à 260 dossiers, partant du postulat qu'un magistrat ne pouvait suivre plus de huit procédures. Or nous sommes aujourd'hui saisis de 353 procédures, dont 155 pour fraude fiscale et escroqueries à la TVA - soit 44 % du total -, 136 pour atteinte à la probité, 43 pour délits boursiers, les 19 procédures restantes étant en cours d'évaluation. Parmi ces procédures, 70 % sont en enquête préliminaire et 30 % font l'objet d'une information judiciaire : je pourrai développer, si vous le souhaitez, les raisons du choix du traitement en enquête préliminaire. Depuis sa création, le parquet national financier a fait procéder à la saisie de près de 78 millions d'euros, et 29 mesures de saisie d'avoirs à l'étranger ont été prononcées, à sa demande. Il a émis 118 demandes d'entraide pénale internationale et a été destinataire de 79 requêtes d'assistance judiciaire - ce que nous appelons les demandes d'entraide « passives », que nous exécutons pour les autorités étrangères, mais qui n'en sont pas moins chronophages puisque nous nous assurons de leur bonne exécution par les services avec lesquels nous travaillons.

Lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai déterminé d'emblée quatre axes de procédure pénale, qui n'ont pas varié depuis. La lutte contre le temps, tout d'abord, sachant que l'essentiel des critiques se concentre sur la durée des enquêtes en matière économique et financière. C'est une des raisons qui expliquent le choix de l'enquête préliminaire. Deuxième axe, la recherche de poursuites efficaces et d'une plus grande répression en matière fiscale. Lorsque les finances sont corrompues, c'est le bon fonctionnement de l'économie et le pacte démocratique qui sont en jeu. C'est donc là une priorité absolue de la politique pénale du parquet national financier. Troisième axe, la sélection utile des dossiers en matière de compétence concurrente, en particulier pour les atteintes à la probité mais aussi pour ce qui concerne la lutte contre la fraude fiscale. Quatrième axe, enfin, la moralisation des marchés financiers, sujet sur lequel j'ai eu le plaisir de m'entretenir avec Albéric de Montgolfier, votre rapporteur sur la proposition de loi réformant la répression des abus de marché.

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