Bien sûr. Comme je l'ai rappelé, l'article 11 du code de procédure pénale interdit de dévoiler ce qui touche à l'instruction, mais je vais m'efforcer de vous donner toutes les informations que je peux. Après la révélation de l'affaire le 3 avril, dans un article du Monde et dans la presse en ligne, nous avons dès le 4 avril ouvert une enquête préliminaire, pour blanchiment de fraude fiscale aggravée, confiée à l'OCLCIFF. À la suite de la révélation par la presse d'une possible implication d'autres banques, nous avons co-saisi, le 13 mai, le service national de douane judiciaire : l'ampleur des investigations est telle que l'OCLCIFF seul serait dans l'incapacité de les mener dans des délais raisonnables. Le 5 avril 2016, nous avons mené les premières perquisitions à la Société Générale. Nous avons mis en place une organisation spécifique au sein du parquet national financier. Cinq magistrats sont chargés du dossier - qui traitent concomitamment, il faut le rappeler, d'autres dossiers de fraude fiscale aggravée de grande ampleur -, auxquels s'ajoutent deux assistants spécialisés. Nous avons mis en place une veille médiatique approfondie, déterminé des objectifs et des cibles, ainsi que des méthodes de travail, avec l'administration fiscale et les services d'enquête - avec lesquels nous entretenons d'excellentes relations. Nous avons d'ailleurs formé une « troïka » et nous nous rencontrons régulièrement pour confronter nos informations. La direction de l'enquête est sous la responsabilité du parquet national financier, mais une cellule opérationnelle se réunit tous les quinze jours, et les chefs de service se rencontrent au moins une fois par mois.
Au mois de mai 2016, nous avons pris contact avec nos homologues étrangers pour préparer nos futures demandes d'entraide internationale. Je me suis rendue à Madrid pour y rencontrer le procureur général de l'Audiencia nacional espagnole, Javier Saragoza, qui a ouvert en même temps que nous une enquête préliminaire. Après la publication de la fameuse base de données, le 9 mai, sur le site du consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), nous avons créé, avec la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), une petite cellule rassemblant des compétences en matière de cybercriminalité, chargée d'y travailler. Par l'intermédiaire de notre réseau étendu de magistrats de liaison, nous avons noué un contact étroit avec nos homologues étrangers. Enfin, j'ai saisi, vendredi 13 mai, le représentant français auprès d'Eurojust d'une demande de collaboration sur ce dossier. Voilà, très rapidement, comment nous travaillons.